| PEIGNE, subst. masc. A. − Objet de toilette ou de parure. 1. Instrument à dents plus ou moins fines et serrées, utilisé pour démêler, arranger les cheveux, la barbe d'une personne, les poils d'un animal. Jouant les chansons à la mode sur un peigne entouré de papier de soie (Giraudoux, Simon, 1926, p.76).Sans pitié, elle ratisse avec son peigne les cheveux emmêlés (Martin du G., Vieille Fr., 1933, p.1101): 1. Un large peigne en main, Justin Weill s'efforçait de rejeter en arrière et de lisser en la mouillant un peu sa chevelure couleur de flamme.
Duhamel, Cécile, 1938, p.36. SYNT. Peigne fin; peigne à démêler (v. démêloir); peigne à queue, à double rangée de dents; peigne de poche; dents, dos d'un peigne; peigne de/en buis, écaille, corne, ivoire, métal, matière plastique; passer un peigne dans ses cheveux, sa barbe. ♦ P. métaph. Le vent (...) chante, en mille ruisseaux d'air divisés par les peignes de l'if (Colette, Mais. Cl., 1922, p.88).Les persiennes de la salle à manger dressaient deux peignes de lumière (H. Bazin, Mort pt cheval, 1949, p.57). − En partic. Peigne liturgique. Au Moyen Âge et actuellement dans l'Église orientale, peigne utilisé par le prêtre avant de célébrer la messe. Les peignes liturgiques ornés de festons de pampres (A. France, Mir. Gd St Nic., 1909, p.105).Le pontifical romain prescrit l'usage d'un peigne d'ivoire dans la cérémonie du sacre des évêques, et le symbolisme de cette cérémonie était analogue à celui du lavement des mains (Gayt.21928). − Loc. et expr. ♦ Coup de peigne (Se) donner un coup de peigne. (Se) peigner rapidement pour remettre les cheveux en place. Il se jeta de l'eau à la face, puis se donna un coup de peigne. Ce bout de toilette rafraîchit sa tête (Zola, Th. Raquin, 1867, p.109).[Chez le coiffeur] Remise en forme de la coiffure; p.méton., technique du coiffeur. Une femme ne pouvait être présentée sans avoir été coiffée par lui, et sans lui faire passer mystérieusement les dix louis dont il faisait payer la faveur de son coup de peigne (Jouy, Hermite, t.4, 1813, p.278).Donnez-moi un coup de peigne. Juste un coup de peigne. Et mouillez-moi les cheveux à l'eau de Cologne (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p.294).P. anal. Mise en ordre. À présent (aux frais du propriétaire), le jardin est peigné (la qualité d'abandon du jardin ne méritait que ce coup de peigne, sans cela je l'eusse gardé tel quel...) (Villiers de L'I.-A., Corresp., 1889, p.278).Au fig. Dernière façon (que l'on donne à un ouvrage). Lambert est une bien belle chose et qui fera sensation. J'attends Lyon pour donner le dernier coup de peigne, avec impatience, à cette grande oeuvre qui a failli me tuer (Balzac, Corresp., 1832, p.96).La Beaumelle (...) ne corrige pas seulement les phrases de Frédéric [Le Grand], il ne leur donne pas seulement (...) un tour plus vif, une frisure, un coup de peigne; il y intercale du sien (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t.14, 1857, p.95).Pop., vx. Se donner, se foutre un coup de peigne. Synon. se peigner (pop.), se battre.Les enfants des sans-culottes qui vont se f... un coup de peigne avec les brigands de la Vendée (Larchey, Excentr. lang., 1862, p.239). ♦ Passer, ratisser au peigne fin. Arranger, ordonner. Nous débouchons bientôt dans un jardin, ratissé au peigne fin, planté de tilleuls aux branches régulières comme des candélabres (H. Bazin, op.cit., p.47).Au fig. Examiner minutieusement, sans oublier une seule partie. Ces fameuses patrouilles ne devaient pas ratisser la plaine au peigne fin. Il devait y avoir moyen de passer entre les dents (Giono, Hussard, 1951, p.194).[L'inspecteur de la Mondaine] va demander un mandat de perquisition, demain. (...) Ta belle maison va être passée au peigne fin (J.-P. Melville, Dialogue du filmLe Doulos, 1962, p.24 ds Rey-Chantr. Expr. 1979). ♦ D'une saleté de peigne; sale comme un peigne. D'une saleté repoussante. Elle devenait avec cela d'une saleté de peigne, étant comme beaucoup de filles du peuple qui ne se livrent à de discrètes propretés que lorsqu'elles ont un homme (Huysmans, Soeurs Vatard, 1879, p.53).−Je t'ai dit que je voulais prendre la moto, dit Nadine, c'est bien plus amusant. −Mais nous arriverions sales comme des peignes (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.348). 2. Instrument analogue, plus court, droit ou légèrement cintré, à dents plus longues, parfois ouvragé, qui est utilisé pour maintenir, orner la chevelure. Peigne orné, garni de diamants, de camées, de perles; relever ses cheveux, retenir son chignon avec un peigne; peigne espagnol. Ces petits peignes que l'on place maintenant sous la frisure pour soutenir les boucles (Hugo, Han d'Isl., 1823, p.120).Cette coiffure à la romaine, la toison fauve mangeant presque le front et mordue à la nuque par un grand peigne d'écaille blonde (Lorrain, Sens. et souv., 1895, p.190): 2. Les femmes ont des châles de Manille blancs ou roses (...), et la mantille noire posée sur un peigne à étage dont la concavité, au-dessus de la tête, est remplie de dahlias en boule, rouges et blancs.
T'Serstevens, Itinér. esp., 1933, p.255. B. − P. anal. 1. Instrument de torture. On lui déchire les côtes avec des peignes de fer jusqu'à ce que les entrailles sortent (Zola, Rêve, 1888, p.28). 2. TECHNOLOGIE a) AGRICULTURE − Pièce d'une machine agricole munie de fortes pointes, herse. Arracheur de lin à peigne (Passelègue, Mach. agric., 1930, p.241).Le batteur à peignes, est constitué par un cylindre plein ou à claire-voie sur lequel sont implantées des broches métalliques (Passelègue, Mach. agric., 1930, p.269).Les pièces travaillantes [des faneuses] sont composées de peignes à dents en acier pointues (Ballu, Mach. agric., 1933, p.335). − ,,Pointes des échalas qui dans un treillage dépassent les lattes horizontales`` (Fén. 1970). b) MÉCANIQUE − Mécanisme formé d'un ensemble de lames dont chacune donne une note. Des réveille-matin à peigne à musique ou à sonnerie (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p.381).Au XIXesiècle on s'intéressa surtout aux boîtes à musique à «peigne» (assemblage de lames vibrantes) (Bassermann-Jordan, Montres, horl. et pend., 1964, p.215). − Outil à fileter. Pour fileter une barre, on fixe dans le nez de la machine [à tarauder] quatre peignes, outils pourvus de dents (Gorgeu, Machines-outils, 1928, p.202).Filière à peignes radiaux, tangentiels (Boissier1975). c) PEINT., DÉCOR. − ,,Tringle en corne, en cuir, ou en acier qui est garnie de dents et que le peintre décorateur emploie pour faire le faux-bois en figurant les veines`` (Chabat t.2 1876). − Papier (au) peigne. Papier marbré. Synon. papier peigné*.Ces porcelaines ou (...) ces faïences qui semblent enfermer le marbré d'un papier peigne dans une gemme (E. de Goncourt, Mais. artiste, t.2, 1881, p.290).La couvrure terminée, on colle les gardes de couleur, pour lesquelles, aux papiers imprimés, on doit préférer les papiers ombrés, peigne ou tourniquet (Civilis. écr., 1939, p.12-2). d) TEXTILE − FILAT., CORD. Barre, cylindre, planche garni(e) de pointes. Peigne à carder; peignes d'une peigneuse; peigne battant, peigne détacheur (infra rem.). Puis vient le peignage [du chanvre]. Le peigne est constitué par des aiguilles d'acier coniques, plantées en quinconces (pointes en l'air) sur un morceau de bois rectangulaire qu'on fixe sur une table (Bouasse, Cordes et membranes, 1926, p.15).L'extrémité de cette nappe [de fibres] forme une frange tenue par une pince, qui est peignée par un peigne circulaire, garni sur une partie de sa surface de rangées d'aiguilles de plus en plus fines et serrées. On enlève ainsi les fibres courtes et les impuretés de la frange. Puis la pince s'ouvre, un peigne rectiligne est placé dans la frange et on tire l'extrémité des fibres à travers ce peigne (Encyclop. univ.t.151973, p.1021). − TISS. Synon. de ros.Tasser les duites avec le peigne. À la suite des lisses, les fils de chaîne traversent un peigne comprenant autant de dents, qu'il y a de fils (...). Chaque fil passe entre les dents du peigne dont le rôle est de serrer les fils de trame les uns contre les autres (Blanquet, Technol. mét. habill., 1948, p.98). 3. ZOOLOGIE a) Organe qui rappelle un peigne. − [Chez les scorpions, les araignées, les insectes] Appendice en forme de peigne; groupe ou rangée de soies raides, de sortes d'épines situées sur certains segments de pattes, sur les ailes, sur le thorax, etc., d'usage varié. Peigne à pollen (chez les abeilles). Dans la patte d'araignée (...) [le microscope] montrait un peigne magnifique de la plus belle écaille (...). Cet objet paraissait être à deux fins: une très-fine main avec laquelle la fileuse se fait glisser à son fil pour monter, descendre; d'autre part, un peigne qui sert à l'attentive ouvrière pour tenir sa toile, pendant le travail (Michelet, Insecte, 1857, p.113).[L'abdomen des Scorpions] a sept segments et porte ventralement des appendices curieux, uniques dans tout l'embranchement: les peignes (Zool., t.2, 1963, p.119 [Encyclop. de la Pléiade]).Le premier article du tarse de la première paire de pattes [des Drosophiles] porte une rangée de soies noires et dures (le peigne sexuel) inexistant chez les femelles (Encyclop.Sc. Techn.t.41970, p.569).V. aussi Séguy 1967. − [Chez les oiseaux] Organe de l'oeil. [L'oeil] pour un fonctionnement optimal exige une forte vascularisation (métabolisme élevé). Le peigne, organe typique des Oiseaux, répond à cette nécessité. Il est constitué d'un grand nombre de petits vaisseaux sanguins disposés en soufflets dont la base repose sur le nerf optique (Encyclop.Sc. Techn.t.81972, p.492). b) Synon. usuel de pecten.C'était un véritable chagrin pour moi d'écraser sous mes pas les brillants spécimens de mollusques qui jonchaient le sable par milliers, les peignes concentriques, les marteaux (Verne, Vingt mille lieues, t.1, 1870, p.160).Les mollusques lamellibranches, comme les huîtres, les peignes, ont aussi deux valves, mais celles-ci sont disposées à droite et à gauche de l'animal (Boule, Conf. géol., 1907, p.75). 4. BOT. Peigne(-)de(-)Vénus. Plante adventice annuelle, de la famille des Ombellifères, à feuilles alternes dont le limbe est finement découpé, à tige raide, striée, hérissée de poils, donnant des fleurs blanches réunies en ombellules (d'apr. Lar. agric. 1981). Synon. scandix.Il est aux bois des fleurs sauvages (...). Elles se nomment: (...) peigne-de-Vénus, oreille-d'ours, pied-d'alouette (A. France, P. Nozière, 1899, p.172). REM. 1. -peigne, élém. de compos.V. cache-peigne. 2. Peigne-, élém. de compos.Peigne(-)battant, peigne(-) détacheur,(Peigne battant, Peigne-battant, peigne détacheur, peigne- détacheur) subst. masc.,filat., cord. ,,Batte d'acier dentée, animée d'un mouvement de va-et-vient et dont la fonction est de détacher la fibre du peigneur`` (Banque Mots 1973 no6, p.188). Le peigneur (...) prend une partie des fibres que des cylindres ou un peigne battant détachent en voile (Encyclop. univ.t.151973, p.1020). 3. Peignier, subst. masc.Artisan qui fabrique des peignes. (Dict.xixeet xxes.). Prononc. et Orth.: [pε
ɳ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.A. 1. Instrument servant à coiffer les cheveux a) [1176-81] déb. xiiies. piegne (Chrétien de Troyes, Chevalier à la charrette, éd. W. Foerster, 1363, var. ms. E); fin xiiies. pigne (Id., ibid., var. ms. A); [ca 1179] fin xiiies. pingne (Renart, éd. M. Roques, 693, ms. de base B Cangé); xiiies. pinne (ibid., éd. E. Martin, I, 277, ms. de base A); fin xiiies. pigne (Gloss. Douai 62, 1893 ds Roques t.1, p.49); 1580 donner quelque tour de pigne fig. «fignoler» (une oeuvre littéraire)» (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, II, X, p.410); b) 2equart xiiies. peigne (Chrétien de Troyes, op.cit., éd. M. Roques, 1354, ms. de base, copie Guiot: Es danz del peigne ot des chevos); xiiies. peyne (Gloss. agn., éd. J. Priesbsch ds Mél. Mussafia (A.), 1905, p.538, 99); 1713 se donner un coup de peigne (Hamilton, Gramm., 10 ds Littré); 2. 1402-07 paigne... et estrille a chevaux (doc. ds Gdf. Compl.); 3. industr. text. 1282-84 pine St-Omer «pièce du métier à tisser servant à peigner la laine» (doc. ds G. Espinas et H. Pirenne, Doc. relatifs à industr. du drap en Flandre, III, 2614d'apr. De Poerck t.2, p.152); 2emoitié xiiies. pingne (Dit des Fevres ds A. Jubinal, Jongleurs et trouvères, 1835, p.135); 1322-33 pine Lille (doc. ds G. Espinas et H. Pirenne, op.cit., III, 2913, ibid.); 4. 1765 «instrument servant à marbrer le papier» (Encyclop. t.12, p.242a). B. 1. 1314 anat. piegne de la main «métacarpe»; piegne «métatarse» (Chirurgie de H. de Mondeville, 273; 519 ds T.-L.), v. aussi empeigne; 2. 1507 conchyliol. pignes de mer (Nef de santé, fol. 37 rods Gdf. Compl.); 3. 1544 bot. peigne de Venus (Duchesne, In Ruellium de stirpibus epitome ds Roll. Flore t.6, p.211); 1660 pigne de Venus (Du Pinet, Comment. de P. Mathiolle sur Dioscoride, ibid.). Du lat. pecten -inis «peigne à coiffer; carde; râteau; peigne de mer; veines du bois; peigne de Vénus [pecten Veneris (Pline) désignant une plante non identifiée, d'apr. André Bot., p.326]». La forme phonét. de l'a. fr. pigne, devenue région., a peu à peu été évincée par le type peigne sous l'infl. de peigner*. Fréq. abs. littér.: 465. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 368, b) 952; xxes.: a) 897, b) 608. Bbg. Bierbach 1982, p.298. _Sain. Arg. 1972 [1907] p.96. |