| PEAU, subst. fém. A. − 1. Membrane résistante, imperméable et élastique qui recouvre le corps des animaux vertébrés et de certains invertébrés. Épaisseur, résistance de la peau; être gras à pleine peau. Les quadrupèdes ont la peau couverte de poils; les pores de la peau (Ac. 1835-1935). Imaginons qu'on ait circonscrit à la surface de la peau une région où les impressions tactiles acquièrent leur maximum de finesse et de netteté (Cournot,Fond. connaiss.,1851, p.163). a) ANAT. Organe qui recouvre le corps de certains animaux, formé du derme en profondeur, richement innervé et vasculé, et de l'épiderme en surface, qui a un rôle de protection, muni d'annexes (ongles, bec, phanères, corne(s), griffe(s), poils, etc.), uni aux plans sous-jacents par un tissu cellulaire sous-cutané et assurant le toucher, la régulation thermique et certaines fonctions d'excrétion. La peau et le rein sont alors organes excréteurs, non de la nutrition, mais bien de la digestion (Bichat,Rech. physiol. vie et mort,1822, p.13). b) En partic. Repli de peau. (Dict.xixeet xxes.). c) P. méton., subst. masc. Peau-bleue. Requin d'assez grande taille qui a le dos d'un bleu assez soutenu et le ventre blanc (d'apr. Pollet 1970). Peau-rouge*. 2. En partic. a) Peau de l'être humain. Synon. couenne (fam.), cuir (vx ou plais.), épiderme.Celui-là était un maigre, un paysan tout en os couverts de peau sans chair, un de ces hommes qui vivent un siècle (Maupass.,Contes et nouv.,t.2, Fermier, 1886, p.654).Mais pour une comédienne, qui rentre chez elle la peau fatiguée et amollie par les fards, le mieux, après un lavage tonifiant, est d'assurer au visage quelques heures de liberté complète (Romains,Hommes bonne vol.,1932, p.122). SYNT. Peau basanée, blanche, bronzée, brune, claire, cuisante, cuivrée, dorée, douce, fine, flasque, fraîche, hâlée, hâve, lactée, lisse, luisante, lumineuse, marbrée, mate, moirée, moite, molle, nacrée, nette, noire, nue, parcheminée, plissée, propre, racornie, râpée, rêche, ridée, rude, rugueuse, sèche, sensible, sombre, souple, squameuse, tendre, transparente, veinée, veloutée, vergetée, vermeille, violette; lambeaux de peau; cancer, hygiène, maladie, soins de la peau; être dur de peau; arracher, blesser, crever, effleurer, égratigner, érafler, fendre, gonfler, griffer, lacérer la peau.
α) Loc. adv. À fleur* de peau.
β) Loc. verb. ♦ (Être) en peau (vieilli). (Être) en grand décolleté. Femmes en peau. Dans la rue, les robes montantes, avec ces tuniques, là, ça ne dit pas grand'chose. Mais le soir, avec le tralala, quand elles sont en peau! Je te choque? (Aragon,Beaux quart.,1936, p.203). ♦ Avoir la peau dure. Être très résistant, très endurant. Je puis vivre seul, Car j'ai la peau dure (Cros,Coffret santal,1873, p.84). ♦ Avoir le sang sous la peau, mettre (à qqn) le sang sous la peau. Rougir, faire rougir quelqu'un. Il avait cette carnation fragile de la jeunesse, chez les bruns qui ont pour un rien le sang sous la peau (Aragon,op.cit.,p.276). ♦ Avoir (ou verbe exprimant un état) la peau sur les os, n'avoir que la peau et/sur les os. (Être) très maigre. On pourrait choisir, mais ça dépend des natures, devenir gras ou crever la peau sur les os (Céline,Voyage,1932, p.167). ♦ Porter à la peau. Altérer la peau. Certains aliments, les moules, les crustacés portent à la peau (Ac.1935). ♦ Crever, faire la peau (à qqn) (pop.). Tuer quelqu'un. Bon nombre d'individus −le monde des apaches en regorge! −n'hésiteraient pas à sacrifier leur peau, si cela était nécessaire, au plaisir de crever la peau à leur prochain (Courteline,Boubouroche,Philos. Courteline, 1917, p.127). ♦ Mettre, flanquer (fam.), loger une balle dans la peau. Tuer d'un coup de feu. Il tire donc son revolver et le garde à la main, histoire de se rassurer. −Oui. À ce moment un pauvre type se présente, et il lui loge une balle dans la peau, sans lui avoir seulement souhaité le bonsoir (Bernanos,Crime,1935, p.824). ♦ (Prendre, recevoir, etc.) x balles dans la peau. Je lui en aurais fait voir, moi, à ce soudard. Pour commencer, au poteau! Et douze balles dans la peau! (Sartre,Mots,1964, p.42). ♦ (Attraper, prendre, saisir, retenir, etc.) par la peau du cou, du dos, du cul (vulg.). (Attraper, etc.) de manière énergique et sans ménagement. Ferdinand n'a sûrement pas mauvaise intention. −Par la peau du cul que je vas te le sortir, le vétérinaire! (Aymé,Jument,1933, p.190). − Au fig., fam. ou pop. ♦ Avoir qqc. dans la peau. Avoir quelque chose qui pousse à agir, à se comporter de telle ou telle manière. On lui demandait seulement de rentrer coucher. −Dis? Qu'est-ce que tu as dans la peau, à ton âge? (Zola,Germinal,1885, p.1331). ♦ Avoir qqn dans la peau (pop.). Être très amoureux de quelqu'un. Une femme de mon âge, ça ne se désintoxique pas du garçon qu'elle a dans la peau (Vailland,Drôle de jeu,1945, p.33). ♦ Avoir dans la peau de + inf. Avoir naturellement tendance à faire telle ou telle chose. C'est son gamin qui l'a prise, comme le Zèphe l'aurait prise: ils ont dans la peau de voler et de dénoncer (Aymé,op.cit.,p.137). ♦ (Être ou vouloir être)/(entrer, se mettre) dans la peau de qqn. Ressentir les sentiments qu'éprouve quelqu'un, s'identifier à quelqu'un par l'imagination, jouer le rôle de quelqu'un. Dumay se retira, le coeur plein d'anxiété, croyant que l'affreux Butscha s'était mis dans la peau de ce grand poëte pour séduire Modeste (Balzac,Modeste Mignon,1844, p.154).Il est maire par dévouement, parce qu'il est comme ça, qu'il est honnête homme, et qu'il veut finir dans la peau d'un honnête homme (Renard,Journal,1900, p.585).Au vrai, j'étais moi-même entré dans la peau de La Brige (Ambrière,Gdes vac.,1946, p.341). ♦ S'user la peau, travailler sa pleine peau. Travailler beaucoup. Le père continuait à s'user la peau (Zola,op.cit.,p.1231): 1. Ils gagnent plus que nous! Faut acheter des engrais, des sulfates, travailler sa pleine peau, et qu'est-ce qu'on vend son vin? Une misère!
Chardonne,Dest. sent.,I, 1934, p.167. ♦ Se lever la peau pour qqn (région., Sud-Est). Se dévouer pour quelqu'un. Je me suis levé la peau pour les orphelins, je n'en ai jamais eu de contentement (Giono,Batailles ds mont.,1937, p.214). ♦ Mourir, crever (fam.) dans sa peau/dans la peau de. Ne point se corriger en vieillissant. Il mourra dans sa peau; il mourra dans la peau d'un insolent, d'un effronté, d'un fat (Ac.1835-1935).Expr. proverbiales. Dans sa peau mourra le renard (Ac. 1798-1878). Le loup mourra dans sa peau (Ac. 1835, 1878). ♦ Coûter, valoir la peau des fesses (pop.). On trouve encore des trucs à Montreuil... Dis donc si jamais c'était une édition de 46... Ça vaut la peau des fesses c'est introuvable (Le Nouvel Observateur,12 janv. 1976, p.57, col. 7). ♦ Ne pas savoir durer dans sa peau (vx). Être rendu inquiet, anxieux ou agité par un désir. Il ne saurait durer dans sa peau (Le Nouvel Observateur,12 janv. 1976, p.57, col. 7).
γ) Expr., vx. La peau lui démange (Ac. 1798-1878). [S'emploie à propos de qqn qui s'expose sans nécessité à se faire battre] .
δ) Loc. subst. Peau de + subst. ou n. propre exprimant ou renvoyant à une fonction, un rôle social.Attitude de, habit de, rôle de (quelqu'un). V. aussi infra B 2.Je n'ai eu avec toi que ma peau d'épouse, tu n'as jamais sur moi touché qu'elle et caressé qu'elle (Giraudoux,Sodome,1943, i, 3, p.67).Pourtant c'est au moment où le nom d'Henri avait commencé à enfler (...) que Paule avait réintégré sa peau d'amoureuse (Beauvoir,Mandarins,1954, p.176). ♦ Peau de poule (vx). Chair de poule. «La Passion ne sera pas chez toi ce qu'elle est chez les femmes ordinaires.» (...) Elle m'a donné la peau de poule (Balzac,Mém. jeunes mariées,1842, p.152). ♦ (Avoir) une peau d'amadou (au fig.). S'enflammer facilement pour quelqu'un ou quelque chose. Elle suffoquait, elle pouvait bien se mettre à l'aise; tout le monde n'avait pas une peau d'amadou (Zola,Assommoir,1877, p.504). b) P. méton., fam. Corps. Être bien, mal dans sa peau. Moi, tu n'imagines pas comme je me sens bien dans ma peau. Je voudrais pouvoir y rester toujours (Aymé,Vogue,1944, p.18). − Péj., vulg. Vieille peau. Personne âgée, plus fréquemment femme âgée. Va donc, eh, vieille peau. Mais je m'en fiche, après tout! Qu'il reste donc avec sa vieille peau! (Feydeau,Dame Maxim's,1914, iii, 9, p.63). − Arg. Prostituée. Les libres penseurs qui se convertissent me font l'effet de ces hommes chastes qui méprisent la femme jusqu'à ce qu'ils se fassent engluer par la première peau venue (Renard,Journal,1902, p.759). 3. Spécialement a) Épiderme, couche superficielle de la peau en tant qu'elle peut se détacher du corps qu'elle enveloppe. Ma religion m'est tombée comme une peau (Renard,Journal,1903, p.812).En une partie quelconque du corps, l'épiderme peut s'enlever en une peau fine et sèche sans douleur ni hémorragie, puisqu'il ne reçoit ni nerf ni vaisseaux (Quillet Méd.1965, p.297). − P. métaph. Il en est ainsi de toute mue: la peau ancienne se détache et, n'adhérant plus à la réalité qu'elle revêtait naguère, elle flotte en linéaments compliqués et déjà morts (Huyghe,Dialog. avec visible,1955, p.22). − Peau morte. Couche cornée de l'épiderme qui se détache par lambeaux lors de certaines maladies ou après certaines atteintes. Elle détacha l'être aussi facilement qu'une peau morte (Montherl.,Bestiaires,1926, p.466). ♦ Au fig. Elle ne lui pardonnerait jamais d'être parti pour l'Espagne; c'était une peau morte sur son coeur (Sartre,Sursis,1945, p.83). − Loc. fig. Changer de peau, faire peau neuve. Changer d'apparence, de manière d'être. Elle parlait des deux anciens messieurs de madame (...) que Nana s'était décidée à congédier, certaine de l'avenir, désirant faire peau neuve, comme elle disait (Zola,Nana,1880, p.1165).Je refuse absolument de critiquer un peuple qui change de peau (Cocteau,Poés. crit. II,1960, p.47): 2. Depuis un demi-siècle on entend le bonhomme jurer qu'il détient la vérité politique, avec la garantie du gendarme et du curé, mais sa vérité mue tous les quatre ans, change de peau.
Bernanos,Gde peur,1931, p.119. b) En partic. Filet, morceau de peau. Synon. envie.Peaux autour des ongles. (Dict.xxes.). B. − 1. Dépouille de certains animaux, séparée du corps et généralement tannée, ou apprêtée en fourrure, ou destinée à l'être. Tambourin de peau. Le Lapon qui vend ses peaux de renne, est cupide comme l'Asiatique qui pèse ses perles (Bonald,Législ. primit.,t.1, 1802, p.192): 3. À peine l'étranger eut-il laissé entendre qu'il faisait le trafic des peaux de fourrure que Didace s'empressa de dire: −Le rat d'eau sera ben rare ce printemps...
Guèvremont,Survenant,1945, p.175. SYNT. Peau d'agneau, de bête, de boeuf, de buffle, de chevreau, de crocodile, de lapin, de porc, de vison; apprêter, battre, écharner, effleurer, fouler, mégir, peler, poncer, tanner une peau; gants de peau; lanière, mocassin, sac, soulier de peau; achat, vente de peaux; peau brute, souple, travaillée. − Peaux de bêtes. Peaux de mammifères apprêtées sur lesquelles on a laissé les poils ou la fourrure. Les Pélasges vêtus de peaux de bêtes rattachées à l'épaule (Gautier, Rom. momie,1858, p.206). − Négociant en cuirs et peaux. V. cuir B. − En partic. ♦ Peau d'Espagne, de senteur. Peau bien passée et parfumée, très prisée au xvies.; p.méton., parfum employé pour traiter cette peau. Le manteau de spahi, le burnous noir lamé d'or, la chéchia (...), le morceau de «véritable peau d'Espagne» indélébilement parfumé (Colette,Mais. Cl.,1922, p.157): 4. Moi qui ne suis pas riche, j'ai plus de coquetterie... J'écris sur du papier parfumé à la peau d'Espagne, du beau papier, tantôt rose, tantôt bleu pâle...
Mirbeau,Journal femme ch.,1900, p.14. ♦ Peau de Suède. Peau tannée très souple. Son jeune ami, Lucien Sartorys, beau comme une femme, souple comme un gant de peau de Suède (Mirbeau,Journal femme ch.,1900p.195). ♦ Peau d'Irlande. D'un seul coup d'oeil mademoiselle de Fontaine remarqua (...) la petitesse d'un pied bien chaussé dans une botte de peau d'Irlande (Balzac,Bal Sceaux,1830, p.107). − P. anal. ♦ Peau(-)d'ange. Tissu à base de soie très doux au toucher. Il s'installait alors (...) dans un coupé Renault démodé, haut sur roues, capitonné en peau-d'ange comme la voiture d'une demi-mondaine (Cendrars,Lotiss. ciel,1949, p.288). ♦ Peau de pêche. ,,Tissu de soie présentant un endroit velouté et un envers tissé satin`` (Lar. encyclop.). ♦ Peau d'âne. Diplôme. Quant aux examens (...) nous savions bien que l'on nous tendrait sans difficulté nos peaux d'ânes avant que nous allions offrir la nôtre! (Vialar,Pt jour,1947, p.319). ♦ Peau de crapaud. V. infra C 1 b. ♦ Peau de crocodile. V. infra C 1 b. − P. méton. ♦ Peau de bique, de chèvre. Pelisse en peau de chèvre. La saison s'avançait. Papa s'enveloppa dans sa vieille peau de bique, pelée aux coudes et au derrière (H. Bazin, Vipère,1948, p.109). ♦ Peau d'âne. Tambour. Fibi et Vinos (...) firent le tohu-bohu habituel d'instruments, cuivre et peau d'âne mêlés, qui marquait la fin de la représentation (Hugo,Homme qui rit,t.3, 1869, p.58). ♦ Culotte de peau (vieilli). Militaire. C'était [Bugeaud] un paysan mélangé de l'homme du monde, fruste et rempli d'aisance, −n'ayant rien de la lourdeur de la culotte de peau, −spirituel et galant (Hugo,Choses vues,1885, p.37). − Au fig. Peau de chagrin. V. chagrin1. − Loc. Coudre la peau du renard à celle du lion. ,,Joindre la finesse à la force`` (Ac. 1835-1935). − Proverbe. [P. allus. à la fable de La Fontaine: L'Ours et les deux compagnons] Vous avez vendu la peau de l'ours avant de l'avoir tué (Peisson, Parti Liverpool,1932, p.133). − Spécialement ♦ TANNERIE Peau crue, verte. Peau encore non traitée. (Dict.xixeet xxes.). V. cuir B 1 rem.Peau en tripe. Peau telle qu'elle apparaît après avoir été écharnée et ébourrée. La peau parfaitement propre qui sort de l'ébourrage, de l'écharnage et éventuellement du façonnage, est dénommée peau en tripe (Bérard, Gobilliard,Cuirs et peaux,1947, p.45).Peau de vélin*. Peau de chagrin. V. chagrin1. ♦ BEAUX-ARTS. Peau de chamois. Peau traitée du chamois, employée principalement pour effacer les traits dans les études au fusain (d'apr. Bég. Dessin 1978). Usuel. V. chamois B ex. de Chapelain. ♦ MENUIS. Peau de chien (vx). Peau de chien de mer employée pour polir la surface du bois dont on a rebouché les trous. Lorsque le racloir a bien uni les surfaces, on achève le polissage avec la pierre ponce à sec, la peau de chien ou le papier à polir (Nosban,Manuel menuisier,t.2, 1857, p.127).Ils la polissaient encore [la planche de cèdre] avec du gravier ou avec la peau d'un chien de mer (Lowie,Anthropol. cult.,trad. par E. Métraux, 1936, p.157). ♦ RELIURE Peau de vélin*. (Reliure, relié) pleine peau. Reliure entièrement découpée dans une peau. Les reliures en pleine peau, en basane et surtout en veau brun, étaient autrefois reliures courantes (Civilis. écr.,1939, p.12-3). ♦ MAR., arg. Peau de bouc. Cahier de punition. (Dict.xixes., Le Clère 1960, Esn. 1966). Être porté sur la peau de bouc. ♦ SKI. Peau de phoque. V. phoque B 2. 2. P. méton. Vie. Je ne donnerais pas un décime de notre peau, si nous ne prenons pas notre bisque (Balzac,Chouans,1829, p.26).Il va y laisser sa peau dans ces jeux de con, tu ne comprends pas ça? (Beauvoir,Mandarins,1954, p.233). SYNT. Défendre, craindre pour, risquer, lutter pour, sacrifier, tenir à, sauver, vendre cher sa peau. − Populaire ♦ Avoir, vouloir la peau (de qqn). Tuer quelqu'un, vouloir le tuer. Ça ne suffit donc pas qu'ils m'aient tué le père, tu voudrais peut-être que je dise merci. Non, vois-tu, j'aurai leur peau! (Zola,Germinal,1885, p.1236).Les paysans tu t'en fous; ce que tu veux, c'est notre peau (Sartre,Diable et Bon Dieu,1951, ii, 4, p.131). ♦ Faire la peau à qqn. −Qu'on y remonte un jour, tiens, et je te la ferai la peau! (Vercel, Cap.Conan,1934, p.56). ♦ Ne pas savoir quoi faire de sa peau. Être désoeuvré, s'ennuyer. Je ne savais trop que faire de ma peau. Lewis me proposait mollement de l'accompagner (Beauvoir,op.cit.,p.440). ♦ Sacrifier sa peau. V. supra A 2 crever, faire la peau à qqn ex. de Courteline. C. − 1. a) Ce qui forme une enveloppe ou une pellicule épaisse autour de quelque chose ou à la surface de quelque chose. Peau de pêche, de pomme. Il se forme une peau sur le lait bouilli (Ac.1935).Je la pris par les épaules et le docteur, la forçant à montrer sa gorge, en arracha une grande peau blanchâtre, qui me parut sèche comme du cuir (Maupass.,Contes et nouv.,t.2, Mis. hum., 1886, p.650): 5. Il ne faut pas enlever la peau de certains aliments avant la cuisson: coque de châtaigne, peau de pomme de terre, etc.; vitamines et sels se trouvent ainsi protégés.
R. Lalanne, Alim. hum.,1942, p.102. − P. métaph. [Sur la montagne] la peau de la planète apparaît dans toute sa nudité (Gautier,Italia,1852, p.22).On voyait bien, par-ci, par-là, à travers les feuillages la peau flasque et vieille des maisons (Giono,Solit. pitié,1932, p.178). ♦ Au fig. Je monte l'OEdipe Roi, de Sophocle où j'essaierai, après Antigone, une méthode qui consiste à couper et à retendre la peau des vieux chefs-d'oeuvre (Cocteau,Foyer artistes,1947, p.34). ♦ Peau de banane. Piège, embûche. Il y a trop d'embûches, trop de gens sur votre chemin qui ont intérêt à glisser sous vos pas la peau de banane (Vialar,Carambouille,1949, p.166). ♦ Avoir la peau du coeur épaisse. Être peu sensible. Toutes ces croyances qui troublaient nos anciens le laissaient au fond bien tranquille, car il avait la peau du coeur épaisse (Genevoix,Raboliot,1925, p.133). b) Spécialement − ANAT., BIOL. Peau plasmatique. ,,Membrane entourant une cellule`` (Rob.). − BOUCH. Aponévroses qui recouvrent certains muscles. − CHIM. Peau de crapaud. ,,Défaut d'apparence qui se présente sur les trop grandes surfaces planes moulées en résine thermodurcissable`` (Delorme 1962). − PEINTURE ♦ Peau d'orange. Aspect de surface défectueux se présentant sous forme de fissurations peu profondes à contours polygonaux, qu'on observe sur les pellicules de vernis (d'apr. Delorme 1962, Peint. 1978). ♦ Peau de crocodile. Pellicule apparaissant à la surface des peintures lorsqu'on applique deux couches l'une sur l'autre sans que la première soit complètement sèche (d'apr. Barb.-Cad. 1963). − ÉLECTR. (Effet de) peau. Effet par lequel, dans un conducteur soumis à une haute fréquence, la densité du courant est maximum à la surface et nulle au centre (d'apr. Électron. 1960). [En radioélectricité] les fils de connexion offrent, à cause de l'effet de peau, une résistance de plus en plus grande quand la fréquence [du courant] augmente (J. Mercier, Radio-électricité,t.1, 1937, p.276). ♦ MÉD. Peau d'orange. Aspect capitonné et piqueté de la peau. Synon. cellulite.Aspect traduisant notamment l'adhérence cutanée du cancer du sein (d'apr. Garnier-Del., 1958, Méd. Biol. t.3 1972). − PHYS. NUCL. ♦ Peau d'étanchéité. ,,Paroi généralement en acier doux garnissant la face interne d'une enceinte (...) et dont le rôle est d'assurer l'étanchéité`` (Nucl. 1975). ♦ Peau d'orange. Aspect rugueux que prend la surface de l'uranium après irradiation (d'apr. Nucl. 1975). 2. Pop. ou arg. a) Peau de + subst.[S'emploie comme terme d'injure, peau désignant ce qui est à jeter, ce qui ne vaut rien dans qqc.] Peau d'hareng; peau de noeud, de paf, de cervelas. Ben, r'garde toi, bec de singe, peau d'fesse! Faut-il qu'un homme soye bête pour sortir des choses comme v'là toi! (Barbusse,Feu,1916, p.14).Ça ne fait rien, un cabot qui ne va pas lui-même aux distributions, ça ne se voit qu'à la cinquième. Il est encore resté à écrire à sa bourgeoise... Peau de fesse! (Dorgelès,Croix de bois,1919, p.28). − En partic. ♦ Peau de boudin. Nègre. Avec ça, ils peuvent toujours se gargariser avec le tonnerre de Dieu si ça les excite, les peaux de boudin! (Céline,Voyage,1932, p.208). ♦ Peau de vache (fam.). Personne d'une sévérité excessive et parfois injuste ou sournoise. Synon. salaud, vache.Quelle peau de vache! Un' joli' fleur dans une peau d' vache Un' joli' vach' déguisée en fleur (G. Brassens, Poèmes et chansons,Une jolie fleur, Paris, Éd. musicales 57, 1973 [1954], p.84). ♦ Peau de chien, de chat (vieilli). Femme de mauvaise vie (d'apr. Delvau 1866, p.289). Et les autres reprenaient en choeur l'horrible refrain: À la Bastille, à la Bastille, On aime bien, on aime bien Nini peau d'chien; Elle est si belle et si gentille À la Bastille (Benoit,Atlant.,1919, p.42). b) Peau de balle, de zébi, de mouche (rare). Synon. de rien.Quand moi [Populo] que j' trim' j'ai peau d' zébi! (Le Père Peinard) (Bruant1901, p.395).−Eh bien? Qu'est-ce que tu as décidé? −J'ai décidé peau de balle, dit-il avec humeur (Sartre,Mort ds âme,1949, p.52).Peau de balle et balai de crin. V. balle1ex. 21. − Empl. exclam. [S'emploie pour indiquer le désaccord dépité du locuteur] Alors, moi, une balle dans la gueule (...) Ou divorcée! Et ma situation, peau de zébi! (Richepin,Flamboche,1895, p.335).−Peau de balle et variété; elle [la danseuse étoile] finira aux Galeries, rayon des rubans (Morand,Rococo,1933, p.36). ♦ P. ell. La peau! [Qu'on laisse l'Allemagne conquérir l'Algérie?] La peau! (Musette,Cagayous partout,1905, p.64). REM. 1. Peaudezébie, var. graph.Var. de l'expr. peau de zébi (supra C 2 b). Je rarrangerai peaudezébie, voilà tout ce que je rarrangerai (Courteline,Train 8 h 47,1888, 1repart., p.71). 2. Peausser (se), verbe pronom. réfl.,arg., vx. Changer de vêtement, mettre les vêtements d'un autre. −Qui veille le condamné? (...) −C'est Coeur-la-Virole! −Bien, je vais me peausser en gendarme, j'y serai; je les entendrai, je réponds de tout. −Ne craignez-vous pas, si c'est Jacques Collin, d'être reconnu et qu'il ne vous étrangle? (...) −En gendarme, j'aurai mon sabre (Balzac,Splend. et mis.,1847, p.551). 3. Peaussu, -ue, adj.Qui présente de nombreux replis de peau. Une face parcheminée (...) sans un poil de barbe pour en dissimuler les plis peaussus (Richepin,Cauchemars,1892, p.258).Nous avons admiré cordialement une silhouette velue, peaussue, matelassée, que surmontait un bonnet pointu (Genevoix,Boue,1921, p.124). Prononc. et Orth.: [po]. Att. ds Ac. dep.1694. Étymol. et Hist.I. 1. a) Ca 1100 pel «membrane recouvrant le corps de l'homme et des animaux» ici «cette membrane, séparée du corps de l'animal et traitée en fourrure» pels de martre (Roland, éd. J. Bédier, 3940); ca 1150 peau de martre (Charroi Nîmes, éd. D. McMillan, 160); 1remoitié xiiies. la piaus (Chanson de Godin, éd. Fr. Meunier, 18501); ca 1450-65 ma vieille peau (Charles d'Orléans, Rondeaux, CLXXXIII, 6 ds Poésies, éd. P. Champion, II, 395); b) ca 1175 pel «parchemin» (Benoît de Ste-Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 14976); d'où 1883 peau d'âne ici fam. «diplôme» (Zola, Bonh. dames, p.450); 2. déb. xiies. «épiderme de l'homme» (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1408); d'où expr. a) 1188 n'avoir que la pel et l'os (ici d'un animal) (Aimon de Varennes, Florimont, 1760 ds T.-L.); b) 1587 ne pas durer en sa peau «être plein d'orgueil; brûler d'impatience» (Lanoue, 193 ds Littré); c) 1698 crever dans sa peau ici fig. «éprouver un violent dépit que l'on s'efforce de cacher» (Fur.); d) 1875 en peau «(d'une femme) très décolletée» (Figaro ds Larch. 1880); e) 1885 trouer la peau de qqn (Zola, Germinal, p.1506); d'où 1927 se faire trouer la peau (Proust, Temps retr., p.740); f) 1914 se sentir bien dans sa peau (Gide, Caves, p.822); 3. 1564 «petit fragment de peau» souvent au plur. (Paré, XV, LVII ds OEuvres, éd. J.-F. Malgaigne, II, 507). II. 1. Ca 1160 «la vie même d'une personne» laissier la pel «mourir» (Enéas, 5384 ds T.-L.); d'où ca 1570 vendre bien sa peau «se défendre vigoureusement» (Bl. de Monluc, Commentaires, éd. P. Courteaulx, II, 414); 1656 risquer sa peau (Molière, Dépit amoureux, V, I, 1472 ds OEuvres, éd. E. Despois, I, 501); 1677 avoir la peau de qqn (D'Assoucy, Aventures burlesques, éd. E. Colombey, Paris, 1876, p.309); 1850 faire la peau à qqn (en Corse d'apr. Esn. 1966); 2. fin xiiies. ou début xives. [ms.] «la nature profonde d'une personne, son comportement» d'où le dicton en tel pel con naist li loux morir l'estuet «il est incorrigible» (Proverbes fr., éd. J. Morawski, 685, p.25); 1585 ne pas changer de peau «id.» (Cholières, Matinées, I ds OEuvres, éd. E. Tricotel, I, p.55); 1640 être en la peau de qqn «être à la place de quelqu'un» (Oudin Curiositez t.2); 1831 faire peau neuve (Hugo, Feuilles automne, p.711: Les vieilles religions qui font peau neuve); 3. 1665 «la personne physique, charnelle» (Molière, L'Avare, II, V ds OEuvres, éd. citée, II, 105); d'où expr. a) 1882 avoir qqc. dans la peau «être féru, entiché de quelque chose» (Zola, Pot-Bouille, p.153); b) 1896 avoir qqn dans la peau (Delesalle, Dict. arg.-fr. et fr.-arg., p.207); 4. 1845 «femme de mauvaise vie» (Besch.); 1883 vieille peau «personne âgée» ou simpl. péj. (Zola, Cap.Burle, p.53: qui aurait cru ça de cette vieille peau de Laguitte, après toutes les horreurs qu'il lâchait sur les femmes); 1936 peau de vache (Céline, Mort à crédit, p.186). III. 1. 1538 «enveloppe de certains fruits» (Est.); d'où expr. ca 1870 peau de zébi «rien du tout» (arg. des zouaves d'apr. Esn. 1966); 1877 peau de balles (arg. des voyous, ibid.); 1888 peau d'balle, balai d'crin et variétés diverses (Courteline, Train 8 h 47, 1repart., p.78); 2. 1690 «pellicule qui se forme à la surface d'un liquide, et particulièrement du lait bouilli» (Fur.). Du lat. class. pellis «peau d'animal, fourrure, peau tannée, cuir, parchemin, enveloppe extérieure», qui dans le parler pop. a supplanté cutis «peau d'homme». Fréq. abs. littér.: 6773. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 8242, b) 11256; xxes.: a) 11287, b) 8951. Bbg. Dauzat Ling. fr. 1946, p.296. _ Pichois (C.). Entrer dans la peau... Fr. mod. 1952, p.173. _ Quem. DDL t.4, 7 (s.v. peaussu), 13 (s.v. peau de zébie), 16, 19, 20. _ Sain. Arg. 1972 [1907], p.95, 96 (s.v. peausser), 104 (s.v. peau d'âne). |