| PATRIMOINE, subst. masc. A. − 1. Ensemble des biens hérités des ascendants ou réunis et conservés pour être transmis aux descendants. Synon. héritage, legs, succession.Riche patrimoine; patrimoine héréditaire; patrimoine paternel, maternel; constituer, accroître, transmettre un/son patrimoine. Don Siliceo, beau cavalier de trente ans, qui avait perdu son patrimoine au jeu, épousa la très-riche marquise Calpurnia (Hugo, L. Borgia, 1833, iii, 1, p.142).Dans la division du patrimoine de la famille, Christian avait eu la terre de Malesherbes, et Louis la terre de Combourg (Chateaubr., Mém., t.1, 1848, p.20): 1. ... il conservait, au fond, la conception bourgeoise du «bien familial», de l'argent économisé pour être transmis; et, bien qu'il n'eût de comptes à rendre à personne, il éprouvait un sentiment de honte à avoir dilapidé, en moins d'un an, un patrimoine que plusieurs générations avaient sagement constitué.
Martin du G., Thib.Épil., 1940, p.819. SYNT. Maigre, mince, modeste, petit patrimoine; patrimoine considérable, important, opulent; augmenter, étendre, grossir, dissiper, manger son patrimoine; administrer, défendre son patrimoine; part, partie d'un patrimoine. − P. métaph. Ses parents, ayant trois filles à doter, avaient donné à leur fils pour tout patrimoine une éducation soignée et de belles relations (Theuriet, Mais. deux barbeaux, 1879, p.83). 2. Spécialement a) DR. Ensemble des biens et des obligations d'une personne (physique ou morale) ou d'un groupe de personnes, appréciables en argent, et dans lequel entrent les actifs (valeurs, créances) et les passifs (dettes, engagements). Patrimoine financier, foncier, immobilier; les patrimoines des ménages. L'on peut parler des droits et obligations de la personne morale, du patrimoine de celle-ci, de sa responsabilité (Vedel, Dr. constit., 1949, p.106).À qui vont les biens nationalisés? (...) Si c'est son patrimoine que la loi enlève à une société, qui le recueille? (...) Les nouveaux services chargés de gérer l'industrie nationalisée héritent les biens des anciennes sociétés (Chenot, Entr. national., 1956, p.26). ♦ Séparation des patrimoines. ,,Privilège accordant aux créanciers d'un défunt le droit d'être désintéressés avant les créanciers du ou des héritiers`` (Bern.-Colli 1981). Les créanciers et légataires qui demandent la séparation du patrimoine du défunt (...) conservent, à l'égard des créanciers des héritiers ou représentans du défunt, leur privilége sur les immeubles de la succession (Code civil, 1804, art. 2111, p.382). b) RELIG. Patrimoine de saint Pierre. Partie du domaine possédé par l'Église romaine en Italie; p.ext., biens temporels de la papauté. L'État de l'Église comprenait la campagne de Rome et le patrimoine de saint Pierre, la Sabine, l'Ombrie, c'est-à-dire toute l'ombre de l'Apennin, la marche d'Ancône, la Romagne, le duché de Ferrare, le pays de Pérouse, le Bolonais et un peu de Toscane (Hugo, Rhin, 1842, p.434).Ici la guerre se fait à coups de mandements et de petits papiers que les prêtres font circuler pour attendrir les fidèles sur le sort du pape, que nous dépouillons du patrimoine de Saint-Pierre, à ce qu'ils disent (Mérimée, Lettres ctessede Montijo, 1870, p.153). 3. P. anal., BIOL. Patrimoine génétique, héréditaire (d'un individu). Ensemble des gènes transmis à un individu par ses parents. Synon. génotype.La volonté peut paraître un effet de l'organisation, un produit de l'évolution du vivant, ou même une résultante de son propre patrimoine héréditaire (Ricoeur, Philos. volonté, 1949, p.390): 2. Pour qu'une greffe réussisse entre deux individus, il faut qu'il existe une étroite affinité entre leurs patrimoines héréditaires, entre leurs gènes. Or, une telle affinité ne se rencontre presque jamais quand les deux sujets sont pris au hasard de la population; s'ils sont de la même famille, s'ils sont frères, elle est moins exceptionnelle...
J. Rostand, La Vie et ses probl., 1939, p.75. B. − P. anal ou au fig. [En parlant d'un trait de caractère, d'un comportement, de valeurs mor., culturelles, etc.] Ce qui est transmis à une personne, une collectivité, par les ancêtres, les générations précédentes, et qui est considéré comme un héritage commun. Patrimoine archéologique, artistique, culturel, intellectuel, religieux; patrimoine collectif, national, social; patrimoine d'une nation, d'un peuple. Nous avons d'autres raisons que le sol et le climat pour défendre notre pays. Le patrimoine d'idées doit y être, à mon avis, pour quelque chose (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p.1).Le général de Gaulle a toujours proclamé solennellement qu'il n'exercerait ses attributions qu'à titre essentiellement provisoire, comme gérant du patrimoine français (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.482): 3. ... tu m'as dit (...) que chaque homme est libre, qu'il peut et qu'il doit organiser sa vie le mieux possible, comme il l'entend (...) sans se laisser déterminer par tout le patrimoine spirituel que chaque homme tient en héritage du passé...
Barrès, Cahiers, t.1, 1896, p.33. Prononc. et Orth.: [patʀimwan]. Att. ds Ac. dep.1694. Étymol. et Hist.1. Ca 1150 «ensemble des biens, des droits hérités du père» (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 6760); 1160-74 opposé à matremoingne (Wace, Rou, Chron. ascendante, éd. A. J. Holden, 98); spéc. a) 1174-78 le patremoine au Crucefiz [du Crucifié] «les biens ecclésiastiques, les biens de l'Église» (Étienne de Fougères, Livre des Manières, éd. R. A. Lodge, 210: ...con est vilain li prestre Qui en vil leu met sa mein destre!... Lor soignans peissent, lor mestriez, Del patremoine au Crucefiz, Et lor effançonez petiz Des trenteus qu'il n'ont deserviz); cf. 1226-27 Guillaume le Clerc, Besant de Dieu, éd. P. Ruelle, 685 sqq.; ca 1265 la patremoine Dieu (Rutebeuf, L'Etat du monde ds OEuvres, éd. E. Faral et J. Bastin, t.1, p.385, 50); 1679 patrimoine des pauvres (Louis Thomassin, Discipline de l'Église touchant les bénéfices, Paris, t.2, 2eéd., I, IV, 5, § 1, p.384a: tous les biens de l'Église sont le patrimoine des pauvres comme ayant esté donnez originairement aux pauvres; confiez à l'Église comme à la mère de tous les pauvres), b) 1265 le patrimoine saint Piere (Brunet Latin, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, I, 98, 29); 2. fig. a) 1718 «génitoires» (Le Roux); b) 1823 (Boiste: La bonne réputation est un second patrimoine). Empr. au lat. patrimonium «bien de famille, patrimoine» au propre et au fig. (patrimonium paterni nominis, Cicéron; patrimonium populi «le trésor public», Florus) dans la lang. class.; dans la lang. eccl. «patrimoine de l'Église; patrimoine de saint Pierre» (Blaise Lat. chrét.; v. aussi Nierm.); au Moy. Âge, plus spéc. patrimonium Crucifixi «les biens ecclésiastiques» (av. 1159 St Bernard, De consideratione sui, IV) et patrimonia pauperum (Capitularia, lib. I, cap. 77 ds Du Cange, s.v. patrimonium; v. aussi A. Långfors ds Neuphilol. Mitt. t.46, 1945, pp.117-122). Fréq. abs. littér.: 445. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 682, b) 738; xxes.: a) 523, b) 599. Bbg. Imbs (P.). Patrimoine: la notion et le mot. B. de la classe des lettres et des sc. mor. et pol. Bruxelles, 1982, t.68, no7-9, pp.281-298. _Lenoble-Pinson (M.). Le Lang. de la chasse. Bruxelles, 1977, p.19. |