| PARLER1, verbe I. − Empl. intrans. A. − Qqn parle 1. Émettre les sons articulés d'une langue naturelle. Parler bas, haut, fort; parler gras; parler distinctement; parler trop vite ; parler en détachant, en martelant les syllabes; parler d'une voix étouffée; parler à voix basse, à mi-voix; parler à voix haute; parler entre ses dents; parler de la gorge; faculté de parler. Cosette, nous l'avons dit, n'avait pas eu peur. L'homme lui adressa la parole. Il parlait d'une voix grave et presque basse (Hugo,Misér., t.1, 1862, p.477).Depuis qu'il était à Paris, Edmond avait appris à parler du bout des dents et en serrant les lèvres, comme toutes les personnes du midi qui ont de l'éducation (Aragon,Beaux quart., 1936, p.202): 1. ... parler est un art qu'on apprend lentement, en attachant à chaque articulation un sens convenu. Or, l'on apprend à parler par le moyen de l'oreille: sans son secours, nous ne pourrions tenter cet apprentissage; nous n'aurions même aucune idée des sons articulés qu'il a pour but de nous accoutumer à reproduire, en y attachant les idées, ou les sentimens dont ils sont les signes convenus.
Cabanis,Rapp. phys. et mor., t.1, 1808, p.189. ♦ Parler du nez. Parler avec un son nasal. Synon. nasiller.Le mathématicien Briot, un petit bonhomme pincé, prétentieux, parlant du nez, d'un vilain nez, qu'il a eu cassé à l'accident de chemin de fer de la rive gauche (Goncourt,Journal, 1864, p.107).Madame Lerat, l'aînée des Coupeau, était une grande femme, sèche, masculine, parlant du nez (Zola,Assommoir, 1877, p.438). ♦ Au fig. Parler haut. V. haut1II C 2 b. − P. anal. [Le suj. désigne un animal; en partic., un oiseau] Émettre des sons, des cris imitant le langage humain. Faire parler un perroquet, un mainate: 2. J'étais si étonnée d'entendre parler un oiseau, que mes contes de fées me parurent plus sérieux que je n'avais peut-être cru jusqu'alors. Je ne me rendis pas du tout compte de cette parole mécanique dont le pauvre oiseau ne comprenait pas le sens: puisqu'il parlait, il devait penser et raisonner, selon moi, et j'eus très-peur de cette espèce de génie malfaisant qui frappait du bec les barreaux de sa cage, en répétant toujours: muera, muera!
Sand,Hist. vie, t.2, 1855, p.192. Rem. On relève un empl. de parler avec un suj. désignant un animal au sens de «faire entendre son cri». Jamais les oiseaux ne cessent de parler. Dès l'aube, à l'heure où cette nature sèche semble un peu mouillée de rosée, tous ensemble bavardent (Barrès, Mystère, 1923, p.130). Un chien de meute parla sous les hêtres (Genevoix, Dern. harde, 1938, p.64). − Loc. pop. et fam. On dirait qu'il va parler. [Le suj. désigne un portrait fidèle ou une peint. réaliste] L'effigie de la jument verte demeurait en place. Le dimanche, lorsque toute la famille mangeait du bouilli ou de la grillade de cochon dans la salle à manger, Jules Haudouin levait les yeux vers la jument verte et, la tête penchée sur l'épaule, soupirait en joignant les mains: −Il y a des fois, on dirait qu'elle va parler (Aymé,Jument, 1933, p.18). 2. a) Utiliser la parole pour exprimer sa pensée. Parler beaucoup, peu, trop; parler tous à la fois; parler sans réflexion; parler pour le plaisir de parler; faire qqc. sans parler; manière, façon de parler; aimer parler; oser parler; laisser parler qqn; avoir besoin de parler; écrire comme on parle. Tout le monde parlait à la fois dans un tohu-bohu d'affirmations contradictoires et de démentis insultants (Dorgelès,Croix de bois, 1919, p.24).Il parlait tout seul en marchant, il pensait à voix haute, pour le soulagement qu'il avait à entendre le son de sa voix d'homme (Genevoix,Raboliot, 1925, p.292). ♦ Parler pour amuser le tapis*. ♦ Parler pour parler, parler pour ne rien dire. Prononcer des paroles inutiles, sans intérêt. −Chang-Kaï-Shek ne nous laissera plus aller jusque-là, répondit Kyo (...). Il ne peut se maintenir ici qu'en s'appuyant sur (...) les contributions de la bourgeoisie, et la bourgeoisie ne paiera pas pour rien: il faudra qu'il lui rende sa monnaie en communistes zigouillés. −Tout ça, dit Tchen, est parler pour ne rien dire (Malraux,Cond. hum., 1933, p.273).Parler pour parler est la formule de délivrance. Novalis, Fragments (Éluard,Donner, 1939, p.152). ♦ S'écouter parler. V. écouter A 2 a.Le respectueux silence de Noémi, chaque soir, tandis que sur un canapé du salon, Jean Péloueyre s'écoutait parler, inclinait ce garçon à croire que, comme le disait M. le curé, une jeune fille sérieuse prise surtout chez son fiancé les avantages de l'esprit (Mauriac,Baiser Lépreux, 1922, p.167). ♦ Savoir ce que parler veut dire. V. dire III A 3. ♦ Voilà (ce) qui s'appelle parler, voilà qui est parler, ça c'est parler. [En parlant de qqn qui parle avec autorité, avec assurance; marque l'approbation de ce qui vient d'être dit] Quant à nous, remarquez qu'il s'agit simplement d'un caprice à satisfaire; et qu'il serait ridicule, pour un caprice, de risquer notre vie. −Ah ! per bacco! s'écria maître Pastrini, à la bonne heure, voilà ce qui s'appelle parler (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.431).−Vous avez parfaitement raison, s'écria Jambe-D'Or, et pour moi, je crois à vos mines comme si je les avais vues. −Jambe-D'Or, voilà qui est parler... (Miomandre,Écrit sur eau, 1908, p.108): 3. −Ça, c'est un frère, s'exclama la dame chapeautée, ça c'est un frère! Vous l'avez entendu? On va lui dire d'entrer pour le faire asseoir, on se poussera!... −Elle ouvrit la porte: −Venez, Monsieur, ça c'est parler! vous êtes un frère, on va vous faire une petite place... L'homme, gêné par ce succès imprévu, entra.
Triolet,Prem. accroc, 1945, p.35. ♦ Vous qui parlez. [S'adresse à qqn qui parle ou accuse avec audace ou impudence pour le rappeler à plus de modestie; s'emploie pour faire un reproche à qqn] La défiance est un état affreux! Est-ce là le langage d'un homme libre qui croit que la liberté ne peut être achetée à trop haut prix? (...) Est-ce encore vous qui parlez ici? Quoi! c'est la défiance du peuple qui empêche le pouvoir exécutif de marcher; et ce n'est pas sa volonté propre? (Robesp.,Discours, Guerre, t.8, 1792, p.77). − Parle toujours, tu m'intéresses; parle toujours; parlez toujours. [Indique le peu de cas que fait (ou fera) le locuteur des propos tenus; indique que le locuteur ne tiendra aucun cas des propos tenus] Le Cardinal: Revenez donc vous asseoir là, Ricciarda. Je ne vous ai point encore donné l'absolution. La Marquise: Parlez toujours; il n'est pas prouvé que j'en veuille (Musset,Lorenzaccio, 1834, ii, 3, p.141).Ta place n'est pas ici. −Parle toujours, dit le Russe du bout de ses longues dents, avec plus d'insolence que jamais (Bernanos,Joie, 1929, p.654). − [Constr. avec un compl. prép., un adv. ou une expr. à valeur adv. précisant la lang., le ton, le style du message communiqué] Parler correctement, grossièrement, avec grossièreté, avec préciosité; parler haut et fort, sans manières; parler de façon décousue; parler sans façons; parler pour parler; parler en latin, en français, en anglais; parler comme une grande personne; parler comme un moulin; si j'ose ainsi parler; si je puis parler ainsi; s'il est permis de parler ainsi; pour ainsi parler; pour parler plus clairement. Un mot n'attendait pas l'autre. Le vieux homme parlait avec une volubilité campagnarde où il n'y avait rien d'inquiétant (Hugo,Misér., t.1, 1862, p.559).Il parle dans une langue étrangère, et chacun l'écoute dans un recueillement respectueux (Lautréam.,Chants Maldoror, 1869, p.330).Janine parlait sec, d'un ton qui aurait suffi à me mettre hors de moi (Mauriac,Noeud vip., 1932, p.180). ♦ Bien parler, parler bien. Parler avec éloquence; s'exprimer correctement, avec élégance. Il a très bien parlé. Très bon ouvrier, il parlait bien, se mettait à la tête de toutes les réclamations (Zola,Germinal, 1885, p.1189).Ma mère elle-même, Mélanie forma mon langage. Je n'ai pas à le regretter; tout ignorante qu'elle était, elle parlait bien. Elle parlait bien puisqu'elle disait les mots qui persuadent et les mots qui consolent (A. France,Pt Pierre, 1918, p.195).C'était un fils de famille, qui parlait toujours de son père −mon père par-ci, mon père par-là, le royaume de mon père, et il racontait des histoires aux malheureux qui l'écoutaient avec admiration, parce qu'il parlait bien et qu'il avait de l'instruction (Prévert,Paroles, 1946, p.34). ♦ Mal parler, parler mal. S'exprimer dans une langue peu soignée, incorrecte ou grossière. Je n'ai jamais appris à parler mal, à injurier et à maudire (Joubert,Pensées, t.1, 1824, p.85).Nos gages, qu'il appelle des caches! Pauvre homme! S'il parle mal, il pense bien, et je l'entends tout de même (Balzac,Illus. perdues, 1843, p.607). ♦ Région. (Québec). [Anglicisme] Parler à travers son chapeau, à travers sa tuque. Dire n'importe quoi. Nos homm's d'État sont des génies qui parl'nt à travers leur chapeau (E. Coderre,J'parle tout seul..., 1961, p.51 ds Richesses Québec 1981, p.618). ♦ Parler clair, net; parler clair et net; parler franc. S'exprimer sans ambiguïté et avec franchise, ouvertement. Parlons clair et ne nous cachons pas dans des mots-brouillards (Chateaubr.,Mém., t.1, 1848, p.618).La mère Justamonde, matrone qui parlait franc, avait dit à son voisin, la veille de la signature de l'acte: «Excusez-moi si j'ai l'air de m'occuper de vos affaires (...) mais faut pas tout donner aux enfants (...)» (R. Bazin,Blé, 1907, p.89).Il y a des cas où l'on devrait parler net, remarque l'ancien bûcheron d'une voix dont il exagère exprès le grasseyement, mais possible que je n'en vaille pas la peine (Bernanos,M. Ouine, 1943, p.1457). ♦ Parler gras. Avoir un langage grossier, ordurier, licencieux. Elle retrouva Chéri grandi trop vite, creux, les yeux fardés de cerne, portant des complets d'entraîneur et parlant plus gras que jamais (Colette,Chéri, 1920, p.29 ds Rob. 1985). ♦ Parler comme un livre. V. livre I B 2 c. ♦ Parler comme un oracle*. ♦ Parler d'or. Tenir des propos pleins de sens ou d'utilité. Petrowlski: Je veux d'abord un bel uniforme avec des galons... pour que l'on voie bien que c'est moi qui commande!... Rabagas: Nous l'aurons!... Petrowlski: Et avec ça, j'irai partout, l'on me saluera!... Rabagas: Vous parlez d'or! (Sardou,Rabagas, 1872, ii, 4, p.93).La secrétaire: (...) La guerre elle-même a ses vertus et il n'est pas jusqu'aux cimetières qui ne puissent être de bonnes affaires lorsque les concessions à perpétuité sont dénoncées tous les dix ans. L'homme: Vous parlez d'or... (Camus,État de siège, 1948, 1repart., p.219): 4. Je regrette de paraître dur, de blâmer implicitement la conduite de bon nombre de mes amis. Mais il leur suffisait de réfléchir tant soit peu pour savoir que les conventions de La Haye interdisent à l'ennemi de demander aux civils plus que le nécessaire pour l'armée d'occupation. Voilà! −Vous parlez d'or, Hennedyck, mais qui vous l'assure, ce droit? Ce que nous ne voulons pas donner l'ennemi le prend.
Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p.133. ♦ Parler contre sa pensée. Parler autrement qu'on ne pense. (Dict.xixeet xxes.). ♦ Parler en l'air. Parler avec légèreté, inconsidérément ou sans disposer de certitudes suffisantes. Notre éloquence a pris l'habitude de parler en l'air. On entend, dans tous nos discours, une voix qui s'enfle et qui se perd (Joubert,Pensées, t.1, 1824, pp.432-433).Je ferai une oeuvre propre, parce qu'elle ne sera qu'accessoirement littéraire. L'intérêt de tous les hommes militera en ma faveur... mon livre aura un poids, une substance. Je ne parle pas en l'air (J. Bousquet,Trad. du sil., 1936, p.198).Quand voulez-vous que je vienne? Pour la première fois il parlait en l'air, n'ayant aucune idée de la manière de prendre une novice, une cliente qui n'avait même pas l'idée de mentir, et de citer une ou deux fausses références (Peyré,Matterhorn, 1939, p.68). ♦ Vx. Parler Vaugelas, parler Voiture. S'exprimer avec pureté, avec élégance, à la manière de Vaugelas, de Voiture. (Dict.xixeet xxes.). − [Constr. avec un compl. prép., un adv. ou une expr. à valeur adv. précisant les dispositions intellectuelles, morales, affectives du locuteur] Il est des entretiens où l'âme ni le corps n'ont de part. J'appelle ainsi ces conversations où personne ne parle du fond de son coeur, ni du fond de son humeur (Joubert,Pensées, t.1, 1824, p.247).Un de ces coeurs endoloris qui prennent tout à faux et de travers, et avec lequel les explications ne raccommodent rien, parce qu'on ne se fait pas comprendre et qu'il y a des arrière-pensées au fond de leurs aveux, et même de leur pardon. Est-ce qu'entre femmes on se parle jamais avec une entière franchise? (Amiel,Journal, 1866, p.332): 5. Il parlait avec cette politesse insolente des gens qui, par le choix des mots, par leurs intonations, par tous leurs mouvements, laissent entendre qu'ils sont en train de perdre leur temps mais que, par malheur, ils n'ont précisément pas une minute à perdre.
Duhamel,Suzanne, 1941, p.201. SYNT. Parler crûment, doctoralement, étourdiment, précieusement, raisonnablement, hardiment, sagement, sèchement, sérieusement, utilement, vertement; parler avec affectation, assurance, circonspection, confiance, conviction, passion, prétention; parler à contretemps, au hasard, à la légère; parler à coeur ouvert, à mots couverts; parler en connaissance de cause; parler en pesant ses mots, en plaisantant; parler à contretemps; parler hors de propos; parler par allusions, par sous-entendus; parler par expérience; parler sans fard, sans haine; parler pour plaisanter, pour rire; parler sans s'émouvoir, sans ménager ses termes; parler selon son coeur, selon sa conscience; parler sur un ton irrité, hautain; parler sur un certain ton. ♦ Parler en, en qualité de, en tant que + subst.Je ne parle pas ici en directeur de conscience, notez-le. Je parle en homme, humainement (Bernanos,Joie, 1929, p.698).L'autre jour, tu t'es fâchée de ce qu'il disait sur la politique. Je n'y entends pas grand-chose... pourtant il me semble qu'il parlait en homme de coeur (Mauriac,Mal Aimés, 1945, iii, 2, p.227).Parler en maître. S'exprimer avec autorité. Le monde est ainsi fait, que tout homme qui parle en maître est presque sûr d'être obéi (About,Roi mont., 1857, p.252). − [Au part. prés., faisant fonction de gérondif, et précédé d'un adv. en -ment] En parlant, si on parle de telle ou telle manière; en se plaçant, si on se place à tel ou tel point de vue. Absolument, généralement, strictement parlant; financièrement, littérairement parlant; militairement parlant; moralement parlant. Le public jugeant toujours les résultats, Birotteau passa d'autant plus pour un homme supérieur, commercialement parlant, qu'il rédigea lui-même un prospectus dont la ridicule phraséologie fut un élément de succès (Balzac,C. Birotteau, 1837, p.46).Que les mots au lieu d'être pris uniquement pour ce qu'ils veulent dire grammaticalement parlant soient entendus sous leur angle sonore, soient perçus comme des mouvements (Artaud,Théâtre et son double, 1938, p.144). − [À l'inf. précédé de à ou pour et accompagné d'un adv.] Pour employer des termes de telle ou telle nature, pour s'exprimer de telle ou telle manière. À proprement parler; pour parler franchement. Je vous ai dit: «Gare les côtes»; mais, à franchement parler, je ne croyais pas que ça aille si mal (Giono,Colline, 1929, p.176): 6. Tous ces jeunes gens qui croient que tous les travaux formellement philosophiques amènent un profit à l'espèce humaine, parce qu'on leur a persuadé qu'il en va ainsi de toutes les tâches spirituelles. Avoir de bonnes intentions, c'est d'autre part, et pour parler gros, vouloir précisément ce profit.
Nizan,Chiens garde, 1932, p.13. b) P. anal. Exprimer sa pensée par un moyen autre que la parole, que le langage articulé. Parler des yeux, du regard; parler avec les mains; parler par signes. Si je ne peux pas parler haut et que je ne puisse pas non plus t'approcher, ma bergère, nous n'avons pas de chances de nous entendre... alors, parlons par gestes!... (Crémieux,Orphée, 1858, i, 4, p.16).Il a baissé un peu le front, comme un bélier têtu, qui se butte. Tantôt faisant oui du menton, tantôt secouant la tête pour nier, il n'a plus parlé que par signes (Genevoix,Raboliot, 1925, p.234). ♦ [P. méton. du suj.] Être éloquent, expressif, avoir une signification. Regards, yeux qui parlent. De Thérèse à ce moment, Jude n'apercevait que la main (...). Il y a des mains qui parlent. Après avoir attiré le regard de Jude, celle-ci le retint. Elle suggérait le désir de la prendre pour y poser les lèvres (Estaunié,Vie secrète, 1908, p.192).Par les dieux, les claires danseuses!... Leurs mains parlent, et leurs pieds semblent écrire (Valéry,Eupalinos, 1923, p.14): 7. Les deux ou trois putes (...) faisaient de l'oeil aux passants (...) s'éventaient, faisaient de la retape avec leur éventail (...) déroulaient leurs jalousies qui claquaient, zyeutaient encore à travers les lames en accordéon, les yeux parlant dans la pénombre, passaient une main, faisaient du doigt un geste de racolage...
Cendrars,Bourlinguer, 1948, p.148. c) En partic.
α) Exprimer, développer ses idées par écrit. (Dict.xixeet xxes.). − [P. méton., le suj. désigne un texte écrit] Dans la rue, et «en plein vingtième siècle» comme parlent les gazettes (Toulet,Nane, 1905, p.83).
β) Prononcer un discours en public; prendre la parole en public. Parler à la tribune, à la radio, devant un micro; parler face à la foule; parler ex cathedra; parler en public. N'ont-ils pas eu l'effronterie de vouloir parler au peuple du haut de l'échafaud; morbleu! comme on leur a vite coupé la parole et la tête! (Borel,Champavert, 1833, p.13).Je puis monter à la tribune dans une heure, et parler sans autres notes que ça... (Romains,Hommes bonne vol., 1932, p.149).Écrire, parler à la radio et quelquefois dans les meetings pour dénoncer quelques abus, ça le satisfaisait pleinement (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.305). ♦ Parler d'abondance. V. abondance I B. ♦ Parler pour, contre qqn/qqc., en faveur de qqn/qqc.Prendre la parole pour défendre, soutenir quelqu'un/quelque chose, combattre quelqu'un/quelque chose. Parler en faveur d'un accusé. On ne peut ni parler contre le christianisme sans colère, ni parler de lui sans amour (Joubert,Pensées, t.1, 1824, p.116).Comment aurais-je pu parler en faveur d'une mesure sur laquelle je ne pouvais avoir d'idée arrêtée? (Chateaubr.,Mém., t.3, 1848, p.237).Nous parlons pour l'humanité, et c'est insulter la France de nier qu'en même temps nous parlions pour la patrie (Clemenceau,Vers réparation, 1899, p.25).
γ) Échanger des propos, des idées; faire connaître son avis, donner son opinion. Parler chacun son tour. Nous revînmes à Clochegourde en parlant à bâtons rompus. Le comte se plaignait de douleurs vives sans les préciser (Balzac,Lys, 1836, p.78).Hellouin parla le premier, puis il s'épongea le front et remit son feutre, comme un homme qui a rempli sa mission et dit ce qu'il avait à dire. Il fut alors bien évident que la princesse d'Élide parlait à son tour (Duhamel,Suzanne, 1941, p.249). ♦ Parlons peu, (mais) parlons bien. [Indique l'intention de régler rapidement une affaire, de résoudre rapidement un problème, de prendre des décisions, des résolutions sérieuses] Et maintenant, où en es-tu? parlons peu, parlons bien: quelques semaines à tirer en prison, pas grand'chose. Fais-les, mon gars, et le plus vite possible, c'est un bon conseil que je te donne. Faut en sortir, je ne vois pas d'autre moyen (Genevoix,Raboliot, 1925, p.234). − JEUX DE CARTES. Faire une annonce, annoncer, déclarer son jeu. À vous de parler. −(...) Et puis, François, il y a toujours le poker... −Une culotte? −Oui, hier soir... Un pot de cinq sacs... J'ouvre avec deux as, la dernière à parler (Vailland,Drôle de jeu, 1945, p.31).
δ) Faire connaître sa volonté, de manière à être obéi. Parler en maître (supra I A 2 a). N'avoir qu'à parler pour être obéi. Que dois-je pour faire plaisir À ta sagesse? (...) Parle, que puis-je? (Verlaine,OEuvres compl., t.3, Invect., 1896, p.377).
ε) Rompre le silence, bavarder; ne pas respecter une consigne de silence en s'adressant à quelqu'un. Élève qui parle en classe. (Dict.xixeet xxes.). ♦ Révéler un secret, révéler ce qu'on aurait dû taire. Synon. pop. accoucher, se mettre à table, vider son sac.Parler sous la menace, la torture; parler par étourderie. Saverny [à Marion]: Je tiendrai secrètes vos paroles, Nous autres gens de cour, on nous croit têtes folles, Médisants, curieux, indiscrets, brouillons; mais Nous bavardons toujours et ne parlons jamais (Hugo,Marion Del., 1831, p.177).Elle se mourait du regret d'avoir parlé, après avait failli mourir de ne point parler (Boylesve,Leçon d'amour, 1902, p.256): 8. L'été dernier, un grand chef de la Résistance (...) a été arrêté et conduit à Fort-Montluc; les états-majors réunis de toutes les organisations ont tout envisagé pour le tirer de là, les plus gros sacrifices d'argent, même l'assaut à main armée (...) il a fallu renoncer à tout, il est mort sous les coups sans avoir parlé...
Vailland,Drôle de jeu, 1945, p.26. ♦ Faire parler qqn.Amener quelqu'un par la violence ou la ruse à dire, avouer ce qu'il sait. Synon. fam. tirer les vers du nez.Ils vont essayer de me faire parler et vous savez ce que c'est que les prisons de maintenant. Si on me brutalise, je parlerai peut-être malgré moi (Aymé,Uranus, 1948, p.98).Tu as du culot, tu sais faire parler les gens, tu es débrouillarde (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.164). B. − Au fig. ou p.métaph. Qqc. parle 1. a) [Le suj. désigne des choses ou des abstractions considérées comme douées de lang., comme possédant une faculté d'expression] S'exprimer par le moyen du langage. Laisser parler son coeur, son chagrin; la justice, la vérité parle par sa bouche. Mon âme croit parler, ma langue embarrassée Frappe l'air de vingt sons, ombre de ma pensée (Lamart.,Médit., 1820, p.237).Madame Chardon (...) tremblait que David n'eût raison, car il parlait comme elle entendait parler sa conscience de mère (Balzac,Illus. perdues, 1843, p.646). b) P. ext.
α) Avoir une signification, exprimer quelque chose. Ne me regardez plus que comme une espèce d'artiste, votre confrère, qui n'a malheureusement pas comme vous, l'art d'animer le marbre, et de faire parler la pierre (Chateaubr.,Corresp., t.1, 1805, p.209).Musique qui danse et musique qui rêve, toutes me parlent, me donnent une sensation (A. Daudet,Trente ans Paris, 1888, p.290): 9. Deux choses qu'on peut regarder indéfiniment: le feu qui brûle et la neige qui tombe. Il faut les regarder avec beaucoup de patience pour qu'ils se mettent à parler. Et que disent-ils? Je n'en sais rien, mais ils ont beaucoup à dire et ce qu'ils ont à dire est important.
Green,Journal, 1956, p.168.
β) S'imposer avec force, commander. L'honneur parle, j'ai vu le devoir, il faut le suivre, et à l'instant (Stendhal,Rouge et Noir, 1830, p.431).Il la voulait avant tout, l'adorable créature; ce désir exaspéré parlait plus fort que les autres, dans ses sens enfiévrés, dans son imagination éblouie par tout ce qu'il y avait de délirant autour de cette image: la belle, la noble, l'opulente princesse dans ses bras (Vogüé,Morts, 1899, p.365). 2. En partic. a) [Le suj. désigne un mot ou une expr.] Être particulièrement évocateur ou chargé de sens. Liberté: c'est un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens; qui chantent plus qu'ils ne parlent; qui demandent plus qu'ils ne répondent; de ces mots qui ont fait tous les métiers (Valéry,Regards sur monde act., 1931, p.49).[Grand] se montra ensuite fort préoccupé par l'adjectif «superbe». Cela ne parlait pas, selon lui, et il cherchait le terme qui photographierait d'un seul coup la fastueuse jument qu'il imaginait (Camus,Peste, 1947, p.1327). b) [Le suj. désigne une note de mus. ou un instrument de mus.] Sonner, résonner; rendre des sons particulièrement évocateurs. [Mayer] ne savait guère faire chanter la voix humaine, mais il faisait parler les instruments (Stendhal,Rossini, t.1, 1823, p.24).Bientôt chaque pierre vibra dans l'église, mais sans changer de place. Les orgues parlèrent, et me firent entendre une harmonie divine à laquelle se mêlèrent des voix d'anges (Balzac,J.-C. en Flandre, 1831, p.311). 3. P. plaisant. Faire parler la poudre. Se battre, laisser la place aux armes. Quelque chose pourtant manquait au bonheur de Kadour. Il aurait voulu se battre, faire parler la poudre (A. Daudet,Contes lundi, 1873, p.170).Les Bédouins du désert, de tous côtés, parurent, Deux tribus, qui semblaient depuis longtemps dormir, Venaient de relever l'étendard de l'Émir Et voulaient de nouveau faire parler la poudre (Coppée,Poés., t.3, 1887, p.81). Rem. On relève également un empl. de parler avec un suj. désignant une arme à feu: Pour trouver aujourd'hui des moeurs pareilles [à celles des Italiens au XIIIes.], il faudrait visiter les placers de San Francisco; là, sur la première provocation (...) le revolver parle (Taine, Voy. Ital., t.2, 1866, p.99). 4. Région. (Canada). Ça parle au diable, au maudit, au sorcier. ,,C'est stupéfiant, ça me dépasse, je n'aurais jamais cru ça`` (Canada 1930). II. − Empl. trans. indir. A. − Parler de qqn/qqc. 1. Qqn parle de qqn/qqc. a) Prononcer des paroles, tenir des propos, des discours relatifs à quelqu'un, quelque chose. Parler de sa famille, de ses parents; parler d'un événement; parler d'amour, de littérature; parler de banalités, de niaiseries; parler de ses projets, de ses inquiétudes; parler de choses et d'autres; on ne parle que de çà. J'avais souvent entendu parler de ces femmes qui plongent leurs peines de coeur dans des flots d'encre, et versent sur le papier les trésors de pureté et de grâce que renferme leur imagination (Reybaud,J. Paturot, 1842, p.207).Le colonel disait toujours: «Ma pauvre île,» en parlant de cette Crète qu'il n'avait jamais vue (Vogüé,Morts, 1899, p.299).Je te défends de parler de la jeune fille (Bernanos,Joie, 1929, p.652).−Vous avez déjà entendu parler de l'hôtel Terminus? −Pourquoi? −La Gestapo, mademoiselle, la Gestapo, ça ne vous dit rien? On vous y fait passer un interrogatoire bien senti... (Triolet,Prem. accroc, 1945, p.84). ♦ Vouloir parler de. Faire allusion à. À cette notion du hasard s'en attache une autre qui est de grande conséquence en théorie comme en pratique: nous voulons parler de la notion de l'impossibilité physique (Cournot,Fond. connaiss., 1851, p.42).Nous possédons (...) une expérience historique effrayante, relative à une grande transformation survenue en temps de décadence économique; je veux parler de la conquête chrétienne et de la chute de l'empire romain qui la suivit de près (Sorel,Réflex. violence, 1908, p.126). ♦ Ne pas parler de. Ne pas faire allusion à, passer sous silence, négliger un aspect de la question, du sujet dont il est parlé. «Vous vous plaignez du gouvernement, continua ce jeune homme, ne parlons pas de l'état des choses avant l'époque de sa naissance, et voyons ce qu'il a fait depuis (...)» (Crèvecoeur,Voyage, t.2, 1801, p.330).Ne pourriez-vous pas aller comme de vous-même remettre au geôlier ce petit paquet qui contient quelques louis? (...) Il faut surtout qu'il n'aille pas parler de cet envoi d'argent (Stendhal,Rouge et Noir, 1830, p.452). ♦ En parlant de. S'agissant de. Mais en parlant de morale, comment ne rien dire des religions? Ce serait une affectation déplacée: elle ne tromperait personne (Senancour,Obermann, t.2, 1840, p.181): 10. C'était un bonhomme que Philibert, et qui tenait bien sa place à la mairie... en parlant de mairie, à propos... Honoré se méprit sur le sens de cet à propos... il prévint: −Je t'ai déjà dit que je ne veux pas être maire ni seulement adjoint. C'est déjà trop d'être conseiller.
Aymé,Jument, 1933, p.52. ♦ Sans parler de. Indépendamment de, sans tenir compte de. La force comique suppose un caractère au moins insouciant; mais on auroit tort de pousser cette force jusqu'à braver la pitié; l'art même en souffriroit, sans parler de la délicatesse (Staël,Allemagne, t.3, 1810, p.192).Il y a là deux femmes charmantes, sans parler de la maîtresse de la maison (Bernstein,Secret, 1913, ii, 6, p.20).Vous avez mis toute une brassée de bois vert sur le feu, vous allez complètement le tuer! sans parler de la fumée noire que ça fait (Claudel,Soulier, 1944, 1repart., 2ejournée, 8, p.1021). ♦ Iron. Parlons-en (!). [Indique le peu de cas que le locuteur fait de qqn ou de qqc.] Ah! oui, parlons-en, de tes qualités domestiques... (Crémieux,Orphée, 1858, i, 5, p.44).Le pays n'est plus reconnaissable; la ville est maussade, et quant aux habitants, parlons-en! des gens vaniteux et mal élevés (Theuriet,Mariage Gérard, 1875, p.43).−Arthur, l'amour c'est l'infini mis à la portée des caniches et j'ai ma dignité moi! que je lui réponds. −Parlons-en de toi! t'es un anarchiste et puis voilà tout! (Céline,Voyage, 1932, p.13). ♦ En parler (bien) à son aise. [Indique que le locuteur considère que son interlocuteur parle de qqc. qui ne le concerne pas directement ou personnellement] C'est trop fort à la fin! Vous disposez de moi, là! Vous y allez...! Vous y allez !... (Brusquement). Je ne me battrai pas! (...) C'est vrai ça! «L'épée; le pistolet!» Vous en parlez à votre aise!... (Feydeau,Dame Maxim's, 1914, iii, 17, p.71).L'on me reproche ma démarche oblique... Mais qui ne sait, lorsqu'on a vent contraire, que force est de tirer des bordées? Vous en parlez bien à votre aise, vous qui vous laissez porter par le vent (Gide,Journal, 1946, p.287). ♦ Cela ne vaut pas, cela n'est pas la peine d'en parler. C'est une chose sans importance, insignifiante. −Il mange donc votre homme extraordinaire? −Ma foi, s'il mange, c'est si peu, que ce n'est point la peine d'en parler (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.582). ♦ N'en parlons plus. [Indique un refus de la part du locuteur, la volonté du locuteur de couper court à tout commentaire] Laissons cela; c'est une affaire entendue. Eh bien! me dit Brigitte, nous passerons la nuit ici; aussi bien, je suis fatiguée. Ce rocher est un lit un peu dur; nous en ferons un avec des feuilles sèches. Asseyons-nous et n'en parlons plus (Musset,Confess. enf. s., 1836, p.254).Eh bien donc, puisque c'est impossible, n'en parlons plus (Erckm.-Chatr.,Ami Fritz, 1864, p.198).Arsène, l'imagination t'a perdu, c'est mon idée, tu ne m'enlèveras pas ça de la tête. Enfin, vrai ou pas vrai, je te pardonne, n'en parlons plus. −N'en parlons plus! bon Dieu de bon Dieu! mais puisque c'est d'en parler qui me fait du bien! (Bernanos,M. Ouine, 1943, p.1437). ♦ Parler de la pluie et du beau temps. Tenir des propos sans importance. Honorine: Mais non, il ne me l'a pas dit, mais quand je le rencontre, il ne me dit plus rien. Claudine, même jeu: Il ne te parle plus? Honorine: Il me parle de la pluie et du beau temps, mais de la petite plus un mot! (Pagnol,Fanny, 1932, i, 2etabl., 3, p.74).Il parla de la pluie et du beau temps avec sa voix traînante et monotone, poli, mais distrait (Triolet,Prem. accroc, 1945, p.136). ♦ Fam. Tu parles, vous parlez de, d'un(e)... [Marque la surprise l'irritation, l'admiration du locuteur] −(...) Dis donc, t'as entendu, c'te nuit, l'attaque? Mon vieux, tu parles d'un bombardement qu'ils ont balancé. Quelque chose de soigné comme décoction! (Barbusse,Feu, 1916, p.12).C'est malheureux de voir un tacot pareil! de Bayonne ici, quatre heures, quatre et deux font six. Six heures pour 180 kilomètres, vous parlez d'une moyenne! les gars du tour de France font mieux... (Bernanos,Crime, 1935, p.861).Tu parles, vous parlez si..., comme... Tu penses bien, vous pensez bien que. «... Vous pouvez vous mettre en grève: j'ai de l'argent, je prendrai des mois de vacances que j'irai passer sur la Côte d'Azur.» Tu parles s'ils en ont fait une, de bouille! (Aragon,Beaux quart., 1936, p.259).Vous parlez s'il a encore été question de la relève! Ah! nom de Dieu de nom de Dieu! On n'a pas idée d'être déveinards à ce point-là! (Romains,Hommes bonne vol., 1938, p.36).Absol. [Marque l'incrédulité, le désaccord, la réprobation du locuteur] Pour Heredia, je suis un paresseux. (Tu parles!) (Valéry,Corresp.[avec Gide], 1899, p.366).Goethe eut le sentiment qu'il avait encore bien des choses à apprendre. «De ce jour, clama-t-il, magnifiquement, selon les habitudes de son génie, commence une époque nouvelle!» Tu parles! par la suite, comme le système était excellent, on se mit à fabriquer des héros en série, et qui coûtèrent de moins en moins cher, à cause du perfectionnement du système (Céline,op.cit., p.88).[Marque l'approbation du locuteur, le fait qu'il renchérit sur ce qui vient d'être dit] −Dans les premiers temps, c'était franc, mon vieux. Y en avait, j'l'ai vu, qui collaient leurs musettes et même leur armoire dans une voiture de gosse qu'i's poussaient sur la route. −Ah! tu parles! c'était l'bon temps d'la guerre! Mais on a changé tout ça (Barbusse,Feu, 1916, p.198). ♦ Proverbes. Il ne faut pas parler de la corde dans la maison d'un pendu. V. corde II A loc.Quand on parle du loup*, (on en voit la queue). − En partic. Faire un exposé, un cours, une conférence sur quelqu'un, quelque chose. M. d'Arlincourt (...) venait demander à Michaud d'en parler [de son dernier ouvrage] de manière à faire sentir au public tout ce qu'il y avait de profond, de délicat dans cette conception (Delacroix,Journal, 1854, p.190). − P. ext. S'exprimer par écrit sur tel ou tel sujet, traiter une question par écrit. Un article où l'on parle de littérature. Vous oubliez donc le passage où Pline L'Ancien parle de la bibliothèque de Carthage et des trésors qui y étaient entassés? (Benoit,Atlant., 1919, p.153).En juillet, dans une lettre à l'archiduc: il parle de l'état de sa poitrine (Brustzustand), qui ne s'améliore pas, malgré les soins médicaux (Rolland,Beethoven, t.1, 1937, p.84).Ailleurs, Bergson parle du singulier obstacle qu'opposent au poète les mots, où s'évanouit sans recours l'essentiel de la pensée (Paulhan,Fleurs Tarbes, 1941, p.66). ♦ [P. méton., le suj. désigne un écrit] Traiter de, avoir pour sujet. De quoi çà parle (fam.). Il est vrai que le texte parle d'un homme, et non d'un autre mammifère (Ménard,Rêv. païen, 1876, p.210).Les journaux parlaient souvent d'une dette qui était due à la société. Il fallait, selon eux, la payer (Camus,Étranger, 1942, p.1200). b) [Empl. laudativement ou péjorativement] Tenir des propos, faire des commentaires favorables ou défavorables sur quelqu'un ou quelque chose. Des gens dont on parle; parler en bien de qqn; parler mal de qqn. Cette année-là, le milieu du salon carré était occupé par un gigantesque chameau, produit d'un artiste célèbre dans l'école coloriste et modérément chevelue. Tout le monde parlait de ce chameau, s'extasiait sur ce chameau (Reybaud,J. Paturot, 1842, p.248).Une dame, se détachant du groupe, vint à nous et ma mère me dit rapidement: −C'est madame de Chambrun!... sois polie... j'avais beaucoup entendu parler de la comtesse de Chambrun, et je la regardais avec une curiosité amusée (Gyp,Souv. pte fille, 1928, p.221).Je pense: «Il a donc remporté un succès, on parle donc beaucoup de son oeuvre en ce moment?» (Larbaud,Journal, 1934, p.292). ♦ Faire parler (de soi). Se faire remarquer (en bien ou en mal). Avant tout, ne dois-je pas faire parler de moi pour arriver? (Balzac,C. Birotteau, 1837, p.99).C'est le plus insignifiant et le plus borné des princes de la famille impériale. Avec cela vaniteux au possible; il se met partout en avant et veut absolument faire parler de lui (Barrès,Cahiers, t.11, 1917, p.243).Je lui parlais des ravages faits chez les artistes de vocation imparfaite par le besoin de «vivre hors d'eux-mêmes», dans l'opinion du public, −d'où: manie de faire parler de soi, d'attirer les regards, −d'où l'oeuvre faussée en vue de ce résultat (Larbaud,Journal, 1934, p.300).En partic., péj. Personne qui fait beaucoup parler d'elle. Personne dont on dit beaucoup de mal (notamment à propos de sa vie privée). Une malheureuse femme, habitant une ville de France au-dessous de vingt mille âmes, et qui a fait parler d'elle (...) n'est plus engagée à aucun des bals qui se donnent dans sa petite ville (Stendhal,Corresp., 1832, p.89): 11. «Faire parler d'elle», cette expression qui dans tous les mondes est appliquée à une femme qui a un amant, pouvait l'être dans le Faubourg St-Germain à celles qui publient des livres, dans la bourgeoisie de Combray à celles qui font des mariages, dans un sens ou dans l'autre «disproportionnés».
Proust,Temps retr., 1922, p.955. ♦ Entendre parler de qqn, de qqc.; ne pas vouloir en entendre parler. V. entendre I A 2 a. ♦ Il en sera parlé, on en entendra parler; croyez-moi, on en parlera. Cela fera du bruit. ♦ On en parle. Cela fait du bruit; péj., cela fait du scandale. Qui donc m'empêcherait d'envoyer au journal une petite note là-dessus? eh! mon dieu! un article circule..., on en parle..., cela finit par faire la boule de neige! (Flaub.,MmeBovary, t.2, 1857, p.11). c) Parler de + subst. (sans art.).Employer tel ou tel terme, telle ou telle notion. Quand je parle d'antiquité, j'entends la sainte antiquité, car il y en eut une malade et délirante (Joubert,Pensées, t.1, 1824, p.400).On parle sans cesse de liberté, de droit de réunion, de droit d'association. Rien de mieux, si les intelligences étaient dans l'état normal (Renan,Avenir sc., 1890, p.355): 12. Quand je parle d'hallucinations, il ne faut pas prendre le mot dans son sens le plus strict. Une nuance très-importante distingue l'hallucination pure, telle que les médecins ont souvent occasion de l'étudier, de l'hallucination ou plutôt de la méprise des sens dans l'état mental occasionné par le haschisch.
Baudel.,Paradis artif., 1860, p.366. d) Parler de + inf./subst. (sans art.).Annoncer, d'une manière plus ou moins précise ou vague, l'intention, la possibilité de faire quelque chose, d'agir d'une certaine façon. Parler de partir, de voyager; parler de mariage, de se marier. Dans cette querelle, le premier mouvement de Fabrice fut tout à fait du XVIesiècle: au lieu de parler de duel au jeune genevois, il tira son poignard et se jeta sur lui pour l'en percer (Stendhal,Chartreuse, 1839, p.74).Quand revenez-vous? voilà ce que j'ai cherché dans votre épître. Mais vous ne parlez pas de retour (Flaub.,Corresp., 1872, p.336). 2. Qqc. parle de qqn/qqc. a) [Le suj. désigne une partie du corps, le regard] Exprimer (quelque chose). Il est vrai que les yeux d'Émile étaient fort éloquents (...) habitués à parler d'amour, ils s'exprimaient si bien, qu'en peu de temps il fallait leur répondre ou cesser de les regarder (Kock,Zizine, 1836, p.170). b) [Le suj. désigne une réalité matérielle] Signifier (quelque chose), évoquer (quelque chose ou quelqu'un). Ce pont abattu, les piles écroulées s'entassant des deux côtés en monceaux de pierres blanches, les cordages de fer trempant dans l'eau, tout cela faisait sur l'horizon comme une grande déchirure qui parlait d'invasion (A. Daudet,R. Helmont, 1874, p.65).Je revis la grande cour sèche, le préau, la classe vide... tout parlait du grand Meaulnes. Tout était rempli des souvenirs de notre adolescence déjà finie (Alain-Fournier,Meaulnes, 1913, p.306): 13. ... de tous côtés je vois des collines d'inégales hauteurs couvertes de bouquets d'arbres plantés par le hasard, et que la main de l'homme n'a point encore gâtés et forcés à rendre du revenu (...). Tout est noble et tendre, tout parle d'amour, rien ne rappelle les laideurs de la civilisation.
Stendhal,Chartreuse, 1839, p.23. B. − Parler à/avec qqn/qqc. 1. Qqn parle à/avec qqn/qqc. a) Converser, s'entretenir avec quelqu'un. Synon. causer (pop. et fam.), deviser (littér.), dialoguer, conférer.Parler longuement à, avec qqn.; on vous parle (au téléphone). Le mardi, vers les dix heures, la jolie Sara s'en retourna chez sa maîtresse. Après son départ, la mère monta chez moi. «J'ai à vous parler, » me dit-elle (Restif de La Bret.,M. Nicolas, 1796, p.25).S'il avait osé parler librement à Honoré, il lui aurait dit que des enfants de bonne famille ne jouent pas à s'entre-regarder l'intérieur des cuisses, comme faisaient Gustave et Clotilde (Aymé,Jument, 1933, p.109): 14. ... tout cela ne faisait que rendre plus nécessaire de parler enfin sérieusement à Albertine afin de ne pas agir indélicatement, et puisque j'étais décidé à me consacrer à son amie, il fallait qu'elle sût bien, elle, Albertine, que je ne l'aimais pas.
Proust,Sodome, 1922, p.1113. b) Adresser la parole à quelqu'un. Parler à un inconnu, à un passant; parler à l'oreille de qqn; répondez quand on vous parle; à qui voulez-vous parler?; parler à la cantonade; parler sans ambages à qqn; parler d'homme à homme à qqn (v. homme II A 1 d). Je dis, d'un ton très sec, et, en même temps, très noble: −Monsieur se trompe... monsieur croit parler à ses autres femmes de chambre (Mirbeau,Journal femme ch., 1900, p.84).Elle ne sourit qu'à son père. De tous les hommes qui sont à la Rocca, il n'y a que lui devant lequel son visage rayonne. C'est que, lui, il sait parler aux enfants, comme il sait parler au petit peuple, comme il sait parler aux bêtes... (Montherl., Malatesta, 1946, iv, 5, p.518): 15. ... il sortait tous les matins, cachant, sous son imperméable jeté sur le bras, sa boîte de couleurs: il s'agissait de sortir de la pension sans que personne ne lui ait dit, avec ce sourire que les gens prennent pour parler aux amoureux, aux enfants et aux simples d'esprit: «Alors, Monsieur Slavsky, vous partez faire du paysage?» comme ils diraient: «Allez, allez, bécotez-vous, c'est de votre âge!» ou encore: «Allez jouer, c'est un passe-temps pas méchant, amusez-vous...»
Triolet,Prem. accroc, 1945, p.151. ♦ À qui croyez-vous parler? Savez-vous à qui vous parlez? Apprenez à qui vous parlez. [Rappel adressé à un locuteur oubliant la déférence due à la personne à laquelle il s'adresse] Allez, monsieur, rien ne peut vous justifier d'une semblable injustice... Ce que vous venez de faire est affreux. Dufour: Songez-vous à qui vous parlez?... (Guilbert de Pixér.,Coelina, 1801, ii, 8, p.36).Je vous dis qu'il me manque vingt francs, m'sieu!... −M'sieu!... −Après?... m'sieu!... −Apprenez à qui vous parlez, m'sieu! −Je ne demande pas mieux, m'sieu! −Je suis le prince Grégory du Monténégro, m'sieu!... (A. Daudet,Tartarin de T., 1872, p.86). ♦ Moi qui vous (te) parle. [Introd. un récit à la 1repers. en insistant sur la valeur, le poids du témoignage] Je te raconterai, si tu veux, comment, moi qui te parle, j'ai sauvé un chef français (Benoit,Atlant., 1919, p.241).Moi qui vous parle, j'ai connu, peu s'en faut, les bruits et les embarras de Paris, tels que Boileau les décrivait, vers 1660, dans son grenier du palais (A. France,Vie fleur, 1922, p.321).Elle redevint bonne, ronde, humble devant l'ordinaire de sa vie: (...) j'ai vu, me contait-elle, moi qui te parle, j'ai vu neiger au mois de juillet (Colette,Sido, 1929, p.52). ♦ Ne plus parler à qqn. Être brouillé avec quelqu'un, avoir cessé toute relation avec quelqu'un. Synon. ne plus adresser la parole* à qqn.Je ne lui parle plus. ♦ Trouver à qui parler. Trouver quelqu'un capable de répondre aux propos tenus, quelqu'un de compétent dans le domaine dont il est parlé: 16. −Oui, mais Monsieur le comte de Fontaine et sa famille. Hein! celui-là venait sous son nom de Grand-Jacques (...) et Monsieur de La Billardière, qui s'appelait le Nantais, à la reine des roses, avant la grande affaire du treize vendémiaire. C'était alors des poignées de main! (...) −Mets-le, dit Constance. Si Monsieur de La Billardière et son fils viennent, il faut qu'ils trouvent à qui parler.
Balzac,C. Birotteau, 1837, p.189. En partic. Trouver un interlocuteur sachant particulièrement tenir tête, répliquer. Elle ajouta, au bout d'un instant: «Il n'avait pas l'air commode.» «Non! les rouspéteurs devaient trouver à qui parler.» La phrase m'était adressée (Sartre,Nausée, 1938, p.120).Trouver un adversaire particulièrement combatif. Maxence avait donc en face un ennemi redoutable; il trouvait, selon le mot du pays, à qui parler (Balzac,Rabouilleuse, 1842, p.506).Ils disent que le boche s'est déchaîné sur Verdun avec une artillerie infernale (...) qu'il a cru tout casser, tout briser, tout tuer et s'avancer l'arme à la bretelle sur un terrain nettoyé, qu'il a trouvé à qui parler au lieu des morts qu'il pensait fouler (Bordeaux,Fort de Vaux, 1916, p.34).Rem. Trouver à qui parler peut indiquer une mise en garde ou une menace: Daisy: Le voici, monsieur l'inspecteur. L'inspecteur: Voici qui? Daisy: Le spectre! (...) L'inspecteur: Il va trouver à qui parler: c'est quelque complice d'Isabelle qui me prend pour un imbécile! (Giraudoux, Intermezzo, 1933, III, 1, p.164). − Au fig. ou p.métaph. Parler à un mur (v. mur D 3), parler aux rochers (v. rocher1), parler à une souche*, à un sourd*. − Parler à son bonnet*. − Empl. pronom. ♦ réfl. Se parler à soi-même. Elle se parlait à elle-même; elle répéta plusieurs fois d'une voix blanche: −Cela me rappelle quelque chose, mais quoi? (Bernanos,Soleil Satan, 1926, p.103).Je ne lui aurai pas appris ma langue, je ne serai pas parvenu à la toucher avec les mots que j'emploie pour me parler à moi-même (J. Bousquet,Trad. du sil., 1936, p.249). ♦ réciproque. Avoir l'occasion de se parler. Dans la loge, ils ne pourraient se parler, alors que le lendemain même, aux pâturages du duc, ce serait une liberté complète (Montherl.,Bestiaires, 1926, p.481).On se parlait à peine, à voix basse, crainte du surveillant général, de tout l'espionnage des copains (Aragon,Beaux quart., 1936, p.295).Ne plus se parler. Être brouillés. Bien souvent, l'intérêt a divisé les frères; on ne se parlait plus (Ménard,Rêv. païen, 1876, p.217).Dans les derniers temps, le ménage ne se parlait plus (Goncourt,Journal, 1894, p.669). − En partic. S'adresser à un groupe de personnes, à un auditoire. Lamartine disait à Royer-Collard: «Je veux parler à la masse du pays, je veux parler par la fenêtre.» (Barrès,Cahiers, t.5, 1906, p.19).Hitler, sans réelle valeur personnelle, ne serait qu'un jouet entre les mains d'un savant état-major (...) mais ce concile aurait besoin de lui (...) lui seul sachant parler au peuple et l'émouvoir (Gide,Journal, 1943, p.193). − [P. méton. du compl. prép.; le compl. prép. désigne un sens, un sentiment] S'adresser plus particulièrement (à tel sens ou tel sentiment). [Pelletan] me répond, avec cette belle tête qu'il avait, car il ressemble maintenant à Méphistophélès: «Il faut toujours parler à la haine, on est toujours sûr d'être entendu.» (Goncourt,Journal, 1860, p.783).Je n'ai rien à faire de ma raison aussitôt que cette femme parle à mon coeur (J. Bousquet,Trad. du sil., 1935, p.46). Rem. On relève qq. empl. où parler est constr. avec un compl. désignant un animal. Parler à son chat, à un cheval. Entendant la tousserie matinale de Nanon, et la bonne fille allant, venant, balayant la salle, allumant son feu, enchaînant le chien et parlant à ses bêtes dans l'écurie (Balzac, E. Grandet, 1834, p.84). De notre jardin, nous entendions, au sud, Miton éternuer en bêchant et parler à son chien blanc dont il teignait, au 14 juillet, la tête en bleu et l'arrière-train en rouge (Colette, Sido, 1929, p.21). c) P. ext. S'adresser, exprimer sa pensée à quelqu'un en utilisant un moyen autre que la parole, que le langage articulé. Olympia ne disait rien, mais elle parlait à son jeune voisin avec les yeux, avec les pieds, avec les genoux, et cette conversation en valait bien une autre (Kock,Compagnons Truffe, 1861, p.256). ♦ [P. méton. du suj.] Blanche [à dame Bérarde]: (...) Du jour où son regard à mon regard parla, Le reste n'est plus rien, je le vois toujours là (Hugo,Roi s'amuse, 1832, p.402). − En partic. [Le suj. désigne un texte écrit] Ce journal qui parle surtout aux passions a cela de bon qu'il répand les doctrines de la liberté chez des gens qui ne comprennent que par les sens et les passions (Delécluze,Journal, 1827, p.392).On ne devrait jamais oublier le rôle que peut jouer le livre qu'on écrit. Parle-t-il comme il doit à l'inconnu qui l'attend? (Green,Journal, 1945, p.199). 2. Au fig. ou p.métaph. Qqc. parle à qqn/qqc.Signifier quelque chose à quelqu'un, toucher, émouvoir quelqu'un. La gravité qui remplaçait dans la figure de sa soeur la complète innocence qu'il y avait vue à son départ pour Paris, parlait trop éloquemment à Lucien pour qu'il n'en reçût pas une impression douloureuse (Balzac,Illus. perdues, 1843, p.650).[Les femmes] demeurent toujours incapables de comprendre les grands vins, qui parlent seulement au palais des hommes, car le vin parle (Maupass.,Notre coeur, 1890, p.455): 17. ... tout ce qui aura eu du prix pour les êtres de ma race: une vie recueillie dans une maison ancienne où ont vécu avant nous ceux dont nous sommes issus et que nous avons aimés, et d'où ils souhaitent de s'éloigner le moins possible, car c'est là et nulle part ailleurs qu'ils communient à la terre et que les constellations leur sont familières, et que le vent dans les branches leur parle avec une voix humaine.
Mauriac,Nouv. Bloc-Notes, 1961, p.239. − [P. méton. du compl. prép.; le compl. prép. désigne un sens, une faculté] Faire une forte impression sur. Les femmes aiment la musique parce qu'elle parle aux sens (Chênedollé,Journal, 1811, p.55).C'est peut-être la nouvelle de ce départ qui a parlé à la petite imagination de Mademoiselle (Claudel,Père humil., 1920, iii, 1, p.530): 18. ... il y avait un spectacle qui parlait plus vivement à l'âme de Fabrice du clocher, ses regards plongeaient sur les deux branches du lac à une distance de plusieurs lieues, et cette vue sublime lui fit bientôt oublier toutes les autres; elle réveillait chez lui les sentiments les plus élevés.
Stendhal,Chartreuse, 1839, p.156. − En partic. [Le suj. désigne un mot ou une expr.] Montesquieu, dans les Lettres persanes, est plein de ces expressions neuves et vives, qui parlent à l'imagination, et qui se font applaudir et accepter (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t.9, 1854, p.355). C. − Parler de qqn/qqc. à/avec qqn 1. Qqn parle de qqn/qqc. à/avec qqn.Avoir un entretien, une conversation avec quelqu'un sur tel sujet ou sur telle personne. Le chef de bureau, M. Reffre, homme sage à cheveux blancs, consommé dans les affaires, lui dit, même avant de parler de la mort du chef: −Monsieur, j'ai à vous parler de vos affaires; mais s'il vous plaît, nous passerons dans votre chambre (Stendhal,L. Leuwen, t.3, 1836, p.408).N'allez pas me parler de ces deux femmes, qui doivent, en ce moment, coudre côte à côte, dans la salle à manger. Que pensent-elles? Que disent-elles? Ne m'en parlez pas: je n'y ai que trop songé depuis trois jours (Duhamel,Confess. min., 1920, p.212).Je lui parlais d'amour, elle me parlait de ses devoirs; à mes lettres brûlantes jamais elle ne répondit (J. Bousquet,Trad. du sil., 1936, p.162). ♦ Parle-moi de, parlez-moi de qqn/qqc.[Indique l'excellence en laquelle le locuteur tient une chose ou une pers.] Parlez-moi de ça, de cela. Dix-sept heures et demie de sommeil!... c'est magnifique!... parlez-moi des enfants élevés en province!... à la bonne heure!... ça mange, ça dort... c'est bâti à chaux et à sable!... ça n'est pas nerveux... (Gyp,Souv. pte fille, 1928, p.219).Il recommençait de rêver tout haut: −Parlez-moi de l'Asie, disait-il. Les fleuves y sont si longs, ils traversent tant de peuples qu'ils changent trente fois de noms avant d'arriver à la mer (Duhamel,Suzanne, 1941, p.231). ♦ Ne me parle/parlez pas/plus de qqn/qqc.[Indique l'agacement du locuteur, son mépris, son refus de prendre en considération qqc.] De grâce, ne me parlez plus de ces gens-là: c'est bien assez de voir le juge et l'avocat (Stendhal,Rouge et Noir, 1830, p.475).Ah! tenez, ajouta le comte d'un ton méprisant, ne me parlez pas des européens pour les supplices, ils n'y entendent rien et en sont véritablement à l'enfance ou plutôt à la vieillesse de la cruauté (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.494).Je me sentais traquée: (...) son intonation admirative me faisait brusquement peur. −Allez-y si vous voulez, mais ne me parlez plus de tout ça, par pitié! (Sagan,Bonjour tristesse, 1956, p.172).Ne m'en parle/parlez plus! Rouquerolle: Tiens, vous avez des loups? Fourchevif: Ne m'en parlez pas! L'hiver dernier, ils ont mangé seize moutons (Labiche,Fourchevif, 1859, p.418).−Alors, c'est un grand déjeuner? −Oh! Monsieur Jacques, ne m'en parlez pas, voyez-vous. Je ne tiens plus debout (Miomandre,Écrit sur eau, 1908, p.97). − Empl. pronom. ♦ réfl. Gilbert aurait mieux fait de quitter la ferme. Il s'en était parlé à lui-même, deux ou trois fois. Mais la volonté lui avait manqué (R. Bazin,Blé, 1907, p.291). ♦ réciproque. Elle avait vu Poëri et la jeune israélite assis l'un près de l'autre et les mains enlacées, se parlant d'amour (Gautier,Rom. momie, 1858, p.288).C'est peut-être un ami à eux... ils doivent se parler de la mère (Céline,Voyage, 1932, p.136). 2. Qqc. parle de qqn/qqc. à qqn.Évoquer. Dans le silence des ruraux, nous écoutons un long cri contenu qui est celui des coeurs séparés et qui nous parle de la mer sous le soleil de midi, de l'odeur des roseaux dans le soir, des bras frais de nos femmes (Camus,État de siège, 1948, 2epart., p.249): 19. J'entends dans la rue un cornet à bouquin. C'était une musique pour moi, il y a bientôt quatorze ans, une musique qui me parlait de bal masqué, qui me mettait dans les jambes des démangeaisons de danse furibonde, de nuits de gymnastique. Aujourd'hui, il me semble un bruit mort, étrange, qui ne me parle plus de rien.
Goncourt,Journal, 1861, p.882. ♦ [P. méton. du compl. prép.; le compl. prép. désigne un sens, une faculté] Il sait encore tirer de cette vérité et de cette harmonie combinées un chant de splendeur et de mélancolie: la splendeur y parle à l'esprit du règne classique de la raison; la mélancolie chuchote au coeur la fuite irrémédiable et romantique des instants précairement intenses (Huyghe,Dialog. avec visible, 1955, p.148). III. − Empl. trans. A. − Qqn parle qqc. 1. a) [Le compl. désigne une lang.] Employer telle ou telle langue pour s'exprimer. Parler argot, parler (l')anglais; parler plusieurs langues. Un enfant, avant d'entendre et de parler la langue de ses pères, a sans doute des signes particuliers qui lui servent à se représenter les objets de ses besoins, de ses plaisirs, de ses douleurs; il a sa langue (Cabanis,Rapp. phys. et mor., t.1, 1808, p.61).Vous êtes de la cour, et parlez comme vous voulez, avec pleine licence et liberté entière. Nous, gens de village, sommes tenus de parler français, pour n'être point repris (Courier,Pamphlets pol., Au réd. La Quotidienne, 1823, p.205). Rem. 1. Lorsque le compl. désigne une lang. déterminée, l'art. peut être supprimé (supra ex.). 2. On relève la constr. qqn parle qqc. à qqn. Je parle au peuple la langue du peuple!... (Sardou, Rabagas, 1872, ii, 5, p.65). Les femmes savent parler aux enfants la seule langue qu'ils puissent comprendre (Ménard, Rêv. païen, 1876, p.200). ♦ Empl. pronom. à sens passif. [Le suj. désigne une lang. donnée] Être parlé. Le français se parle. (Dict.xixeet xxes.). − En partic. Savoir telle ou telle langue, pouvoir s'exprimer en telle ou telle langue. Le marquis mourrait de chagrin et d'ennui s'il était une journée sans le voir, d'autant que Stephen sait à peu près le français et que lui ne parle pas un mot d'allemand (Karr,Sous tilleuls, 1832, p.200).Nous pouvons parler plusieurs langues, mais l'une d'elle reste toujours celle dans laquelle nous vivons. Pour assimiler complètement une langue, il faudrait assumer le monde qu'elle exprime et l'on n'appartient jamais à deux mondes à la fois (Merleau-Ponty,Phénoménol. perception, 1945, p.218). − Au fig. ♦ Parler chinois. V. chinois II B 4 a. ♦ Parler français. S'exprimer de façon compréhensible, claire; s'exprimer correctement. J'avais cru que cinquante années de classe vous ôteraient cette odieuse manie de latinité, qui vous rend insupportable. Ne sauriez-vous laisser là ces sottises, et parler français comme tout le monde? (Toepffer,Nouv. genev., 1839, p.219).−Eh bien! c'est entendu, Gabrielle, vous serez Esther... Je demande: −C'est-y des tableaux vivants?... −Parlez donc français −dit Madame Garabis agacée −... (Gyp,Souv. pte fille, 1928, p.167).Loc. fam. Parler le français comme une vache espagnole. V. espagnol A expr. ♦ Parler hébreu. V. hébreu B 1. ♦ Parler le même langage. Se comprendre, envisager les choses du même point de vue. Je vois dès les premiers mots que nous ne parlons pas la même langue, puisque je parlais de noms de l'aristocratie et que vous me citez les plus obscurs des noms des gens de robe, de petits roturiers retors (Proust,Prisonn., 1922, p.234). ♦ Parler le langage + adj. ou compl. prép. de. S'exprimer, considérer les choses d'une certaine façon. Parler le langage de l'amour, de la raison (infra 2 b ex. de Renan). Si l'on veut parler un langage physiologique, il n'y a pas de raison que les liaisons de l'écorce aux centres sous-corticaux, cérébelleux et bulbaires soient à sens unique (Mounier,Traité caract., 1946, p.223). − P. ext. [Le compl. désigne un lang. autre que le lang. articulé] Parler le langage des sourds, des fleurs, de la musique. Comme des sourds-muets parlant dans une gare Leur langage tragique au coeur noir du vacarme Les amants séparés font des gestes hagards (Aragon,Crève-coeur, 1941, p.24). ♦ P. anal. Je veux que chacun des arts parle le langage qui lui est propre, au lieu de bégayer dans une langue étrangère (Alain,Propos, 1921, p.230). b) [P. oppos. à chanter ou déclamer] Dire sur le ton de l'élocution, sur le ton de la parole. Car après avoir presque «parlé»: «Les escargots, ils sont frais, ils sont beaux», c'était avec la tristesse et le vague de Maeterlinck, musicalement transposés par Debussy, que le marchand d'escargots (...) ajoutait avec une chantante mélancolie: «On les vend six sous la douzaine...» (Proust,Prisonn., 1922, p.117). 2. a) [Constr. avec un compl. sans art. désignant ce dont les locuteurs parlent] Avoir une conversation, échanger des propos sur tel ou tel sujet, s'entretenir de. Parler affaires, chiffons*; parler boutique*. Ce très aimable docteur Martin est vraiment un délicat. Je l'ai entendu parler femmes, bouquins, cuisine, et la manière dont il en parle ne peut laisser un doute sur cette qualité distinguée de l'homme (Goncourt,Journal, 1894, p.542).Raoul Dufy est en train d'illustrer sa Terre, −qui est vraiment sa terre au sens campagnard et noble du mot. Ainsi nous avons été amenés à parler campagne, fermiers, tracteurs, etc. (Larbaud,Journal, 1931, p.252).Ne parlons pas haine, parlons politique. Le pape mort, savez-vous qui lui succédera? (Montherl.,Malatesta, 1946, i, 8, p.457). b) [Le compl. indique le point de vue auquel le locuteur se place pour parler] Parler en termes de, le langage de. Parler honneur. Elle se renversa sur un canapé en éclatant de rire à sa traduction. Monsieur, quand cette fille-là riait, il n'y avait pas moyen de parler raison. Tout le monde riait avec elle (Mérimée,Carmen, 1845, p.60).Ne vaudrait-il pas mieux chercher à parler raison et enseigner à tous à parler et à comprendre ce langage? (Renan,Avenir sc., 1890, p.356). B. − P. anal. Qqc. parle qqc.[Le compl. désigne un lang. autre que le lang. articulé] Signifier, manifester (quelque chose) en utilisant un langage particulier. Les étoffes parlent une langue muette, comme les fleurs (Baudel.,Poèmes prose, 1867, p.24).Le blanc du papier qui parle le langage du dessin (Alain,Beaux-arts, 1920, p.286).On entendait (...) les feuillages qui parlaient la langue des arbres (Giono,Que ma joie demeure, 1935, p.231).Le ciel était d'un bleu profond et les étoiles parlaient ce langage que les mots ne peuvent rendre, mais qui me troublera toujours, parce qu'il s'adresse en moi à ce qu'il y a de plus vrai (Green,Journal, 1942, p.270). REM. 1. Parlerie, subst. fém.,rare. Bavardage, discours abondant et vide. Synon. parlage.[Manon] a fait plus pour la cause, hier soir, que trois mois de parleries de ces messieurs (La Varende,Man' d'Arc, 1939, p.135).Ponge s'est aperçu qu'on ne pouvait creuser longtemps les mots à vide; il s'est détourné de la grande parlerie surréaliste qui a consisté pour beaucoup à choquer des mots sans objets les uns contre les autres (Sartre,Sit. I, 1947, p.253). 2. Parlophone, subst. masc.Dispositif acoustique situé à la porte d'un immeuble et permettant, avant d'y pénétrer, de se mettre en communication avec l'un de ses occupants. Tous les studios sont livrés meublés et décorés, cuisine équipée, salle de bains complète, avec ascenseur, chauffage central, parlophone (Le Point, 14 juin 1976, p.120, col.1). Prononc. et Orth.: [paʀle], (il) parle [paʀl̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 937-952 parfait parla (Jonas, éd. G. de Poerck, 21). I. Intrans. A. 1. a) 2emoitié xes. «(en parlant d'une personne) user de sons articulés propres au langage humain» (St Léger, éd. J. Linskill, 161: Am las lawras li fai talier Hanc la lingua quae aut in quev [...] Hor a perdud don deu parlier); 1174-76 (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 71: Li müet i parolent, li surt i unt l'oïe); b) ca 1100 «s'exprimer à l'aide de ces sons» (Roland, éd. J. Bédier, 3784: Ben set parler [Pinabel] e dreite raisun rendre); 1174-87 trop parlanz, bien parlanz (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 1647, 7721); 1641 loc. généralement parlant (Descartes, Méditations, vieds OEuvres, éd. A. Bridoux, p.325); 2. spéc. a) fin xes. faire «connaître sa volonté par une déclaration, un discours, en vue d'être entendu, obéi» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 106: [Jesus li bons] Tan dulcement pres a parler [...] A cel sopar un sermon fiz); ca 1100 (Roland, 426; 675; 752); b) 1174-76 «s'entretenir, conférer, échanger des avis avec quelqu'un» (Guernes de Pont-Ste-Maxence, op. cit., 1781: Dunc alerent ensemble li evesque parler); c) 1646 «faire connaître, révéler ce qui devrait être tu» (Corneille, Héraclius, II, 1: Vous êtes fille, Eudoxe et vous avez parlé); 3. accompagné d'un compl. d'obj. indir. parler de a) fin xes. de aucune rien (Passion, 452: De regnum Deu semper parlet [Jesus]); b) ca 1100 d'aucun (Roland, 522: De Carlemagne vos voeilloïr parler); 4. avoir une conversation avec quelqu'un a) parler ab, a «avec» fin xes. (Passion, 260: Ab les femnes pres a parler; 402: Si parlet a las femnes, dis); ca 1050 (St Alexis, éd. Chr. Storey, 448: Set a mei sole vels une feiz parlasses); ca 1100 (Roland, 369: Par grant saveir parolet li uns a l'altre); b) ca 1165 parler de... a (Benoît de Ste-Maure, Troie, 5542 ds T.-L.); 1174-76 (Guernes de Pont-Ste-Maxence,op. cit., 1786). B. S'exprimer par écrit. Traiter d'un sujet 1. ca 1050 en parlant d'un auteur (St Alexis, 15); 2. 1174-87 en parlant d'un écrit «traiter, disserter de» (Chrétien de Troyes, op. cit., éd. F. Lecoy, 6289); ca 1208 (Geoffroi de Villehardouin, Conquête de Constantinople, éd. E. Faral, 8); ca 1260 letre bien parlant (Récits d'un Ménestrel de Reims, 229 ds T.-L.). C. P. anal. 1. ca 1050 le sujet est une statue figurant une personne (St Alexis, 183: Est vus l'esample par trestut le païs, Que cele imagine parlat pur Alexis); 2. ca 1100 un animal (Roland, 2559: Cascun [ours] parolet altresi cume hum); ca 1180 (Marie de France, Fables, 51, 18 ds T.-L.); 3. 1634-36 un instrument de musique tuiau [d'orgue] qui parle bien (Mersenne, 1. 6 ds Rich. 1680). D. 1. 1556 le sujet est une chose à laquelle on prête un langage, une signification (Ronsard, Nouvelle continuation des ,,Amours``, Sonet, 12 ds OEuvres, éd. P. Laumonier, t.7, p.254: icy toute chose ayme, Tout parle de l'amour, tout s'en veult enflammer); 1680 armes parlantes (Rich.); 1633 fig. (Bertaut, OEuv., p.603 ds Gdf. Compl.: Leur vie est un parlant exemple); 2. 1665 une abstraction à laquelle on prête une faculté d'expression «s'imposer, commander» (Racine, Alexandre, I, 2: Et, quand la gloire parle). E. 1661 «s'exprimer par un moyen naturel autre que la parole» (Molière, D. Garcie, I, 1: Un soupir, un regard, une simple rougeur, Un silence est assez pour expliquer un coeur: Tout parle dans l'amour); 1654 part. prés. adj. parlant (Perrot d'Ablancourt, Lucien, De la danse ds Littré: [en parlant d'un pantomime] cet homme avoit le corps et les mains parlantes). II. Trans. A. parler mot «dire un mot» fin xes. (Passion, 478: De Crist non sabent mot parlar [Li soi fidel]); ca 1180 [en parlant d'un oiseau] parler les matinees «dire les matines» (Marie de France, Fables, 56, 7 ds T.-L.). B. Employer pour s'exprimer dans telle ou telle langue fin xes. (Passion, 459: Lingues noves il parlaran et dïables encalceran); ca 1200 savoir parler latin et roman (Aiol, 276 ds T.-L., s.v. latin); 2emoitié xiiiparler Franchois (Antéchrist, I, 3 ds T.-L., s.v. françois). C. Aborder, traiter tel ou tel sujet [avec un compl. sans art.] 1remoitié xiies. parler pais [pacem loqui] (Psautier de Cambridge, 27, 3, ibid.); 1613 (Régnier, Satires, XV, 58, éd. G. Raibaud, p.200: Et sans parler curé, doyen, chantre ou Sorbonne). D. p.ell. 1672 parler Vaugelas (Molière, Femmes savantes, II, 7). E. Prononcer, dire sur le ton de la conversation 1768 (Voltaire, Lettre à d'Argental, 18 nov. ds Corresp. éd. Th. Besterman, t.34, p.141: C'est une tragédie [Les Guèbres] qu'il faut plutôt parler que déclamer). Du lat. chrét. de basse époque parabolare (dér. de parabola, v. parole), relevé dans des textes jur. et hagiographiques tardifs (678-79 «parler» Visio S. Baronti; 853 «conférer ensemble» Capit. miss. Silvac. ds Nierm.). Ce verbe a éliminé les class. loqui grâce à sa forme plus étoffée et à son sens plus concret et fabulari, v. hâbler. Pour la généralisation des formes faibles (type il parole > il parle), v. Fouché Morphol., pp.13-15, 142. V. aussi R. Chatton, Zur Geschichte der romanischen Verben für ,,sprechen``, ,,sagen`` und ,,reden``, Bern, 1953. Fréq. abs. littér.: 72912. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 93766, b) 99643; xxes.: a) 108012, b) 111726. Bbg. Cornu (J.). Rem. sur l'anc. conjug. du verbe parler. Romania. 1875, t.4, pp.457-460. _Lanly (A.). Morphol. historique des verbes fr. Paris, 1977, pp.130-131. _Muller (Ch.). Dans notre courrier. Fr. Monde. 1965, p.56; Les Verbes les plus fréquents du fr. Fr. Monde. 1974, no103, pp.14-17. _Quem. DDL t.9, 10, 13, 14, 18, 19 (s.v. parlons), 20, 24 (s.v. parlophone). _Schmidt (A.). Die Verbalabstrakta der Wortfamilie parler. Diss. Bonn. 1971, 210 p. |