| PASSIONNEL, -ELLE, adj. A. − [Corresp. à passion C, D, E] Qui est soumis à l'influence de la passion, aux états affectifs intenses, exclusifs; qui exprime, dénote la passion. Raisonnement passionnel; attitude, haine passionnelle; paroles, réactions passionnelles; valeur passionnelle du mot. Quand on aura prouvé que le corps de l'homme est une machine (...), il faudra bien passer aux actes passionnels et intellectuels de l'homme (Zola, Rom. exp., 1880, p.15).Nous avons sur l'écran [dans le film Le vieil homme et l'enfant] une de ces histoires passionnelles, plus infaillibles et fortes que n'importe quelle histoire d'amour (Le Nouvel Observateur, 8 mars 1967, p.50, col. 4): 1. La plupart des idéologies collectives passionnelles, persécutrices ou haineuses, se greffent sur une grande peur qui cherche soit à se rassurer, soit à se délivrer en explosant au dehors.
Mounier, Traité caract., 1946, p.612. ♦ Empl. subst., rare. Personne sous l'emprise d'une passion. Racine en est réduit à faire varier arithmétiquement les données, les conditions arithmétiques de cette trame arithmétique, le nombre et la situation, les situations réciproques (arithmétiques et comme géométriques) de ses personnages, de ses passionnels (Péguy, V.-M., comte Hugo, 1910, p.784). ♦ Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre, rare. Caractère de ce qui est soumis à la passion. V. coeur ex. 47. − Spécialement ♦ PHILOS. SOC. [Dans le système sociétaire de Fourier] Attraction passionnelle. Penchant par lequel chaque être est attiré vers les autres et vers le but de sa passion dominante, antérieurement à la réflexion. Charles Fourier se considérait comme un nouveau Newton, pour avoir conçu l'attraction passionnelle comme le ressort fondamental de la vie sociale (Traité sociol., 1968, p.339). ♦ PSYCHOPATHOLOGIE Crise passionnelle. Manifestation du désordre mental dû à la passion. De telles manifestations [neurovégétatives et physiologiques] peuvent être accidentelles, isolées dans la vie du sujet et déclenchées seulement par un concours de circonstances favorables: ce sont les crises passionnelles simples (Porot1975, p.486).Délire passionnel: 2. Sous le terme de délire passionnel, on entend tout délire systématisé comportant deux éléments indissolubles: 1oune idée directrice (que la psychiatrie classique nomme «idée prévalente») telle qu'un sentiment de préjudice subi ou qu'un désir amoureux non réalisé, et à laquelle le sujet adhère totalement; 2oun état passionnel qui donne au sujet l'énergie nécessaire pour persister dans la direction qu'il s'est fixée...
Sill.Psychol.1980, p.872. État passionnel. On dit qu'il y a état passionnel chaque fois que le potentiel affectif attaché à un sentiment ou une idée, à un être ou à un objet, s'est accru au point de polariser sur lui toute l'activité cérébrale, troublant l'équilibre mental, obnubilant parfois le jugement, éteignant le sens critique et dictant un comportement antisocial (Porot1975, p.486).Empl. subst. Personne atteinte de délire passionnel: 3. Supposons un passionnel: il défend un point de vue qui est en contradiction formelle avec nos évidences. Les parents de ce passionnel n'arrivent pas à considérer ce dernier comme totalement malade: ils essaient peut-être quelquefois de le sermonner ou de discuter avec lui comme avec quiconque. La méthode est déplorable, car le passionnel prend à cette occasion une conscience de plus en plus aiguë de son opposition avec les siens. C'est eux qu'il juge fous.
S. Boulier-Fraissinetds Esprit, mars 1950, no165, p.393. B. − En partic. 1. Qui se rapporte à la passion amoureuse. Acte passionnel; histoire passionnelle. Les crimes d'amour s'y réduisaient pratiquement à rien [dans le journal]. Si MmeHoudaille avait allumé son réchaud, puis, gênée dans ses préparatifs, avait jugé plus simple de se jeter par la fenêtre, il semblait difficile d'imputer son suicide à des souffrances passionnelles (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p.32). 2. [Dans un cont. criminel] Causé par la passion amoureuse. Drame, meurtre passionnel. Le procédé de l'avocat qui tâche à faire passer pour passionnel le crime de son client (Gide, Journal, Feuillets, 1918, p.673).Il peut paraître singulier que (...) d'une part j'aime assez cette petite pour admettre de l'épouser, et d'autre part j'envisage de la tuer, et de la tuer pour un motif non «passionnel»: simplement parce qu'elle me gênerait (Montherl., Pitié femmes, 1936, p.1131). − [En parlant d'une pers.] Qui a commis un meurtre sous l'emprise d'une passion amoureuse. Lombroso avait opéré cette distinction [entre crime utilitaire et crime de destruction]; à propos du deuxième genre de criminels passionnels [justiciers], il écrit: «Les passions qui excitent ces criminels (...) sont (...) de celles qui éclatent à l'improviste, comme la colère, l'amour platonique ou filial, l'honneur offensé (...)» (Yam.-Kell.1970). ♦ Empl. subst., arg. (justice et admin. pénitentiaire). Personne qui a commis un meurtre sous l'emprise de la passion amoureuse. C'étaient deux «passionnelles». Le directeur ne nous cacha pas qu'aux délinquantes il préférait les criminelles (A. France, Crainquebille, Vol dom., 1904, p.314). REM. Passionnellement, adv.D'une manière passionnelle. Du point de vue de la responsabilité le Pierre que je suis passionnellement pour moi-même et le Pierre que je suis objectivement pour un autre ne reviennent pas «au même» (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p.219).Si des privilèges de classe entravent subrepticement la recherche de la vérité, il est bon que les masses interviennent, passionnellement même, non pour décider du vrai, mais pour soutenir les responsables de sa découverte (Le Nouvel Observateur, 7 mai 1973, p.3, col. 1). Prononc. et Orth.: [pasjɔnεl], [pɑ-]. Martinet-Walter 1973 [a], [ɑ] (13/4). V. passionniste (dér. s.v. passion). Étymol. et Hist. 1. xvies. [date du ms.] «inspiré par la passion» paroles passionnelles (H. de Gauchi, trad. Gouv. des Princes de Gille Colonne, Ars. 5062, fol. 189 rods Gdf.), ex. isolé; 1849 (Proudhon, Confess. révol., p.380: la littérature oscille du genre descriptif au genre passionnel); 2. 1822 sociol. attraction passionnelle (Ch. Fourier, Théorie de l'Unité universelle, II, 1repart., notice 3 ds OEuvres, éd. Paris, 1841, t.3, p.239); 3. 1890 «inspiré par la passion amoureuse» crime passionnel (Zola, Bête hum., p.270). Dér. de passion* d'apr. le b. lat. passionalis «susceptible de douleur, susceptible de passion». Fréq. abs. littér.: 209. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 14, b) 111; xxes.: a) 424, b) 561. Bbg. Darm. 1877, p.87. _Quem. DDL t.4 (s.v. passionnellement). |