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PATIENCE1, subst. fém.
A. −
1. Vertu qui consiste à endurer avec constance et résignation les vicissitudes, les malheurs. Synon. résignation, endurance; anton. impatience, impétuosité, fougue.Ses fautes passées lui donnaient l'humble patience et la foi persévérante du martyr (Sand, Lélia, 1839, p.428):
1. Même ce rictus hagard de l'ivresse qu'elle hait tant sur la face de son père (...) ne lui inspire qu'une espèce de compassion tendre, et un autre sentiment qu'elle ne connaît pas du tout −car les gosses lui font horreur −d'humilité protectrice, d'inaltérable patience, d'une patience plus forte que tous les dégoûts −l'instinct maternel frais éclos dans sa conscience, aussi fragile qu'une rose de mai. Bernanos, Mouchette, 1937, p.1289.
2. En partic.
a) Qualité qui consiste à supporter sans impatience le comportement pénible d'une personne. Synon. gentillesse, indulgence, longanimité; anton. agacement, brusquerie, énervement, exaspération.Madame Trevor se prêtait à la bizarrerie de mon manège avec une patience admirable (Constant, «Cahier rouge», 1830, p.21).Oh! Que tu n'es pas gentille! Tu ne vois même pas toute ma patience à t'attendre, à supporter tes façons de toujours me rebuter (Colette, Cl. école, 1900, p.227).
b) Qualité qui consiste à persévérer dans une entreprise longue et pleine d'obstacles. Synon. constance, courage, endurance, persévérance; anton. fièvre, hâte.C'est la construction la plus considérable, la plus importante qui témoigne du génie des insectes; travail d'infinie patience et d'un art audacieux (Michelet, Insecte, 1857, p.233).Il écrivait beaucoup. Il s'acharnait à écrire son journal (...) avec une patience idiote et presque héroïque, les notes détaillées de ce qu'il a, chaque jour, vu, dit, fait, entendu, bu, pensé et mangé (Rolland, J.-Chr., Antoinette, 1908, p.840).
c) Qualité qui consiste à attendre quelqu'un ou quelque chose qui tarde sans marquer d'impatience. Synon. calme, flegme, sérénité; anton. empressement, énervement.Ils s'appuyaient profondément au gazon vert, attendant quelque chose qui tardait à venir, avec la patience infinie et charmante que de si belles personnes développent à attendre (Jouve, Scène capit., 1935, p.47).Ces repas interminables, sur la petite table de malade, ces attentes qui usent la patience, qui coupent le peu d'appétit qu'on pourrait avoir! (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p.934).
SYNT. Patience attentive, douce, exemplaire, inépuisable, infatigable, inlassable, inouïe, soutenue; patience à toute épreuve; grande, longue patience; la patience échappe, se lasse, manque; abuser, éprouver, épuiser, fatiguer, irriter, lasser la patience de qnn; s'armer, manquer de patience; mettre la patience de qqn à bout, à rude épreuve; attendre, écouter, endurer, souffrir, supporter avec patience.
3. [Formant des loc.]
a) [Des loc. ou des syntagmes prép.]
[Avec une valeur intensive, il est déterminé par un adj. ou par un subst. désignant un archétype de la patience] Patience d'ange, d'archange, de bénédictin, de fourmi, d'insecte; patience angélique, évangélique. Le coeur le plus froid, doublé de la tête la plus méthodique et d'une patience allemande, réussira cent fois mieux au piano que l'âme de Pergolèse (Stendhal, Rossini, 1823, pp.102-103).La plupart sont porteurs de bouquets craonnais, de ces bouquets serrés, fleur à fleur, ces mosaïques qui sont des chefs-d'oeuvre de la patience paysanne (H. Bazin, Vipère, 1948, p.237):
2. Avec une patience de chat, il pouvait demeurer des heures couché à la gueule d'un terrier, le corps inerte ainsi qu'une souche, mais la main suspendue, le bras bandé pour la détente. Genevoix, Raboliot, 1925, p.289.
De patience, loc. adj. Qui est relatif à, qui requiert de la patience. Affaire, école, esprit, exercice, leçon, question de patience. Lorsque onze heures sonnaient, l'Anglais (...) ramassait prestement les bouts de crin (...), les outils délicats, avec lesquels il façonnait ses oeuvres de patience (E. de Goncourt, Faustin, 1882, p.306).
Ouvrage de patience. Un fauteuil de tapisserie au petit point, ouvrage de patience et de loisir mené à fin par quelque aïeule (Gautier, Fracasse, 1863, p.8).
Jeu(x) de patience. Puzzle, boulier, jeux orientaux. Le dimanche matin, l'arrangement des assistances à la messe s'emboîtait comme un jeu de patience (Malègue, Augustin, t.1, 1933, p.65).Au fig. C'est un jeu de patience. C'est un travail minutieux.
En patience, loc. adv. En paix, patiemment.
Prendre qqn, qqc. en patience. Je prends mon mal en patience, je me livre avec courage à des travaux qui finiront par me rendre indépendant (Hugo, Lettres fiancée, 1820, p.15).Ils s'extasiaient ensemble sur les oeuvres des jeunes poètes, elle de bonne foi, lui s'ennuyant, mais prenant en patience les poètes romantiques, qu'en homme de l'école impériale il comprenait peu (Balzac, Illus. perdues, 1837, p.53):
3. Est-elle immobile, cette terre? Dans les prairies, je la vois onduler, le noir mineur, la taupe, continue son travail. Plus haut, dans les lieux secs, s'étendent des greniers où le rat philosophe, sur un bon tas de blé, prend la saison en patience. Michelet, Oiseau, 1856, p.172.
Attendre, supporter qqc. en patience (vieilli, littér.). Attendre en patience et en paix ce que Dieu décidera du monde (Lamennais, Religion, 1826, p.260).Elle tient ma main, attend en patience et parfois se penche un peu (Colette, Cl. ménage, 1902, p.235).
Patience à, de + inf.Ils sont remarquables par leur patience à supporter la faim (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p.83).Personne, hors les intéressés, n'eut la patience de l'écouter (Courier, Pamphlets pol., Procès, 1821, p.103).
Patience à + subst.Le goût de la perfection implique alors une puissance et une ampleur de l'esprit, une patience au travail, une capacité d'abstraction et en même temps un sens frémissant de la matière, qui ne sont pas des manies vétilleuses (Mounier, Traité caract., 1946, p.449).
b) [Des loc. verb.]
[Souvent à la forme impér.] Avoir patience. Ayez patience avec moi! (Rolland, Beethoven, t.1, 1937, p.87).
(Ne pas) avoir la patience de + inf.(Ne pas) faire preuve de calme, de maîtrise de soi. J'admire, en vérité, que vous ayez la patience de courir chez ce bottier et de vous occuper comme vous faites de toutes mes affaires (Courier, Lettres Fr. et Ital., 1809, p.794).
Donner patience à qqn. Faire patienter quelqu'un. Tout leur rôle consiste, autant que j'ai compris, À donner patience à nos futurs maris (Augier, P. Forestier, 1868, p.71).
Se donner patience (vx). Prendre patience. (Ac. 1798-1878).
Demander patience à qqn. Demander un atermoiement à quelqu'un. Demander patience aux créanciers (Proust, Guermantes 2, 1921, p.404).
Être à bout de patience. Avoir épuisé toute sa patience. Je n'en puis plus; suis à bout de patience, et de force, et d'attente (Gide, Journal, 1917, p.639).
Prendre patience. Se résigner à attendre, être patient. Synon. patienter.Quand ils voudront entrer au paradis, je serai à la porte et je les accuserai au tribunal de Dieu. Ainsi, hélas! ils prenaient patience (Musset, Confess. enf. s., 1836, p.23).Henri et Nadine avaient regardé avec colère les bourgeoises aux fourrures épaisses qui répondaient majestueusement aux mendiants: «Prenez patience!» (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.95).
Perdre patience. S'impatienter. Il perdit patience, devint enragé, la menaça de son révolver (A. France, Île ping., 1908, p.380).Un créancier de Noémie qui perdait patience (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p.787).
User de patience. Être patient. Mais il est vain De parler. Agissons. Usons de patience. D'abord. Il le faut bien. Puisque l'âpre science Et l'âpre maladie, en leurs mornes combats, Me piétinent, champ de bataille aux mille pas (Verlaine, Poèmes div., À ma femme, 1896, p.185).
4. [Dans des empl. interj. ell.]
a) [Pour exhorter au calme, à la patience] Patience! Un jour viendra, on se retrouvera tous au port (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1570):
4. Patience, patience, Patience dans l'azur! Chaque atome de silence Est la chance d'un fruit mûr! Valéry, Charmes, 1922, p.155.
b) [Pour couper court à une intervention, à une objection considérée comme prématurée] Eh! Mon cher, patience! Un moment, je vous prie. Vous avez été trois ans absent sans vous inquiéter de moi (Sainte-Beuve, Pensées, 1868, p.59).
c) [Pour menacer] Patience! Nous vous rendrons un jour la vie dure (Champfl., Avent. MlleMariette, 1853, p.85).Patience! L'exterminateur viendra, on passera toutes les rues au flytox (Sartre, Mort ds âme, 1949, p.84).
d) [Dans des exclam. pop. et région.] Sainte patience! Passe ed'vant! Sainte-patience! Et va-t'en pelauder tes carottes! Dire qu'à près d'une heure, la soupe elle est seul'ment point trempée! (Martin du G., Gonfle, 1928, i, 6, p.1191).
5. [Empl. dans des allus. littér.]
a) [P. allus. à la morale de la fable de La Fontaine, Le lion et le rat (II, 11): Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage, en opposant patience et impatience] Vous voyez bien que nous finirons par sortir, dit ce bon géant avec un doux sourire. Patience et longueur de temps... (A. France, Île ping., 1908, p.231).
b) [P. allus. à la phrase de Buffon: Le génie n'est qu'une plus grande aptitude à la patience, en opposant patience et intelligence] Le mot de Buffon est un grand blasphème: Le génie n'est pas une longue patience. Mais il a du vrai, et plus qu'on ne le croit, de nos jours surtout (Flaub., Corresp., 1846, p.255).Le talent −suivant le mot de Buffon −n'est qu'une longue patience (Maupass., Pierre et Jean, 1888, p.281).
B. − [P. allus. à cette vertu; désignant un objet concr.]
1. ART RELIG. Appui dans une stalle, miséricorde (d'apr. Chabat 1881).
2. HABILL. MILIT., vieilli. Planchette de bois munie d'une rainure dans laquelle tous les boutons d'un uniforme pouvaient être astiqués en même temps sans risquer de souiller le tissu (d'apr. Havard 1980).
3. HÉRALD. Sur un écu, salamandre dans son brasier, signifiant cette vertu. (Dict.xixeet xxes.).
4. JEUX. Réussite. Elle s'était installée là devant, et machinalement, elle battait les cartes. Elle surprit le regard d'Armand: «Je fais des patiences, ça distrait (...)» (Aragon, Beaux quart., 1936, p.355).
5. THÉÂTRE. ,,Rail horizontal équipé pour le coulissage des rideaux drapés ou des décors mobiles`` (Giteau 1970). Un autre rideau? Lechy Elbernon: Une patience! Ce que nous appelons une patience! Quelque chose qui fait prendre patience! Un rideau qui bouge! (Claudel, Échange, 1954, i, p.746).
Prononc. et Orth.: [pasjɑ ̃:s]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.I. 1. 1remoitié du xiies. «vertu qui fait supporter les adversités» (Psautier d'Oxford, 51, 5 ds T.-L.); 1174-78 prendre en pacïence (Etienne de Fougères, Le Livre des Manières, éd. R. A. Lodge, 783); 2. 1176 «fait de supporter avec douceur les défauts d'autrui» (Chrétien de Troyes, Cliges, éd. A. Michea, 5731); 3. 1256 «persévérance à faire quelque chose malgré les obstacles» (Jeux-Partis Français, Jehan Bretel a Lambert Ferri, éd. A. Lånfgors, 62, 50, I, 234); 1798 ouvrage de patience (Ac.); 1845-46 jeu de patience (Besch.); 4. 1549 «tranquillité avec laquelle on attend ce qui tarde à venir ou à se faire» (Est.); 1604 prendre patience (Montchrestien, Carthaginois, 119 ds IGLF); 1798 patience d'Allemand (Ac.); 5. 1548 «interjection invitant à prendre patience» (Rabelais, Quart Livre, VI, éd. R. Marichal, p.54). II. 1. 1752 terme de blason «salamandre représentée dans le feu» (Trév.); 2. 1811, 9 juill. «jeu de cartes» (Stendhal, Journal, t.3, p.287: elle a fait une patience pour voir si je me marierais); 3. 1831, 16 avr. patience à nettoyer les boutons (Arrêté, in P. J. Bemelmans, Recueil administratif, t.3, p.447 ds Quem. DDL t.16); 4. 1868 «appui de stalle sur lequel on peut se reposer lorsqu'on est debout» (Littré). Empr. au lat. patientia «action de supporter, d'endurer». Fréq. abs. littér.: 2757. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3767, b) 4453; xxes.: a) 3427, b) 4062.