| PARFAIRE, verbe trans. A. − 1. Vieilli. [Le compl. d'obj. dir. désigne une quantité numérique] Compléter un versement, etc., par des éléments d'appoint. Parfaire un payement, une somme. Je voudrais compléter pour ce mois-ci 24000 fr (...). Pour parfaire ces 24000, il faudrait que mon deuxième versement fût de 12670 fr (Hugo,Corresp.,1873, p.374).Son traitement [du vicaire irlandais] consiste alors en une somme que lui donne le curé (...). Ses parents lui viennent en aide et parfont le reste (Bourget,Ét. angl.,1888, p.56). − DR., vx. Parfaire le juste prix. ,,Réparer la lésion, le dommage qu'a éprouvé le vendeur d'un immeuble. L'acquéreur a été condamné à délaisser la maison, si mieux il n'aimait en parfaire le juste prix`` (Ac. 1835-1935). 2. [Le compl. d'obj. dir. désigne un espace, un volume] Porter quelque chose à sa plénitude, donner le maximum d'ampleur à. Synon. arrondir, augmenter; anton. diminuer, réduire.Il eût donc fallu que Louis XIV (...) abandonnât le traité de partage (...) et que la France renonçât à parfaire son territoire (Bainville,Hist. Fr.,t.1, 1924, p.240).Des filets de plomb (...) complétés de chaque côté par des interlignes ou des cadrats pour parfaire la justification (E. Leclerc,Nouv. manuel typogr.,1932, p.282). − RELIURE. Parfaire un livre. Ajouter à un livre les feuillets qui lui manquent. Il manque deux feuilles à ce Livre-là, mais le Libraire est obligé de le parfaire (Ac.1798). B. − Mener à son terme un processus, un ouvrage déjà commencé. Synon. achever, finir; anton. amorcer, attaquer.Qu'il [V. Hugo] laisse cette majorité parfaire toute seule ce qu'elle a si bien commencé en livrant à la Prusse Strasbourg et Metz (G. Casse ds Hugo, Actes et par. 3,1876, p.414).Nous ne pouvons raisonnablement supposer que le Seigneur (...) veuille laisser maintenant inachevée son oeuvre. Il la parfera donc, si vous n'y mettez aucun obstacle (Huysmans,En route,t.1, 1895, p.122).L'oeuvre fut de longue haleine (...). L'effort routier de la Monarchie de Juillet vint utilement renforcer celui de la vieille monarchie; et les régimes ultérieurs parfirent la besogne (L. Febvre,La Nationalité,[1926] ds Combats, 1953, p.188). − Empl. pronom. réfl. Mourir dans Homère, dans les tragiques, c'est accomplir le destin de sa vie. C'est en un certain sens et en somme se parfaire (Péguy,Clio,1914, p.216). − DR., vx. Faire et parfaire le procès à/de qqn, parfaire un procès. Mener un procès jusqu'au jugement. (Dict.xixes. et Rob., Quillet 1965). C. − [Avec l'idée de perfection] 1. [Le suj. désigne une pers.] Terminer dans les moindres détails un travail déjà exécuté en grande partie, lui donner les dernières finitions pour qu'il réunisse toutes les qualités souhaitables. Synon. perfectionner, polir; anton. ébaucher, esquisser.Comme complément de haut goût, il se proposait de parfaire ce plat exquis par un léger arrosement de fleur d'oranger (Champfl.,Souffr. profess. Delteil,1855, p.40).L'étude érotique (...) que je voudrais parfaire lentement en y apportant le plus d'art et de haute spéculation philosophique (Goncourt,Journal,1889, p.1070).Cette avidité de tout regarder et de ne rien contempler, de tout faire et de ne rien parfaire, de courir d'occasion en circonstance (Morand,Homme pressé,1941, p.262).V. fignoler ex. de Bloch. − Absol. Synon. de peaufiner.Avec la scie à chantourner on donne la forme voulue, sauf à parfaire avec la râpe demi-douce (Nosban,Manuel menuisier,1857, p.228).Moindres oeuvres de La Comédie Humaine, où la matière, moins sûrement ou moins minutieusement traitée, laissait précisément plus à parfaire (Gide,Feuillets,1921, p.714). 2. [Le suj. désigne gén. une chose] a) Porter quelque chose à un état d'accomplissement idéal, au plus haut degré de valeur possible, par un surcroît de raffinement esthétique, intellectuel, etc. Synon. parachever; anton. corrompre, dégrader.Cela ajoutait à son charme, parfaisait son succès (Vialar,Tournez,1956, p.224).Un peu de musique le soir (...), une conversation familière avec des personnes cultivées parfont une journée bien remplie (Encyclop. éduc.,1960, p.13): . ... c'était pour elle l'instant d'une totale splendeur. Jamais sa chair n'avait été, ni ne serait, en ce moment exact où la jeunesse atteint la pointe de la perfection, où tout concourt à rendre achevée l'image unique que lègue un corps humain (...). La poitrine, haute et mince, les épaules droites, et cette attache exquise des membres au tronc, tout participait à parfaire cette pure statue.
Daniel-Rops,Mort,1934, p.80. b) Faire atteindre l'absolu par un surcroît de biens moraux, spirituels. Le résultat de cette cérémonie est de parfaire le chrétien, de faire descendre en lui l'Esprit-Saint (Théol. cath.t.14, 11939, p.516). − Empl. pronom. réfl. Pour essayer de se parfaire, l'homme tente (...) de se fabriquer un dieu à sa façon et d'accaparer par sa seule force de quoi devenir suffisant (Blondel,Action,1893, p.304). 3. P. iron. Porter quelque chose, quelqu'un au comble de l'imperfection, etc. V. infirmité B ex. de Hugo. − Loc. Pour parfaire (le tout). Pour comble de misère. Je t'écris sur mes genoux dans une chambre en déroute (...). Pour parfaire, une névralgie transcendante m'exaspère (Valéry,Corresp.[avec Gide], 1906, p.407).Pour parfaire le tout, on avait vu les chevaux hérétiques boire dans les bénitiers (Tharaud,Trag. de Ravaillac,1913, p.9). D. − [Par affaiblissement du sens C supra] Améliorer quelque chose de défectueux, de rudimentaire, d'insuffisant, etc., sans prétendre le rendre absolument parfait. C'est un garçon pensif, −qui, n'ayant pas eu beaucoup d'éducation, se préoccupe pourtant de parfaire ce qu'il n'a reçu qu'imparfait du peu de leçons qui lui ont été données (Nerval,Filles feu,Angélique, 1854, p.580).À côté de ses conséquences néfastes (...) le langage hermétique eut, en général, l'avantage de parfaire beaucoup le vocabulaire (Marin,Ét. ethn.,1954, p.6). − Empl. pronom. réfl. Se perfectionner. Il veut sortir de lui-même, se parfaire. Il a l'horreur des gens enfermés dans leur maison et leur profession et dont l'imagination se traîne à terre (Barrès,Cahiers,t.12, 1919, p.10). − Empl. pronom. passif. V. accroître ex. 31. Prononc. et Orth.: [paʀfε:ʀ], (il) parfait [paʀfε]. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug. v. faire. Étymol. et Hist.1. a) 1119 «compléter (p.ex. un compte)» (Philippe de Thaon, Comput, 1986 ds T.-L.); b) 1694 spéc. «ajouter à un livre les feuilles qui y manquent» (Ac.); 2. ca 1140 «achever» (Geoffroy Gaimar, Hist. des Anglais, 6520 ds T.-L.); 1443 oevre ... faicte et parfaicte (L'ouvraige de le fiolle de belfroy, 26 nov. 1443, A. Tournai ds Gdf. Compl.). Empr. au lat. perficere «faire complètement, achever» avec réfection p.assim. à faire*. Fréq. abs. littér.: 133. |