| PARAVENT, subst. masc. A. − 1. Écran à panneaux verticaux articulés se pliant en accordéon, destiné à isoler des regards, à masquer ou aussi à protéger du vent et des courants d'air. (Dé)plier, déployer un paravent; paravent formé de plusieurs feuilles. La bise pénétrait par tous les interstices des croisées et des portes. Les bourrelets, les paravents s'attestaient vains (Huysmans, Oblat, t.1, 1903, p.230).On avait mis un paravent, comme toujours pour cacher les moribonds, en sorte que l'on ne pouvait rien voir: ni le prêtre, ni les soeurs, ni l'agonisant (Benjamin, Gaspard, 1915, p.99). ♦ Comédie de paravent. Le paravent est aujourd'hui à peu près abandonné; on ne s'en sert plus guère que comme toile de fond, dans les théâtres de société, pour jouer quelque proverbe ou petite comédie qui exige peu de mise en scène; de là le nom de comédie de paravent donné quelquefois à ces sortes d'ouvrages dramatiques (Lar. 19e). − Loc. Faire, former (un) paravent. Faire, former (un) écran. Les verdures massives du parc étaient pareilles de couleur aux mousses en laine qui formaient paravent contre la cheminée (Adam, Enf. Aust., 1902, p.331).Petypon, s'élançant instinctivement vers la môme et, de ses deux mains écartant les basques de son habit pour se faire plus large, essayant de lui faire un paravent de son dos (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, ii, 8, p.50). ♦ Au fig. S'il lui faut de l'humilité pour en faire un paravent à sa fierté, qu'il rende la grâce responsable (H. Bazin, Lève-toi, 1952, p.227). ♦ En paravent. À la manière d'un paravent. C'est le gratte-ciel de la General Motors, curieusement déplié en paravent, qui commande l'entrée du Broadway nocturne à la cinquante-neuvième rue (Morand, New-York, 1930, p.256).Subst. plur. + en paravent.Qui rappellent les feuilles d'un paravent. Des oreilles en paravent comme une mule qui voit son ombre (Giono, Baumugnes, 1929, p.67). − En appos. ou en compos. Portefeuille-paravent. Marc visite l'intérieur des cases et m'emmène admirer, dans certaines, une sorte d'épais mur-paravent de terre, légèrement concave et formant dossier surélevé au banc bas qui se dresse face à l'entrée (Gide, Voy. Congo, 1927, p.782).Nous y prîmes un thé fort bon et paisible dans un local dont la pseudo-laque rouge et la pseudo-ornementation du type paravent furent caractérisées par * Z, comme un cubisme japonais (Du Bos, Journal, 1928, p.11). − P. anal. [À propos d'éléments formant obstacle, écran] De ces trous surnommés vallées où l'on ne voit goutte en plein midi, de ces hauts paravents à l'encre appelés montagnes (Chateaubr., Mém., t.4, 1848, p.126).[Les fleurs de la tapisserie] ne firent que me mettre de force au coeur d'une sorte de coquelicot pour regarder le monde, que je voyais tout autre qu'à Paris, de ce gai paravent qu'était cette maison nouvelle (Proust, Guermantes I, 1920, p.89). ♦ Paravent de + subst.Un paravent de montagnes; paravent d'aubépines, de cyprès. Derrière un charmant paravent de murailles (...) de peupliers et de moulins, s'abrite le sordide quartier de Sidi Abdallah et sa prostitution (Tharaud, Fez, 1930, p.19). ♦ INFORM. Pliage accordéon. Paravent. Forme courante sous laquelle se présente le papier en continu utilisé sur tabulatrices et imprimantes (Ging.-Lauret1973). 2. P. anal. a) Paravent (de cheminée, de feu). Écran disposé devant une cheminée. Synon. garde-feu, pare-étincelles.En 1750, (...) Duvaux expédie à Choisy un paravent de six feuilles (...) destiné à prendre place dans la chambre royale. L'année suivante, la marquise de Brancas choisit chez lui [Lazare Duvaux] un «paravent de feu» de trois pieds et demi de haut (Havard1890). b) Contrevent; ,,grand volet de bois qu'on met en dehors des fenêtres aux maisons de campagne, pour défendre les vitres des orages et des vents`` (Chesn. 1858). B. − [P. allus. aux figures grotesques de certains paravents chinois] Chinois, figure de paravent. Petit homme laid, difforme ou ridicule. Où diable avez-vous pêché tous ces originaux-là? (...) On dirait des figures de paravent (Mérimée, Mosaïque, 1833, p.212).Deux pitres, l'un maigre et l'autre obèse, vêtus en chinois de paravent, miaulaient un duo bouffe en agitant les clochettes de leurs chapeaux (Coppée, Contes en prose, 1883, p.199). − En partic. De paravent. Qui rappelle les peintures, les personnages tels qu'on en voit sur les paravents. C'est du barbouillage de paravent; ça tient du torche-cul et du papier de tenture! (Goncourt, Journal, 1855, p.193).Une espèce de personnage principal enluminé avec la crudité criarde des toiles foraines et des peintures de paravent (Hugo, Misér., t.1, 1862, p.935): 1. Il venait encore souvent avec des panneaux sur lesquels étaient lithographiés des sujets de bergeries, des Boucher de paravent, qu'on n'avait plus que la peine de couvrir.
Goncourt, Man. Salomon, 1867, p.107. C. − P. anal. ou au fig. Ce qui sert à protéger, à dissimuler (le rôle véritable joué par une personne, le but de certaines activités); bouclier, subterfuge ou encore couverture. Je vous dis que cette barbe est une providence, un paravent, un asile, un mur (Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p.135).On vous met comme cela, pour les gens, un paravent de paroles en l'air qui vous asperge d'eau bénite (Estaunié, Bonne Dame, 1891, p.271).Car je sais trop que les hautes règles de la justice s'abâtardissent dans l'ordinaire en paravent pour jeux sordides (Saint-Exup., Citad., 1944, p.986).Ayant décidé que ses affaires qui lui fournissaient de si commodes paravents et échappatoires, le réclamaient d'urgence en Angleterre (Arnoux, Roy. ombres, 1954, p.168): 2. L'enlisement dans cette guerre constitue pour nous un si grand malheur, et dans tous les ordres, qu'il m'arrive de penser qu'il eût peut-être mieux valu céder au F.L.N. sur ce point, je veux dire traiter avec lui seul: quelque paravent juridique aurait sauvé la face.
Mauriac, Nouv. Bloc-Notes, 1961, p.326. ♦ Servir de paravent à (une conspiration, une intrigue, des intérêts). Adieu, (...) je ne vous en veux pas, Camille: je vous trouve la plus grande des femmes; mais si je continuais à vous servir de paravent ou d'écran, dit Claude (...) vous me mépriseriez singulièrement (Balzac, Béatrix, 1839, p.143). ♦ Être le paravent de qqn/son paravent. Accepter de jouer aux yeux des autres un rôle d'écran, un rôle fictif. Puis, en suivant le rang dans les loges, les trois frères Hilmann, (...) puis Maicherode, encore un banquier, (...) qui affiche bruyamment cette pauvre Nelly Ferneil, son paravent, et dont la devise, (...) est: «Laissez venir à moi les tout petits enfants» (Lorrain, Phocas, 1901, p.256).Ce pédé loue une nénette comme paravent (Car.Argot1977). − Loc. Derrière le paravent de. Sous le couvert de. Tu retrouveras Esther un peu triste, mais dis-lui d'obéir. Il s'agit de notre livrée de vertu, de nos casaques d'honnêteté, du paravent derrière lequel les grands cachent toutes leurs infamies (Balzac, Splend. et mis., 1844, p.98). Prononc. et Orth.: [paʀavɑ
̃]. Homon. paravant. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. 1599 paravant «meuble constitué d'un ou de plusieurs écrans et destiné à protéger des courants d'air ou des regards» (Inv. de Gabrielle d'Estrées ds Havard); 1617 paravent (Inv. du chât. de Vayres ds Gay); 2. 1834 au fig. «personne (ou chose) qui protège en cachant» (Balzac, E. Grandet, p.19). Empr. à l'ital. paravento, att. au sens 1 dep. le xvies. (d'apr. DEI), propr. «qui protège (para, de parare, v. parer2) du vent (vento)». Fréq. abs. littér.: 266. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 234, b) 412; xxes.: a) 586, b) 357. |