| PATHÉTIQUE, adj. et subst. masc. I. − Adjectif A. − 1. Qui émeut vivement et profondément, notamment par le spectacle ou l'évocation de la souffrance. Synon. bouleversant, déchirant, dramatique, émouvant, poignant, saisissant, touchant.OEuvre pathétique; discours, récit pathétique; heure, minute, moment, scène pathétique; accent, regard, style, ton, voix pathétique; orateur, actrice pathétique; adieux, gestes, poses pathétiques. Il luttait encore contre le destin, et qui a suivi son activité depuis son avènement comprend le pathétique et douloureux combat qui se livrait en lui (Grousset, Croisades,1939, p.226).L'évocation de la naissance n'est pas familière aux philosophes; la mort est plus pathétique; les pires menaces semblent venir au-devant de nous (Ricoeur, Philos. volonté,1949, p.407): 1. Tous les efforts de Gilliatt semblaient cramponnés à l'impossible, la réussite était chétive ou lente, et il fallait dépenser beaucoup pour obtenir peu; c'est là ce qui le faisait magnanime, c'est là ce qui le faisait pathétique.
Hugo, Travaill. mer,1866, p.298. 2. En partic. [En parlant d'une oeuvre littér., artist.] La sonate pathétique de Beethoven; la symphonie pathétique de Tchaïkovski. Marie Stuart est, (...) de toutes les tragédies allemandes, la plus pathétique et la mieux conçue. Le sort de cette reine (...) qui perdit son bonheur par tant de fautes, et que dix-neuf ans de prison conduisirent à l'échafaud, cause autant de terreur et de pitié qu'OEdipe, Oreste ou Niobé (Staël, Allemagne,t.2, 1810, p.318). B. − Spécialement 1. ANATOMIE ♦ Muscle pathétique. Synon. vx de (muscle) grand oblique* de l'oeil. (Dict.xixeet xxes. sauf Ac. 1798-1878 et Rob.). ♦ Nerf pathétique. «Chacun des nerfs de la quatrième paire des nerfs crâniens, qui entre dans l'orbite par la fente sphénoïdale et innerve le muscle grand oblique de l'oeil» (Verch.-Bud. 1981). Nerf pathétique. Il (...) se glisse entre le lobe moyen du cerveau et la partie adjacente du pont de Varole et de la jambe (Cuvier,Anat. comp., t.2,1805,p.144). 2. LING. Accent pathétique. ,,Synon. d'accent emphatique ou d'accent affectif`` (Morier 1975). Ce que quelques grammairiens appellent l'accent pathétique ou oratoire (Destutt de Tr., Idéol. 2,1803, p.333).L'accent expressif de sentiment, ou pathétique, l'emporte à son tour sur l'accent logique ou de signification (D'Indy, Compos. mus.,t.1, 1897-1900, p.30). 3. PSYCHOPHYSIOL. Qui concerne la sensibilité. Les événements intérieurs, les perceptions, les injonctions (...) les enfers que nous portons en nous, et leurs abîmes de démence, de sottise, d'erreur et d'anxiété, tout cet univers pathétique, instable et tout-puissant de la vie affective ne se peut absolument pas séparer de ce qui le perçoit (Valéry, Variété IV,1938, p.178). II. − Subst. masc. A. − Ce qui émeut, bouleverse; caractère pathétique de quelque chose. Un pathétique facile, mélodramatique, outré; faux pathétique; pathétique d'une scène, d'une expression, d'un geste. Cette angoisse où (...) Pascal se débat. C'est proprement là ce qui fait sa grandeur et qui donne à sa voix ce tremblement incomparable, ce pathétique d'une âme aux abois (Gide, Journal,1943, p.201).Et ils te chanteront combien grand est le pathétique des cafards menacés de disparition (Saint-Exup., Citad.,1944, p.537). B. − Le pathétique 1. LITT., BEAUX-ARTS. Genre littéraire (notamment théâtral) ou artistique propre à émouvoir fortement. Aimer le pathétique. Il ne faut pas confondre le pathétique avec la déclamation (Ac.). [Le] pathétique que Daumier en eût tiré [de ces sujets], noyant la plupart des éléments du spectacle dans de vastes pans d'ombre et de demi-teintes et faisant lyriquement étinceler dans une suite de clartés rythmiquement distribuées les détails les plus révélateurs (Lhote, Peint. d'abord,1942, p.147): 2. L'état de siège est proclamé. C'est pourquoi, notez cela, lorsque j'arrive, le pathétique s'en va. Il est interdit, le pathétique, avec quelques autres balançoires comme la ridicule angoisse du bonheur, le visage stupide des amoureux...
Camus, État de siège,1948, 1repart., p.228. 2. MUS. ,,Genre de musique dramatique et théâtrale qui tend à peindre les grandes passions, et particulièrement la douleur et la tristesse`` (Littré). Prononc. et Orth.: [patetik]. Ac. 1694, 1718: -the-; dep. 1740: -thé-. Étymol. et Hist.A. Adj. 1. 1584 «qui émeut» (Tabourot, Bigarr., fo191 rods Gdf. Compl.); 2. 1695 anat. nerf pathétique (Le Clerc, Chirurgie Complette, 107 d'apr. FEW t.8, p.14a); 1842 muscle pathétique (Ac. Compl.). B. Subst.1. 1674 «ce qui émeut, genre pathétique» (Boileau, Longin, XVI ds Littré); 2. 1703 «genre de musique qui tend à peindre les grandes passions» (Sébastien de Brossard, Dict.de mus., Amsterdam, P. Mortier, p.60). Empr. au lat. tardif patheticus (gr. π
α
θ
η
τ
ι
κ
ο
́
ς, dér. de π
α
́
θ
ο
ς) «propre à émouvoir». Fréq. abs. littér.: 966. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 787, b) 611; xxes.: a) 805, b) 2624. DÉR. 1. Pathétiquement, adv.D'une manière pathétique. Jouer pathétiquement une scène; déclamer pathétiquement une tirade. Le mal fut que je me pris à rire, quoique je parlasse alors fort pathétiquement sur je ne sais plus quel sujet d'humanité (Chateaubr., Mém.,t.3, 1848, p.14).Il a joué (...) sur son clairon, la larme des batailles, nous montrant (...) des soldats qui regardent pathétiquement le ciel (Huysmans, Art mod.,1883, p.188).On dit cela d'abord, repartit-elle en s'emparant d'une de mes mains qu'elle pressa pathétiquement dans les siennes (Gide, Porte étr.,1909, p.531).− [patetikmɑ
̃]. Ac. 1694, 1718: -the-; dep. 1740: -thé-. − 1reattest. 1611 (mort de l'aut.) (P. L'Estoile, Mémoires, 2ep., p.540 ds Gdf. Compl.); de pathétique, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér.: 17. 2. Pathétisme, subst. masc.,littér., rare. a) Caractère de ce qui est pathétique. La signification de l'oeuvre de M. Bombrowska réside donc surtout dans une réaction plutôt instinctive que doctrinale contre le pathétisme romantique et post-romantique qui persiste encore çà et là en Pologne (Arts et litt.,1936, p.52-2).b) Art (en rhétorique) de provoquer une émotion vive et profonde. Emploi, abus, ressources du pathétisme dans l'éloquence. Une élégance supérieure nous déconcerte, cette absence d'embarras, de prophétisme et de pathétisme (Valéry, Variété[I], 1924, p.194).− [patetism̭] − 1reattest. 1740 (D'Argenson, Journal III, 129 d'apr. Brunot t.6, p.1321); de pathétique, suff. -isme*. 3. Pathétiser, verbe trans.Rendre pathétique, exprimer pathétiquement (quelque chose). Titien récuse Bollini mais il l'accomplit, comme le pathétisera lui-même le Greco (Malraux, Voix sil.,1951, p.339).Le monde de l'art n'est pas plus un monde pathétisé qu'un monde magnifié, mais un autre monde, celui de la musique et de l'architecture (Malraux, Voix sil.,1951p.624).− [patetize], (il) pathétise [pateti:z]. − 1reattest. 1951 id., p.339; de pathétique, suff. -iser*. |