| PASTEUR, subst. masc. I. − Littér. Celui qui fait paître les troupeaux et en prend soin. Synon. berger (v. ce mot rem. 4), gardien, pâtre.Doux, vénérable, vieux pasteur; pasteur de troupeaux; pasteur du désert. Des pasteurs féroces, ennemis des laboureurs de la plaine, adversaires opiniâtres de la grande cité (Michelet, Hist. romaine, t.1, 1831, p.143).Les cailles traversent en effet les Pyrénées. C'est le signal de la descente pour les pasteurs (Pesquidoux, Chez nous, 1921, p.239): 1. ... quand vient le temps où l'essaim des jeunes vierges fleurit parmi les femmes, les poursuivants ne manquent ni dans la Crau, ni dans les manoirs des châtelains (...). Il en vint trois: un gardien de cavales, un pasteur de génisses, un berger de brebis, tous les trois jeunes et beaux.
Lamart., Cours litt., 1859, p.282. ♦ Le pasteur de Mantoue. Virgile. (Ds Littré, DG, Rob., Lar. Lang. fr.). ♦ Le pasteur phrygien. Pâris, le berger phrygien (v. berger I A). (Dict.xixeet xxes.). − ETHNOL. Personne qui vit de l'élevage du bétail. Agriculteurs, chasseurs, pêcheurs et pasteurs; nomades et pasteurs. De l'autre côté se trouvent les pasteurs nomades de l'Asie (Lowie, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p.58).On sait que le nomade, s'il est un pasteur, est aussi un adroit commerçant (Brunhes, Géogr. hum., 1942, p.174). ♦ En empl. adj. Peuples pasteurs. C'était une horde de nomades pasteurs (Haddon, Races hum., trad. par A. Van Gennep, 1930, p.214). II. − P. anal. A. − Celui qui, possédant une autorité reconnue sur un groupe de personnes, a la charge de les diriger. Nous sommes Les dynastes d'Argos et les pasteurs des hommes (Leconte de Lisle, Poèmes trag., 1886, p.231).Les grands hommes d'état, les véritables «pasteurs de peuples», qu'ils s'appellent Périclès ou Churchill (Marrou, Connaiss. hist., 1954, p.201). B. − 1. Celui qui a la charge de guider la spiritualité d'un ensemble de personnes. Pasteur d'âmes; pasteurs et fidèles. On commençait déjà à les (...) considérer [les «anciens»] comme des «pasteurs» chargés de conduire l'Église (Renan, St Paul, 1869, p.239): 2. [Le cardinal Boccanera à Pierre]: −(...) Il s'arrêta, puis se prononça, d'une voix nette: −Le cardinal Bergerot est un révolutionnaire. (...) la surprise de Pierre le rendit un instant muet. Un révolutionnaire, grand Dieu! ce pasteur d'âmes si doux, d'une charité inépuisable...
Zola, Rome, 1896, p.68. ♦ Le Bon Pasteur. [P. allus. à Jean X, 11] Celui qui retrouve et sauve la brebis égarée; le Christ lui-même. L'évangile du Bon Pasteur qui se lisait à la grand'messe (Bloy, Journal, 1902, p.91).Et maintenant le bon pasteur ne quittera-t-il pas le troupeau pour ramener la brebis égarée? (Larbaud, Barnabooth, 1913, p.254). 2. En partic. a) RELIG. CATH. Ecclésiastique considéré dans le soin qu'il doit prendre des fidèles confiés à sa charge. La Marquise (à Saqueville) (...) Permettez-moi de vous présenter M. Sévin; M. Sévin est parent de monseigneur d'Alger, votre pasteur (Mérimée, Deux hérit., 1853, p.56).Le curé, si on sollicitait son avis sur un événement si consolant pour un pasteur, souriait (Mauriac, Baiser Lépreux, 1922, p.210): 3. Ses peuples cependant, ayant envie d'avoir un évêque qui chantât la messe, le pressaient de se faire prêtre; il le leur promettait et différait toujours. Las enfin d'être sans pasteur, ils se révoltèrent et élurent un chanoine de Liège...
Barante, Hist. ducs Bourg., t.2, 1821-24, p.416. b) RELIG. PROTEST. Ministre du culte protestant. Pasteur anglican; aller voir le pasteur. La famille Stapfer est protestante; M. Monod est pasteur du culte réformé (Delécluze, Journal, 1827, p.473).J'ai parlé après avoir écouté avec admiration et émotion un pasteur protestant, un curé de village, un chanoine de cathédrale (Barrès, Cahiers, t.9, 1911, p.157). REM. Pastoresse, subst. fém.,rare. Épouse d'un pasteur protestant. Seuls quelques rares intimes avaient accès dans l'exigu salon particulier de la pastoresse; mais, pour éviter l'envahissement, on avait condamné la porte entre le parloir et ce salon (Gide, Faux-monn., 1925, p.1011).Au sens de «femme exerçant le ministère du culte protestant», on utilise plus volontiers le masc.: L'Église Réformée de France, qui a décidé en 1966 (...) que les femmes pouvaient être pasteurs (...) en compte actuellement 12 (...). Dans l'ensemble, «Madame le pasteur» a été facilement adoptée (Le Monde, 13 avr. 1973ds E. Boel, Le Genre des noms désignant les professions et les situations féminines en français moderne ds R. rom. t.11, 1 1976, p.41). Prononc. et Orth.: [pastoe:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. 1remoitié xiies. pastre «celui qui garde, fait paître le bétail» ici en parlant de Dieu (Psautier Cambridge, 22, 1 ds T.-L.: Li Sire mes pastres [Dominus pastor meus]); ca 1160 pastor (Enéas, 948, ibid.); 1238 pasteur (cité ds G. Espinas, Rec. de doc. rel. à l'hist. du dr. municipal en Fr. des orig. à la Révolution, Paris, t.3, p.174); 1534 le Bon Pasteur (Lefèvre d'Étaples, Bible, Jean, 10, 11); 2. ca 1174-76 «prêtre, opposé aux fidèles» (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 438); en partic. 1541 «chez les protestants, ministre du culte» (Ordonnances ecclésiastiques de Genève ds FEW t.7, p.760b, note 11); 3. 1678 fig. et littér. «chef et guide d'une collectivité» pasteurs d'humains (La Fontaine, Fables, X, 10, 30 ds OEuvres, éd. H. Régnier, t.III, p.58); 4. 1734 adj. et subst. ethnol. «qui s'adonne surtout à l'élevage et qui en vit» peuples pasteurs (Montesq., Rom., 17 ds Littré). Empr. au lat. class. pastōrem, acc. de pastŏr «berger, pâtre, pasteur», puis, en lat. chrét. «pasteur d'âmes, chef d'une communauté chrétienne»; pasteur a, très tôt, pris une accept. relig., d'autant plus facilement que pâtre, initialement forme du cas suj. de pasteur, s'est lexicalisé avec le sens de «berger, gardien de troupeaux»; v. pâtre. Fréq. abs. littér.: 1348. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2332, b) 1809; xxes.: a) 1604, b) 1808. DÉR. Pastorat, subst. masc.Charge de pasteur spirituel et en particulier de pasteur protestant; p.méton. durée de cette charge. Tchen venait du collège luthérien, où il avait été élève d'un intellectuel phtisique venu tard au pastorat, qui s'efforçait avec patience, à cinquante ans, de vaincre par la charité une inquiétude religieuse intense (Malraux, Cond. hum., 1933, p.225).Au fig. Il faut un gouvernement, un pastorat quelconque... Lequel? Un gouvernement à l'amiable, de gré à gré (Goncourt, Ch. Demailly, 1876, p.151).− [pastɔ
ʀa]. − 1resattest. a) 1611 «dignité, fonction de pasteur spirituel» (Cotgr.), en partic. 1883 «ministère d'un pasteur protestant» (A. Daudet, Évangéliste, p.253), b) 1876 fig. (Goncourt, loc. cit.); dér. sav. de pasteur, suff. -at*. BBG. −Brinkmann (Fr.). Metapherstudien... Arch. St. n. Spr. 1876, t.56, pp.361-62. _Richard (W.) 1959, pp.122-125. |