| PARAPLUIE, subst. masc. A. − Abri portatif formé d'un manche (parfois pliant ou télescopique), soutenant une étoffe fixée sur des baleines et utilisé pour se protéger de la pluie. Synon. anc. en-cas; Synon. pop. pébroque, pépin, riflard.La pluie tombe, les voiles des barques sous mes fenêtres sont noires, des paysannes en parapluie passent (Flaub.,Corresp.,1853, p.289).Elle m'attaque au parapluie. Elle me branle des grands coups de riflard en plein dans la tronche. Le manche lui en pète dans la main. Elle fond en sanglots (Céline,Mort à crédit,1936, p.48): 1. Si seulement le parapluie avait été pointu, un «parapluie à aiguille»! S'il avait contenu une épée cachée à l'intérieur, comme la canne de M. Gribiche! Car M. Gribiche voyageait souvent avec de grosses sommes, et devait pouvoir parer au danger des voleurs. Mais le parapluie d'Ernest était en bois et en coton. S'il représentait quelque chose, c'était un affreux principe: soumission à la vie de famille, à la société, et mort de la liberté personnelle.
Jouve,Scène capit.,1935, pp.58-59. SYNT. Grand, immense, large, vieux parapluie; manche, carcasse, baleine(s) de parapluie; parapluie de coton, de taffetas, de soie; parapluie en (tissu de) nylon; faire recouvrir un parapluie; ouvrir, étendre un parapluie; fermer son parapluie; parapluie retourné; ne porter jamais de parapluie; s'abriter sous un parapluie; (tenir) un commerce de parapluies; marchand(e) de parapluies; (le, son) parapluie sous le bras, à la main; un parapluie (mal) roulé dans son étui, dans son fourreau, dans sa gaine. Rem. Leloir 1961 note: ,,Ce n'est qu'au xviiesiècle qu'on eut l'idée d'utiliser les parasols pour se préserver de la pluie en les rendant imperméables (...). Il y avait, à Paris, des loueurs de parapluies pour passer les places et les ponts. Le parapluie est par la suite devenu un des accessoires obligés des deux costumes masculin et féminin``. − [En raison de l'image gén. admise du parapluie symb. du bourgeois au xixeet déb. xxes.] L'architecte examina ce petit vieux avec le plaisir que tout artiste éprouve en voyant une caricature qui confirme ses opinions sur les bourgeois. −Quand on a la tête sous un parapluie, on pense généralement qu'elle est à couvert, s'il pleut, dit l'architecte (Balzac,C. Birotteau,1837, p.224).Il s'agit seulement (...) de brandir ferme, de pointer et d'ouvrir sous l'orage ce parapluie qui va devenir le symbole du règne bourgeois (Arnoux,Roi,1956, p.318): 2. ... étant venu déjeuner une heure et demie en retard et couvert de boue, au lieu de s'excuser, il avait dit: −Je ne me laisse jamais influencer par les perturbations de l'atmosphère ni par les divisions conventionnelles du temps. Je réhabiliterais volontiers l'usage de la pipe d'opium (...), mais j'ignore celui de ces instruments infiniment plus pernicieux et d'ailleurs platement bourgeois, la montre et le parapluie.
Proust,Swann,1913, p.92. − [P. méton.] Sa voiture, qui l'attendait, le mena en deux minutes rue Feydeau, au milieu de ce Paris boueux, dans la bousculade des parapluies et l'éclaboussement des flaques (Zola,Argent,1891, p.302).L'aventure peut paraître d'abord incroyable d'une classe aussi solidement constituée que la Bourgeoisie (...) et qui (...) devient ce ramas de bonnes gens, cette armée de parapluies, qu'un général éreinté promène aujourd'hui de paroisse en paroisse (Bernanos, Gde peur, 1931, p.95). ♦ Parapluie du camelot. Sur la nuit de grosses étoiles poilues tremblotaient, comme, sur le parapluie du camelot près de la Brasserie Universelle, les fausses araignées en laiton (Giraudoux,Suzanne,1921, p.80). − Loc. Vendre dans un parapluie, ,,vendre à la sauvette dans les lieux publics de menus objets (cravates, foulards, bibelots, etc.) présentés à l'intérieur d'un parapluie ouvert et renversé`` (Lar. Lang. fr.). − En partic. ♦ Parapluie (à) canne. C'est là [dans un hôtel de la rue du Mont-Blanc] que je laisse étendu mon parapluie à canne, quand, dans l'hiver, après l'heure de la Bourse, je vais voir mon vieil ami (Jouy,Hermite,t.1, 1811, p.194). ♦ Parapluie (à mât) télescopique ou parapluie de poche. Pour dames, il existe un parapluie en très beau tissu nylon, monture pliante à dix branches et mât télescopique permettant de réduire le parapluie à 32 centimètres et de le porter dans le sac à main (Leloir1961). ♦ Parapluie du pêcheur. Le parapluie du pêcheur doit être vaste et solide pour être de bon usage. (...) il rend des services encore plus appréciés les jours où il fait grand soleil, en accordant de l'ombre. Il est donc indispensable en été comme en hiver (Pollet1970). − Parapluie d'escouade, de l'escouade (arg. milit). Au bleu (...) les loustics font croire que chaque escouade possède un gigantesque parapluie, que le dernier arrivant est chargé de porter (Merlin,Lang. verte troupes,1886, p.51). − En compos. Porte-parapluie*. B. − P. anal. (de forme ou parfois de fonction), usuel et TECHNOL. 1. Abri disposé au-dessus de la plate-forme des anciens tramways et destiné à garantir de la pluie le conducteur et les voyageurs. Les plates-formes d'en bas seront surmontées d'un abri dit parapluie pour préserver le conducteur et les voyageurs [sur le tramway de l'Arc-de-Triomphe de l'Étoile à Suresnes] (Journ. offic.1ersept. 1874, p.6314, 3ecol., ds Littré Suppl. 1877). 2. CIRQUE. Petit chapiteau de cirque ambulant dont la tente est soutenue par un seul mât central. Le cirque (...) était une «petite fosse», recouverte d'un «parapluie» comme on dit en termes du métier, c'est-à-dire d'une tente conique retombant d'un seul mât central (Vialar,Zingari,1959, p.9). 3. BÂT. ,,Charpente provisoire, couverte de tôles ou de bâches, édifiée au-dessus d'un bâtiment dont on répare la toiture pour le protéger des intempéries. En partic. Nom souvent donné aux charpentes supportant une simple couverture, sans bardage sur les côtés`` (Forest. Métall. 1977). ♦ Toit en parapluie. Une construction où s'exercent des poussées, est toujours reliée fortement à son soubassement. Si l'on modifie la direction des quatre éléments, de telle manière que les angles extérieurs s'abaissent, tandis que le milieu s'élève, apparaît alors le toit en parapluie, qui repose sur un seul pilier (Siegel,Formes struct. archit. mod.,1965, p.258). − En partic. Distribution en parapluie. ,,Système de distribution d'eau dans lequel la ceinture principale est reportée à l'étage le plus élevé du bâtiment`` (Lar. Lang. fr.). 4. ÉLECTRON., TÉLÉCOMM. ,,Antenne constituée par un mât central, et une série de fils partant du sommet et répartis sur une circonférence autour du pied du mât. Les fils sont évidemment isolés à leurs bases et du mât, mais tous réunis à leur sommet à la descente d'antenne`` (Électron. 1963-64). 5. FOND. ,,Plaque qui protège les mains du fondeur contre les éclaboussures de métal`` (Duval 1959). 6. HORTIC. Abri destiné à garantir de la pluie les végétaux. On ne fait guère usage des parapluies que dans les jardins botaniques (Dict. d'agric. ds Lar. 19e). 7. MINES. Tôle protectrice recouvrant la benne qui sert à la descente et à la remonte des mineurs; p.méton. la benne elle-même. Dans les mines (...) ils [les ouvriers] se jetèrent pêle-mêle dans le parapluie, et, grâce à Dieu, la montée fut heureuse; ils étaient sauvés (Journ. offic.25 oct. 1869,p.1388, 3eet 4ecol., ds Littré Add. [1872]).La benne est parfois recouverte d'un disque en forte tôle, suspendu à une certaine hauteur et appelé parapluie (Haton de La Goupillière,Exploitation mines,1905, p.1064). C. − Au fig. Ce qui sert à couvrir. 1. S'abriter sous un parapluie; ouvrir le parapluie; avoir parapluie ouvert (vieilli). Dégager ses responsabilités, en s'abritant sous une autorité hiérarchique ou auprès d'un protecteur, prendre toutes les précautions pour se prémunir d'ennuis ou de sanctions. Tout autre que l'ombrelle (...), le parapluie se tient, lui, du côté de l'ombre, du repliement, de la protection (...). S'abriter sous un parapluie est une fuite devant les réalités et les responsabilités. On se dresse sous une ombrelle, on se courbe sous un parapluie. La protection ainsi acceptée se traduit par une diminution de dignité, d'indépendance et de potentiel de vie (Symboles1969).J'ai eu soin de me mettre en règle avec le fisc: j'ai ouvert le parapluie (Lar. Lang. fr.). − P. métaph. Moi-même, pauvre diseur de métaphores, je me sens mal abrité sous le parapluie de la monarchie (Sand, Lettres d'un voyageur, 1835, p.153). ♦ Être, rester un parapluie pour qqn. Un ami, c'est un parapluie Qu'on retrouve dans tous les temps, Et surtout dans les mauvais temps (Labiche,Misanthr. et Auv.,1852, iii, p.143).Il est vert et il saigne du nez (...). Je lui dis: «Alors, connard!» Mais très gentiment. Il est collé à moi comme un pou. Il donnerait maintenant la terre entière pour que je reste son parapluie (Giono,Gds chemins,1951, p.68). 2. Argot a) [À propos d'un proxénète, vis-à-vis de la police] Profession fictive. Synon. couverture, couvrante (arg., pop.).Si le gonce [que les moeurs recherchaient comme souteneur] a pas de parapluie, il se mouille (Dussort,Preuves exist.,1927, dép. par G. Esnault, 1938, p.71).Tout truand a son parapluie: assurances, décoration, export-import... Là-dessous, il «travaille» [J. R.] (Giraud-PamartNouv.1974). b) JEUX. Synon. de baron (v. baron1I B 3).Quand (...) à la poule, à la quille, au billard (...) l'un des adversaires a sur lui un joueur maladroit, il a un parapluie qui le protège contre la perte (Ch. Virmaitre, Dict. arg.,1899, p.149). 3. [Depuis la Seconde Guerre mondiale et dans l'hypothèse d'une agression nucléaire; à propos d'un pays, d'une nation] Puissance nucléaire dont une nation ou un pays protège ses alliés (notamment les États-Unis et l'Union Soviétique). La confiance dans le parapluie atomique ou nucléaire américain. Pour le Premier ministre japonais il est indispensable de maintenir l'alliance avec les États-Unis «On ne sort pas sans un manteau en hiver» dit-il, faisant allusion au parapluie nucléaire américain (Le Nouvel Observateur,24 sept. 1973ds Gilb. 1980).Depuis la Seconde Guerre mondiale, le parapluie atomique, c'est la puissance nucléaire dont les deux Grands protègent leurs alliés: Le dollar et le parapluie atomique, ces deux tentations pour les pays du tiers monde (Giraud-PamartNouv.1974).La confiance dans le parapluie atomique américain dans sa réalité aussi bien que dans sa crédibilité vis-à-vis de l'Union soviétique (Le Monde,11 juin 1976ds Gilb. 1980). REM. Parapluitier, subst. masc.,rare. Personne qui fabrique ou qui vend des parapluies. Mais quoi, hideux amas que je n'ose décrire En croirai-je mes yeux, de loin vous me guettiez, Ô bottiers, papetiers, et vous parapluitiers (Toulet,Vers inéd.,1920, p.209). Prononc. et Orth.: [paʀaplɥi]. Ac. 1718: parapluye; dep. 1740: -pluie. Étymol. et Hist.1. 1622 parapluye «objet portatif servant d'abri contre la pluie» (Tabarin, OEuvres complètes, Préface, Paris, 1858, t.1, p.21); 2. a) 1817 p.anal. fig. «ce qui protège» (Stendhal, Rome, Naples et Flor., t.2, p.268: il fallait ouvrir le parapluie); b) 1963 parapluie atomique (Le Monde, 3 févr., p.4b ds Blochw.-Runk. 1971, p.424); 1964 parapluie nucléaire (L'Humanité, 24 janv., p.3h, ibid.); 3. av. 1933 «chapiteau de cirque à un seul mât» (d'apr. Amis Lex. fr. Ét. lexicogr., 1976, t.3, no14/15, p.23); 1959 (Vialar, loc. cit.). Formé de l'élém. para-2* et de pluie*, sur le modèle de parasol*. Au sens 2 b, cf. l'angl. nuclear umbrella (1973 Times, 9 nov. ds NED Suppl.2, s.v. nuclear). Fréq. abs. littér.: 756. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 423, b) 1460; xxes.: a) 1738, b) 1025. Bbg. Arv. 1963, p.392. _ Chautard Vie étrange Argot 1931, p.451. _ Chesneau (A.). La Notion de «sème dormant». Semiotica. 1974, t.11, no4, pp.335-345. _ Hotier Cirque 1973 [1972], p.64, 167. |