| PEINTURE, subst. fém. I. A. − Matière colorante composée d'un pigment et d'un liant, utilisée pour recouvrir une surface, pour la protéger ou l'orner. Boîte, pot, tube de peinture; attention à la peinture. Les parois sont ornées de sculptures d'une extrême finesse couvertes d'une couche légère de peinture quelquefois disparue sous le limon dont les premiers chrétiens avaient barbouillé les murailles (Du Camp, Nil,1854, p.129).Alban sursauta. Sur sa manche, la peinture fraîche de la barrière avait fait une large tache rouge (Montherl., Bestiaires,1926, p.521).Philippe déposait sur un bahut sa palette éclatante. L'odeur grasse de la peinture flottait dans la pièce comme un encens (Duhamel, Suzanne,1941, p.232). ♦ [Suivi d'un adj. ou d'un nom en appos. indiquant la qualité ou les propriétés de la peinture] Peinture brillante, mate; peinture émail, peinture laque, peinture laquée; peinture lumineuse, phosphorescente; peinture antiseptique, antirouille. Peinture anti-parasite, antisalissante ou, p.empr. à l'angl., antifouling. Peinture corrosive que l'on emploie comme couche de surface pour les carènes et qui a pour but de gêner le développement des coquillages et de la végétation sur les tôles (d'apr. Gruss 1952, 1978). Avec les carènes métalliques (...) on fait usage de deux peintures: une première peinture antirouille et une seconde peinture, dite antifouling, devant s'opposer à l'adhérence de la flore et de la faune sous-marines (Coffignier, Coul. et peint.,1924, p.695). ♦ [Suivi d'un compl. ou d'un adj. désignant le liant ou le pigment spécifique] Peintures aux résines; peintures acryliques, vinyliques; peinture au minium, au plomb, au zinc. Peinture à l'huile. V. huile I A 2 a.Peinture à la colle, peinture en détrempe ou à la détrempe. ,,Peinture dont le liant en dissolution dans l'eau est constitué par une colle`` (Barb.-Cad. 1963). ♦ Peinture à l'eau. Peinture dans laquelle l'eau intervient comme solvant. Les peintures à l'eau prêtes à l'emploi sont des peintures en émulsion (Delorme1962). − P. anal. Fard, maquillage (du visage); vernis (à ongles); teinture (des cheveux, de la barbe). Il y avait ensuite le blanc, le kohl, la poudre de riz, les opiats, les pattes de lièvre, tout l'attirail de la peinture dramatique (A. Daudet, Pt Chose,1868, p.295).Ses cheveux [de Gwynplaine] avaient été teints couleur d'ocre une fois pour toutes (...). Gwynplaine avait les cheveux jaunes. Cette peinture des cheveux, apparemment corrosive, les avait laissés laineux et bourrus au toucher (Hugo, Homme qui rit,t.2, 1869, p.61).Elle se parfumait, se mettait de la peinture sur les ongles, du rouge sur les lèvres (Queneau, Pierrot,1942, p.27). ♦ Pop. Un (vrai) pot de peinture. Visage trop maquillé (Ds Rey-Chantr. Expr. 1979). B. − Couche de peinture recouvrant une surface, un objet; surface peinte. Refaire les peintures. L'appartement du docteur n'avait pas été changé depuis quarante ans. Les peintures, les papiers, la décoration, tout y sentait l'Empire (Balzac, Cous. Pons,1847, p.161).Celui qui imagina de coller une toile sur le panneau, pour que la peinture ne se fendît pas avec le bois, passa pour un homme merveilleux (A. France, Lys rouge,1894, p.136): 1. Devant les portes des chambres, dans les corridors, les tentures pendaient en loques, et partout la peinture des boiseries s'écaillait au long des fentes, se noircissait à l'endroit où les mains touchent les portes, où le balai heurte les plinthes.
Adam, Enf. Aust.,1902, p.104. II. − Action de peindre. A. − Action de recouvrir (une surface, un objet) d'une matière colorante. Peinture en bâtiment; entreprise de peinture; peinture au pinceau, au rouleau. Pour la réparation des voitures, [un atelier complet] comprend (...) un atelier de peinture (Bricka, Cours ch. de fer,t.2, 1894, p.121).L'aérographe (...) dont la technique est celle de la peinture industrielle au pistolet (Arts et litt.,1935, p.30-19): 2. ... en dépit de ses hôtes, qui le traitaient en convalescent, ou, par délicatesse afin de marquer leur confiance, qui le dirigeaient sur les besognes aristocratiques du chantier, le nettoyage des trumeaux ou la peinture des rechampis, il n'était pas à l'aise.
Giraudoux, Bella,1926, p.159. B. − BEAUX-ARTS 1. Au sing. a) Art de peindre; moyen d'expression qui, par le jeu des couleurs et des formes sur une surface, tend à traduire la vision personnelle de l'artiste. Faire de la peinture; aimer la peinture; école de peinture. La sculpture, ainsi, le plus matériel des arts, aura créé l'intelligence qui, aboutissant à la peinture, recréera, par elle, la sensualité. Et la peinture, par la sensualité, ramènera au sentiment mystique que le rationalisme atomique avait détruit (Faure, Espr. formes,1927, p.178).La peinture n'explique pas: elle se borne à être et à montrer ce qu'elle est; à nous de l'éprouver par sa vertu de contagion (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p.245): 3. ... la peinture n'est pas le dessin. La peinture est de la couleur et dans son triomphe, je ne la vois que dans les pays de brouillard froids et chauds, dans les pays où un certain prismatique monte de l'eau dans l'air, en Hollande ou à Venise. Elle ne m'apparaît pas dans le clair éther de la Grèce, pas plus que dans le bleu clair de l'Ombrie.
Goncourt, Journal,1867, p.336. − [Suivi d'un adj. ou d'un compl.] Technique, procédé, pratique d'un genre de l'art pictural (défini par l'emploi de tel support, de telle matière, par la mise en oeuvre de certains sujets, de certaines conceptions). Molière établit, en termes magnifiques, la distinction de la peinture à l'huile et de la fresque: cette différence n'est autre que celle qui sépare La Bruyère, peintre de chevalet et à l'huile, de lui Molière, peintre à fresque (Sainte-Beuve, Port-Royal,t.3, 1848, p.227).Nos auteurs tragiques, de même que les peintres médiocres qui s'attardent à la peinture d'histoire, placent tout l'intérêt de leurs oeuvres dans la violence de l'anecdote qu'ils reproduisent (Maeterl., Trésor des humbles,1896, p.165): 4. Pour avoir préconisé non pas un art d'imitation, mais un art de conception qui tend à s'élever jusqu'à la création et jusqu'à l'effusion pure, ainsi que le dit magnifiquement Apollinaire, le cubisme préparait, par son esprit, par ses recherches, par ses aspirations, les voies à la peinture abstraite, ces voies qu'il paraissait lui clore par ses réalisations. Mais ces réalisations, à les mieux regarder, ne nous apparaîtront-elles pas comme capables d'engendrer, elles aussi, cette peinture abstraite?
Dorival, Peintres XXes.,1957, p.119. SYNT. Peinture murale, monumentale; peintures rupestres; peinture sur bois, sur émail, sur porcelaine, sur verre, sur toile; peinture à l'aquarelle, à la gouache, au lavis; peinture de portrait, de genre; peinture abstraite, figurative, non figurative, réaliste, décorative. ♦ [Au Moy. Âge] Plate peinture. Peinture exécutée sur une surface plane (par opposition à la peinture appliquée sur ronde bosse). On dirait que ces figures sont de relief, mais ce n'est que plate peinture (Ac.1798-1878).En passant sous le portail, vous m'expliquerez aussi ce que veut dire le jardinier de plate peinture qu'on voit en entrant dans l'église (Hugo, N.-D. Paris,1832, p.322). b) Au sing. à valeur de coll. Ensemble d'oeuvres picturales. Commençons par visiter ce que mes contemporains ont pris l'habitude d'appeler la peinture d'histoire (Huysmans, Art mod.,1883, p.15).Le Charles Ierde Van Dyck est le père de toute la peinture anglaise du siècle suivant, de Lawrence et Reynolds, de Hoppner et Raeburn, et du chef-d'oeuvre de cette peinture: le portrait de Mrs. Siddons, par Gainsborough (Morand, Londres,1933, p.232): 5. Rembrandt ne semble-t-il pas dire, avec sa peinture, ce qu'exprimait saint Jean de la Croix: «Nous ne sommes pas ici-bas pour voir, mais pour ne pas voir»? Entendons bien: Pour ne pas voir ce qui retient indûment les regards qui ne cherchent rien.
Huyghe, Dialog. avec visible,1955p.304. SYNT. Vendre sa peinture, vivre de sa peinture; exposition, galerie de peinture; la peinture classique, romantique, impressionniste; la peinture française au XVIIIes. V. aussi syntagmes supra B 1 a en partic. 2. Au sing. et au plur. a) OEuvre picturale. Une bonne, une mauvaise peinture; une peinture à fresque. Je n'ai remarqué qu'une toile qui soit la peinture d'un vrai peintre, je n'ai remarqué que le tableau de l'Américain Orchardson, ayant pour titre l'Énigme (Goncourt, Journal,1894, p.590).Parmi les peintures représentant ce jeu [les osselets], il en est une célèbre au Musée de Naples: c'est une peinture monochrome sur marbre, signée Alexandre d'Athènes (D'Allemagne, Récr. et passe-temps,1904, p.75).Au centre du panneau, attirant le regard comme une présence, était accroché un portrait de Jacques, grandeur nature: une peinture à l'huile, de facture moderne (Martin du G., Thib.,Épil., 1940, p.834): 6. ... le premier effet d'une belle peinture est une contemplation aussi riche que l'on voudra, qui occupe et ramène toute l'âme, par une variété sans fin, mais réduite aussitôt à cette forme colorée qui suffit à tout porter; dont la première cause, qui marque aussi l'opposition profonde entre la peinture et le dessin, est que la ligne évoque des formes, au lieu que la couleur évoque des sentiments.
Alain, Beaux-arts,1920, p.262. − La peinture de qqn. Son portrait peint. Ce sont les traits vivants, c'est [un médaillon] la peinture parlante de l'auguste reine des îles d'Orient! (Nodier, Fée Miettes,1831, p.130). ♦ Loc. En peinture
α) En portrait, en effigie. Je t'ai sur mon coeur placée en peinture, Quand je suis parti. Il m'a préservé de toute blessure, Ce portrait chéri! (Meilhac, Halévy, Gde duchesse de Gérolstein,1867, ii, 1, p.232).P. anal., région. (Canada). ,,Tout craché, tout recopié`` (Rogers 1977). Ah! Émilie, moé j'ai pour mon dire qu'on est le portrait de nos pères, Gaston, c'est un Tite-Masse en peinture (Trudel, Vézine,1946, p.68 ds Rogers 1977).Fam. Ne (pas/plus) pouvoir voir qqn en peinture. Ne (pas/plus) pouvoir le supporter; le détester. Elle ne peut pas le voir en peinture. Elle a tort, c'est un garçon très riche (Dumas fils, Dame Camélias,1848, p.78).Il me prenait en grippe. Il pouvait plus me voir en peinture (Céline, Mort à crédit,1936, p.166).
β) Vx ou littér., loc. adv. ou adj. (D'une manière) qui manque de réalité, de consistance; (qui n'existe qu') en apparence. Louis XVI s'est peut-être arrêté au Grand Monarque, et s'est vu là peint en enseigne, roi en peinture lui-même. −Pauvre «grand monarque»! (Hugo, Rhin,1842, p.26).Chacun a sa vocation en ce monde: la mienne n'est pas, malheureusement, pour les mariages en peinture (Feuillet, Scènes et com.,1854, p.262).Ce n'est pas un homme qui lève le doigt au milieu de cette pauvre enluminure, C'est Dieu qui pour notre salut n'a pas souffert seulement en peinture (Claudel, Corona Benignitatis,1915, p.474). b) P. anal. Représentation matérielle, naturelle ou artificielle; image de quelque chose. Si la peinture fidèle de la forme de l'objet sur la rétine explique le secret de la perception de cette forme, il faut que cette peinture, que cette image aille de la rétine au nerf optique, du nerf optique au cerveau (Cousin, Hist. philos. XVIIIes.,t.2, 1829, p.338).Nous commençons à comprendre (...) comment l'écriture, qui ne consistait d'abord qu'en signes naturels, (...) a tendu de plus en plus à devenir un signe indirect, une simple peinture conventionnelle du langage parlé (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p.318). C. − Au fig. Fait de représenter quelque chose par le langage, la musique (ou tout moyen d'expression autre que la peinture); description, évocation se voulant exacte, vive et frappante. On le voit, le drame tient de la tragédie par la peinture des passions, et de la comédie par la peinture des caractères (Hugo, Ruy Blas,1838, préf., p.330).La peinture très intéressante que vous me faites de votre diète ne m'a pas surpris. J'imaginais les choses à peu près telles que vous me les dépeignez (Tocqueville, Corresp.[avec Gobineau], 1854, p.217).Moussorgski est trop profondément russe pour concevoir une Carthaginoise qui ne fût pas moscovite, et, comme le dit R. Hofmann, «toute peinture musicale est forcément subjective» (Dumesnil, Hist. théâtre lyr.,1953, p.176): 7. J'ai dû comprendre qu'on appelle souvent peinture objective une représentation superficielle; mais, pour une peinture profonde, c'est en soi que le poète expérimente ce qui fera l'objet de son tableau.
Gide, Journal,1930, p.984. SYNT. Peinture morale, sociale; peinture de l'homme, du coeur humain, des sentiments, de l'amour, du bonheur; peinture des moeurs, de la société, de la vie; peinture exacte, fidèle, vraie; peinture cruelle; peinture complaisante, fausse, romanesque. Prononc. et Orth.: [pε
̃ty:ʀ]. Att. ds Ac. dep.1694. Étymol. et Hist.1. 1121-34 «description, évocation imagée faite à l'aide de mots» (Philippe de Thaon, Bestiaire, 2802 ds T.-L.); 2. a) ca 1140 «représentation graphique et colorée destinée à suggérer quelque chose; tableau» (Voyage de Charlemagne, éd. G. Favati, 345: Li paleis fu listez d(e) azur, et ave(r)nanz Par [mult] cheres peintures a bestes et (a) serpenz, A tutes creatures et oiseäus volanz); b) ca 1200 fig. «ce qui est gravé, fixé dans l'esprit, le coeur» (Moralités sur Job, 327, 33 ds T.-L.: eles gardent en soi la pointure de cez [temporeiz] choses cui eles aiment [servant depicta quae amant]); 3. ca 1165 «suggestion, représentation du monde visible par la couleur» (Benoît de Ste-Maure, Troie, 22416, ibid.); 1554 en plate peincture (Thevet, Cosmogr., IV, 2 ds Hug.); s.d. [av. 1615] en peinture plate ou en bosse (Pasquier, Lettres, XI ds OEuvres, éd. Amsterdam, 1723, t.2, col. 296); 4. a) fin xiiies. «souillure laissée par le fer d'une arme dans une blessure [par comparaison avec un enduit utilisé pour peindre]» (Sone de Nansai, 13472 ds T.-L.); b) 1671 «matière colorante servant à peindre» (Pomey); c) 1688 «fard» (La Bruyère, Caractères, Des femmes, 6 ds OEuvres, éd. J. Benda, p.109). Du lat. vulg. *pinctura, réfection d'après le verbe pingere, v. peindre, du class. pictura «l'art de peindre; ouvrage peint, tableau; action de farder, enluminure; [fig.] description, tableau [par la parole, l'écrit]». Fréq. abs. littér.: 4588. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5601, b) 6168; xxes.: a) 6813, b) 7330. DÉR. Peinturier, -ière, subst. masc. et adj.,fam. a) Subst. masc. Mauvais peintre. Ce portrait [d'Albert Wolff par Bastien Lepage] eut un succès de terreur au salon de 1880. La brutale autant que précieuse médiocrité du peinturier avait trouvé là sa formule (Bloy, Désesp.,1886, p.324).b) Adj. Qui appartient aux peintres. Raphaël, au mépris de l'Évangile, qui n'en dit pas un seul mot, a tenu à faire planer ses trois personnages lumineux, obéissant à une peinturière tradition d'extase infiniment déplacée dans la circonstance (Bloy, Femme pauvre,1897, p.75).− [pε
̃tyʀje], fém. [-jε:ʀ]. − 1resattest. a) subst. fin xiiies. [ms.] masc. peinturier «peintre» (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 22411, var. ms. K), très rare; encore relevé au xvies. (Gdf.), puis en 1897 au sens de «barbouilleur» (Bloy, Femme pauvre, p.273); ca 1265 fém. peinturiere fig. (Brunet Latin, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, III, X, 23, p.327), ex. isolé; b) adj. 1897 (Bloy, op. cit., p.142); de peinture, suff. -ier*. BBG. −Quem. DDL t.15, 17. |