| PALPER1, verbe trans. I. A. − 1. a) [Le suj. désigne une pers. ou un organe du toucher] Toucher (généralement de la main) avec de petites pressions répétées, pour reconnaître, étudier, estimer. Je touchais, je palpais comme un aveugle qui cherche sa route, je palpais des pierres, (...) je lisais les noms avec mes doigts, en les promenant sur les lettres (Maupass.,Contes et nouv.,t.2, Morte, 1887, p.1135).Ils examinaient les fruits, (...) ils palpaient les pulpes, ils en essayaient l'élasticité sous les doigts (Pesquidoux,Chez nous,1923, p.86).Une hache de métal, un vase (...), toutes choses qu'on peut palper et tenir dans sa main, (...) dont on peut éprouver la résistance et tirer par analyse de formes cent données concrètes sur la vie même des hommes (L. Febvre, Examen de consc., [1933] ds Combats, 1953, p.5). b) P.anal. − [Le suj. désigne (une partie d') un animal] Toucher, prospecter (avec certains appendices sensoriels). [Le chat] arrive en ondulant, et sa moustache palpe l'air, et ses oreilles pointues cherchent le bruit dans le silence (Giono,Colline,1929, p.130).V. doute ex. 5, palpe ex. de Cuvier et de Michelet. − [Le suj. désigne une pers. ou une faculté de perception] Discerner, évaluer petit à petit (avec d'autres organes sensoriels que la main). Ô matins de quinze ans (...) Où l'on palpait l'odeur, l'air, l'horizon, les vagues Avec la main qui tremble et l'esprit qui divague (Noailles,Éblouiss.,1907, p.3).Le regard vert [de MmeRezeau] voltige de meuble en meuble, en palpe le bois blanc, s'accroche à la suspension (H. Bazin, Mort pt cheval,1949, p.312). 2. Spécialement a) MÉD. Toucher, presser doucement (certaines parties du corps, avec la main, les doigts) à des fins d'examen médical. Les parois molles et souples de l'abdomen permettent de palper les organes qu'il renferme, et de juger jusqu'à un certain point de leur volume, de leur position, de leur degré de sensibilité, et des productions accidentelles qui peuvent s'y être développées (Laennec,Auscult.,t.1, 1819, p.3).Ce goitre (...) doit être recherché en palpant le cou, s'il n'apparaît pas à la simple inspection (...). Riche en vaisseaux sanguins, il est frémissant quand on le palpe (Quillet Méd.1965, p.476).V. déprimer ex. 1 et orchite ex. − Empl. pronom. réfl. Il se releva à peine étourdi, se palpa, fit jouer ses membres pour s'assurer qu'il n'était pas blessé (Ponson du Terr.,Rocambole,t.3, 1859, p.214). b) Souvent fam. Inspecter manuellement (les effets de quelqu'un) à des fins de vérification policière ou autre. Mes chemises ont eu l'honneur d'être palpées sur toutes les frontières par les agents de tous les gouvernements (...). À Bellegarde, on fouilla nos malles, on voulut aussi palper nos personnes, crainte d'horlogerie (Toepffer,Nouv. genev.,1839, p.360). − Empl. pronom. réfl. Se fouiller, tâter ses vêtements à la recherche de quelque chose. «As-tu de quoi fumer?» reprit Frédéric. Il se palpa, puis retira du fond de sa poche les débris d'une pipe (Flaub.,Éduc. sent.,t.1, 1869, p.41). ♦ Arg., pop. [En exclam. iron.] Tu peux te palper! Synon. tu peux te brosser!/te fouiller!«J'te prends pas en vache; mais tu pourras t'palper pour avoir du rab!», quartier-maître fourrier (ouvrier, nantais, parisianisé), 1918 (Esnault,Notes compl.Poilu [1919] 1957). 3. MAR., vx. Immobiliser la pale des avirons dans l'eau pour ralentir l'embarcation. Faites passer (...) qu'il va falloir palper (...). Les forçats enfoncent les rames dans l'eau et les tiennent immobiles (Aymé,Vogue,1944, p.32). B. − 1. Toucher (de la main) avec de petites pressions insistantes, afin de goûter un certain plaisir sensuel. Synon. caresser, peloter.Que je plains les lettrés (...) qui n'éprouvent pas (...) une certaine délectation physique à toucher de leurs doigts, à palper, à manier une de ces peaux du Levant si moelleusement assouplies [pour la reliure] (E. de Goncourt, Mais. artiste,1881, p.347).Partout (...) l'on rit, on tâte de la fesse et l'on palpe du nichon (Queneau,Pierrot,1942, p.20).V. ébattement ex. 2. Pop., fam. Palper (de l'argent, telle somme, etc.). Percevoir, toucher. Si vous voulez être raisonnable, ne pas vendre cher et palper du comptant, vous pouvez vendre à quelqu'un que je connais (Sand,Meunier d'Angib.,1845, p.85).Quand vous serez député, ce n'est pas nous, n'est-ce pas, qui palperons le traitement? (Estaunié,Vie secrète,1908, p.95). − Absol. Ce pauvre con a filé vingt mille balles à Sézenac pour qu'il lui vende des poèmes de lui (...). Ça ne fait rien, Sézenac a palpé (Beauvoir,Mandarins,1954, p.170). II. − Au fig. A. − Appréhender par l'esprit, sous de multiples angles (une chose lointaine, insaisissable, mal connue) pour mieux comprendre, apprécier. Vous voilà (...) occupé à palper votre coeur, à jeter la sonde dans votre conscience (Dumas père, Monte-Cristo,t.2, 1846, p.483).[Théophile Gautier] a montré les villes, le climat; il a fait toucher et palper la lumière (Sainte-Beuve,Nouv. lundis,t.6, 1863, p.266): . Qu'il est bon de tâter, palper et peloter tout ce qu'on a pensé, observé, ramassé, de savourer du bec, de goûter, regoûter, laisser fondre sur sa langue, déglutiner lentement en se le racontant, ce qu'on n'a pas eu le temps de déguster en paix, tandis qu'on se hâtait de l'attraper au vol!
Rolland,C. Breugnon,1919, p.16. − Empl. pronom. réfl. [Les hommes] n'étaient pas comme vous de maintenant à se palper, à se regarder la conscience, à chercher en eux le premier bout de l'infini (Aymé,Vouivre,1943, p.88). B. − En partic. Appréhender, admettre intellectuellement (un fait, une vérité) grâce à un raisonnement, à des signes irréfutables. Celui qui fait, quoique involontairement, voir et palper à chacun l'ignorance dudit seigneur, est digne de tous les supplices (Courier,Lettre à M. Renouard,1810, p.257). Prononc. et Orth.: [palpe], (il) palpe [palp]. Att.ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist.1. 1488 «toucher avec la main pour connaître» (La Mer des Histoires, I, 123c, édit 1491 d'apr. Vaganay ds Rom. Forsch. t.32, p.119); 2. 1763 «toucher de l'argent» (Mmede Belot, Histoire d'Angleterre cité ds Fér. 1788). Empr. du lat. palpare «tâter, toucher». Fréq. abs. littér.: 407. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 367, b) 570; xxes.: a) 599, b) 707. |