| PATOIS, -OISE, subst. masc. et adj. I. − Subst. masc. A. − 1. Parfois péj. Parler essentiellement oral, pratiqué dans une localité ou un groupe de localités, principalement rurales. Patois breton, suisse-allemand. Des prêtres errants (...) parlant seulement le patois de leur village (A. France, Île ping., 1908, p.47).Il a suffi que quelques instituteurs aient été frappés de l'intérêt des patois lorrains disparaissant pour qu'ils constituent les grammaires et dictionnaires des principaux dialectes avant leur extinction (Marin, Ét. ethn., 1954, p.67): 1. ... d'oïl ou d'oc, il y a bien cent cinquante patois français qui ont leur petite littérature, favorisée aujourd'hui par le mouvement régionaliste, et qui consiste en poésies, surtout en chansons, parfois en articles de journaux dans la chronique locale des organes régionaux.
Arts et litt., 1936, p.38-3. 2. LING. Système liguistique restreint fonctionnant en un point déterminé ou dans un espace géographique réduit, sans statut culturel et social stable, qui se distingue du dialecte dont il relève par de nombreux traits phonologiques, morphosyntaxiques et lexicaux. Cette disparition [des particularités individuelles et dialectales] est d'autant plus rapide que la civilisation se développe et que la conscience sociale grandit. Alors les dialectes s'abaissent au rang de patois; les patois eux-mêmes s'éteignent (Bally, Lang. et vie, 1952, p.46).V. dialecte ex. 2. B. − Péj. Langage obscur et inintelligible. Synon. baragouin, charabia, jargon: 2. Le chef du parti juste-milieu, un homme de l'Hôtel-de-Ville, fit venir le journaliste, et lui dit: −(...) Soyez aussi dur à digérer que les plus épaisses amplifications de la Revue des Deux Mondes (...). Le rédacteur se le tint pour dit, et parla le patois philosophique le plus difficile à comprendre.
Balzac,A. Savarus,1842,p.13. − En partic. 1. Langue spéciale à un groupe, à un domaine d'étude. Cent volumes de discours ou de projets de loi rédigés dans le patois des hommes d'État (Bernanos, Gde peur, 1931, p.140). 2. Style médiocre. Mario m'a appelé auprès de son premier acte, comme médecin consultant du style. Il l'a écrit, me dit-il, «au courant de la plume». Je le crois bien! C'est le patois de Scribe, sans grammaire (Goncourt, Journal, 1858, p.569). II. − Adj. En patois; qui a le caractère du patois. A. − [Corresp. à supra I A 1] Celui-ci lui saisit l'oreille avec les dents, et en cracha un petit morceau sanglant avec un superbe juron patois (Baudel., Poèmes prose, 1867, p.78). B. − [Corresp. à supra I A 2] Les filles apportèrent à oncle Xavier des branches de vergne pour qu'il leur fît des sifflets. (...) pour décoller l'écorce du bois (...) il fallait aussi chanter la chanson patoise: sabe, sabe caloumet (Mauriac, Myst. Frontenac, 1933, p.110).Une rivière aux eaux claires s'appelait Vindina: la Vandeune, forme patoise de l'Avant-Dheune (Côte-d'Or), et la Vandaine (Saône-et-Loire) (L'Hist. et ses méth., 1961, p.689). C. − Péj. [Corresp. à supra I B] Jeune homme parlant le langage patois des économistes (Goncourt, Journal, 1857, p.313). Prononc. et Orth.: [patwa], fém. [-wa:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. 1285 «langue incompréhensible, grossière» (Jacques Bretel, Tournoi Chauvenci, éd. M. Delbouille, 683); 2. déb. XIVes. [date du ms.] «parler local» (Brunet Latin, Trésor, I, 1 var., éd. F. J. Carmody, p.18); 1572 adj. (G. Brocherel, Arte Popolare Valdostana, p.132 ds FEW t.8, p.35a). Selon John Orr, Étymol. et sém. du mot patois ds Essais d'étymol. et de philol. fr., Paris, 1963, pp.61-75, patois (d'abord *patoi, puis patois, en raison de la fréq. du suff. -ois (-ais*) qui a servi à former des noms de lang., et d'une façon plais., en a. fr. et m. fr., des noms de lang. fantaisistes, de jargons, de manières de parler, et p.ext., de comportements: beguois, clerjois, gabois, jargonnois, sotois, etc.) serait un déverbal de l'a. fr. patoier «agiter les mains, gesticuler (pour se faire comprendre, comme les sourds-muets)», puis «se comporter, manigancer», dér. de patte* au moyen du suff. -oyer*. Patois, suivant l'évol. sém. de patoier, aurait d'abord, selon J. Orr, signifié «gesticulation» puis «comportement; comportement grossier» et «langage particulier (p.ex. le babil des enfants, le jargon des oiseaux, un langage rustique ou grossier)». V. aussi Y. Malkiel et K.-D. Uitti, L'a. fr. gab-ois, ir-ois, jargon-ois ds R. Ling. rom. t.32 1968, pp.126-174, et en partic. pp.139-140, qui, à la suite de J. Thomas, Dialecte et patois ds Romanica Gandensia t.I, 1953, p.95, rejette la citat. du Roman de la Rose comme 1reattest. Fréq. abs. littér.: 324. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 313, b) 547; xxes.: a) 530, b) 502. Bbg. Dauzat (A.). Les Patois. Paris, 1927, passim. −Étymol. de patois. In: [Mél. Bruneau (C.)]. Genève, 1954, pp.121-132. _Martinet (A.). Lang. et fonction. Paris, 1971, pp.145-185. _Orr (J.). Étymol. et sém. du mot patois. In: Essais d'étymol. et de philol. fr. Paris, 1963, pp.61-75. _Thomas (J.). Dial. et Patois. Ét. d'une ét. sém. Rom. Gandensia 1953, t.1, pp.93-117. |