| PALPABLE, adj. I. A. − 1. a) Qui peut être palpé, examiné, estimé avec un organe du toucher (généralement la main). Synon. concret, matériel, réel, tangible; anton. chimérique, imaginaire, immatériel, impalpable, insaisissable, intangible, irréel.Notre préférence naturelle pour les formes palpables et maniables de l'expérience (Teilhard de Ch.,Phénom. hum.,1955, p.102): 1. Chargée d'exprimer les sentiments intérieurs, la peinture n'a pas besoin des trois dimensions, (...) si elle était palpable, elle deviendrait la sculpture. La réalité cubique enlèverait à l'image ce qu'elle a d'essentiellement spirituel...
Ch. Blanc, Gramm. arts dessin,1876, p.481. b) P.anal. Qui peut être discerné, évalué par d'autres organes sensoriels que ceux du toucher. Synon. apparent; anton. imperceptible.Cette ombre poudreuse et de couleur rousse, ombre palpable, chargée de chaleur, d'odeurs confuses (Fromentin,Été Sahara,1857, p.261).L'air gelé devient résistant, palpable tant il fait mal (Maupass.,Contes et nouv.,t.1, Amour, 1886, p.738): 2. Jusque là les théologiens, en s'exerçant sur les substances déliées et subtiles de l'éther ou du feu-principe, n'avaient cependant pas cessé de traiter d'êtres palpables et perceptibles aux sens, et la théologie avait continué d'être la théorie des puissances physiques.
Volney,Ruines,1791, p.280. c) Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui est palpable (supra a et b). Les néo-platoniciens du IIIesiècle et leur maître Plotin, réagissaient eux aussi contre la dictée des sens, contre le culte du visible et du palpable (Huyghe,Dialog. avec visible,1955, p.131). 2. MÉD. Qui est perceptible à la palpation (v. ce mot A 2), au palper (v. palper2A). Augmentation de volume du ganglion qui devient palpable sous la peau (Garcin,Guide vétér.,1944, p.25). B. − 1. Qui peut être saisi, touché de la main avec un certain plaisir sensuel. Avoir (...) savouré les palpables sympathies d'une femme de qui l'on éprouvait l'attrait (Peter,Debussy,1931, p.123). 2. Fam. [En parlant d'une somme d'argent] Qui peut être perçu, touché. «L'héritière de Birague», vendue 800 francs (...) «Clotilde de Lusignan», 2000 francs tous traités signés et qui deviendront palpables dans un an (Balzac,Corresp.,1822, p.133).Inscrire, au titre des bénéfices annuels, ce chiffre d'un million, net et palpable (Romains,Hommes bonne vol.,1938, p.178). II. − Au fig. A. − [En parlant d'une chose gén. abstr.] Qui peut être appréhendé par l'esprit dans sa nature profonde, dans son authenticité, dans son exactitude, etc., notamment grâce à des moyens d'expression particulièrement évocateurs ou précis. L'objet du livre : rendre au monde son âme qu'il cherche, la lui rendre visible et palpable, pour ainsi dire, la lui mettre dans la main (Michelet,Journal,1851, p.154).Plus ses projets prenaient une forme nette, palpable, matérielle, plus complètement il se représentait tous les détails d'une nouvelle vie (Duranty,Malh. H. Gérard,1860, p.163).Choses de l'intelligence que ce théâtre nous rend palpables et cerne avec des signes concrets (Artaud,Théâtre et son double,1938, p.76). B. − Qui peut être appréhendé, admis intellectuellement grâce à un raisonnement, à des signes irréfutables. Synon. certain, contrôlable, incontestable, manifeste, vérifiable; anton. contestable, douteux, faux, hypothétique, incertain, incontrôlable, problématique.Un exemple aussi clair, aussi palpable, aussi aisé à vérifier (Stendhal,Racine et Shakspeare,1825, p.101).Preuves irrécusables, palpables, éclatantes, devant lesquelles le doute s'évanouit forcément (Ponson du Terr.,Rocambole,t.2, 1859, p.98).Cela vous est égal qu'il soit patent, palpable, Évident, que Chloris vous adore (Verlaine,OEuvres compl.,t.1, Jadis, 1884, p.328). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui est manifeste, vérifiable. Ainsi, ballotté entre l'évidence et le néant, entre le palpable et la fumée d'hallucination, je vais, pareil, en somme, à tous les hommes (Arnoux,Juif Errant,1931, p.11). REM. Palpablement, adv.a) D'une manière palpable, tangible, perceptible aux sens. Le brick venait à nous lentement (...) et nous répandions toute notre âme en cris d'allégresse (...) pour la complète, glorieuse et inespérée délivrance que nous avions si palpablement sous la main (Baudel.,Avent. Pym,1858, p.125).b) D'une manière évidente, vérifiable. Le commentaire de Chateaubriand sur Milton est (...) palpablement faux. Historiquement faux d'abord, et en second lieu philosophiquement faux (Stendhal,Journal,1813, p.27). Prononc. et Orth.: [palpabl̥]. Att.ds Ac. dep.1694. Étymol. et Hist.1. 1372 «qui peut être palpé» (D. Foulechat, trad. du Policratus de Jean de Salisbury, III, 6, 23 cité par C. Brucker ds R. Ling. rom. t.33, p.329); 2. déb. xves. fig. en parlant d'un élément non matériel (Traicté de Salem., ms. Genève, 165, fo60 vods Gdf. Compl.); 3. 1580 fig. «que l'on peut vérifier avec certitude» (Montaigne, Essais, I, XXVI, éd. P.Villey et V.-L. Saulnier, I, p.161). Empr. du b. lat. palpabilis «palpable, tangible» dér. de palpare «palper». Fréq. abs. littér.: 220. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 453, b) 301; xxes.: a) 310, b) 199. DÉR. Palpabilité, subst. fém.Caractère de ce qui est palpable. Tout cela m'apparut, en une heure ou deux d'hallucination contemplative avec autant de clarté et de palpabilité (...) (Poésie inédite, Lamartine, 150) (Barrès,Cahiers,t.5, 1907, p.130).− [palpabilite]. − 1reattest. 1769 palpabilité des faits (Bonnet, Palingénésie, t.2, p.230); dér. sav. de palpable, suff. -(i)té*. BBG. −Gohin 1903, p.273 (s.v. palpabilité). |