| PACOTILLE, subst. fém. A. − HIST. DU DR. MAR. ,,Marchandise qui, ne payant pas de fret, était embarquée par le capitaine, les hommes d'équipage ou les passagers, dans le but de faire du commerce pour leur propre compte`` (Gruss 1978). Les matelots étalaient leurs pacotilles au pied des palmistes: une forêt muette et solitaire se changeait, une fois l'an, en un marché bruyant et peuplé (Chateaubr.,Mém., t.2, 1848, p.655). B. − P.ext. 1. Assortiment de marchandises destinées à l'échange, au commerce outre-mer ou dans les pays lointains. Pacotille de bimbeloterie. Dans nos pacotilles d'objets pour échanges avec les sauvages, il y en avait une grande quantité [de parapluies], presque autant que des colliers de chiens (A. Daudet,Port-Tarascon, 1890, p.156).Ils ont dû replier leur pacotille, mais, dans les barques qui les remmèneront, étalent encore à bout de bras les toiles blanches (Gide,Journal, 1938, p.1296). − P.méton. Ce commerce lui-même. Il avait commencé par être dans le commerce, faisant la pacotille, puis prisonnier à Londres, puis copiste (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t.3, 1850, p.213). 2. Une certaine quantité d'objets quelconques. Quand un village est brûlé, les Fang (...) rient des écorces qui brûlent et des cases qui flambent, pourvu qu'ils aient eu le temps de mettre à l'abri leurs caisses et leur pacotille (Brunhes,Géogr. hum., 1942, p.267). ♦ P.métaph. C'était une sorte de placement de bonnes oeuvres qu'il effectuait sur la tête de son jeune frère; c'était une pacotille de bonnes actions qu'il voulait lui amasser d'avance (Hugo,N.-D. Paris, 1832, p.176). C. − Péj. Marchandise de qualité inférieure ou de peu de valeur. Synon. camelote.Le rat y a joint une montre en or, grande comme une pièce de quarante francs qu'un imbécile lui a donnée et qui ne va pas: −«C'est de la pacotille, comme ce qu'il a eu!» (Balzac,Illus. perdues, 1843, p.674).On est harcelé par une cohue de petits marchands de toutes les pacotilles: pinces à cravate, tire-chaussette, scapulaires et médailles bénites, briquets et mèches d'amadou, lunettes noires, billets de loterie, cacahuètes, crevettes roses (T'Serstevens,Itinér. esp., 1963, p.323): 1. Les artisans d'art espèrent voir se développer l'éducation artistique dans l'enseignement de façon à influer sur le goût de la clientèle future qui, dans son ensemble, ou bien est incapable de distinguer un objet de goût d'une pacotille vulgaire, ou bien, lorsqu'elle se targue de quelques connaissances, se réfugie douillettement dans le passé.
Robert,Artis., 1966, p.120. ♦ Faire pacotille. Synon. faire toc (fam.).Son fond d'un chaud brun-rouge est parsemé de paillettes d'or d'un surprenant effet mais qui fait un peu pacotille (Metta,Pierres préc., 1960, p.90). − P.métaph. Écartons ce qu'a de frivole, et partant d'éphémère, un mouvement qui se traduit, à l'étage inférieur, par une littérature commerciale, une pacotille périssable d'histoires ou de scénarios romanesques (Weill,Judaïsme, 1931, p.6): 2. Don Quichotte célébrant les mérites de sa Dulcinée, ne devait guère sembler, j'imagine, beaucoup plus extravagant à Sancho, que je ne devais le paraître à mes étudiants hongrois, quand je déballais devant eux ma pacotille intellectuelle...
Tharaud,Qd Israël est roi, 1921, p.8. − De pacotille, loc. adj. [Appliqué à une chose] Sans valeur. Un somptueux tir de foire, en miettes, c'est Venise le jour. La nuit, elle est une négresse amoureuse, morte au bain avec ses bijoux de pacotille (Cocteau,Gd écart, 1923, p.13): 3. ... la maison entière était un bazar; tous les étages étaient encombrés d'objets de pacotille, de marchandises hétéroclites, d'articles de bric-à-brac. Le propriétaire paraissait fier de ce magnifique assortiment.
Reybaud,J. Paturot, 1842, p.426. ♦ Au fig. Bonheur de pacotille; érudition de pacotille. Le vieux Bob me parut effrayant, farouche, factice comme un vieux cabot, avec sa gaieté en fer-blanc et sa science de pacotille (G. Leroux,Parfum, 1908, p.64): 4. La chaleur du jour m'obligea à prendre le tramway qui passait par la rue de la plage, et je m'efforçais (...) de ne pas regarder le luxe de pacotille des constructions qui se développaient devant moi et entre lesquelles la villa d'Elstir était peut-être la plus somptueusement laide...
Proust,J. filles en fleurs, 1918, p.833. Prononc. et Orth.: [pakɔtij]. Att. ds Ac. dep. 1740. Étymol. et Hist. 1. 1711 «petite quantité de marchandises que les officiers, matelots ou passagers d'un navire avaient le droit d'emporter avec eux pour en faire commerce» (Déclaration du capitaine du Saint-Jean-Baptiste de Marseille [le corsaire Doublet] in Journal du Corsaire Jean Doublet de Honfleur, appendice, éd. Ch. Bréard, p.289 ds Arv., p.378); 2. 1759 «marchandises destinées à l'échange ou à la vente en pays lointains» (Rich.); 3. 1767 désigne un ensemble d'objets quelconques qu'on emporte avec soi (Voltaire, Lettre au duc de Richelieu, mai ds Littré); 4. 1827 au fig. de pacotille «de qualité médiocre» (Hugo, Préf. Cromwell, p.32: Des idées d'emprunt vêtues d'images de pacotille). Prob. empr. à l'esp. pacotilla bien que ce mot ne semble att. en esp. que dep. fin xviiie-déb. xixes. (F. L. de Moratin) et que sa dér. à partir de paquete (empr. au fr. paquet*) ne s'explique pas clairement (v. Cor.-Pasc.). Fréq. abs. littér.: 85. DÉR. Pacotilleur, subst. masc.a) Vx. Celui qui fait un commerce de pacotille. Il peignit des sujets de sainteté qu'il vendit aux pacotilleurs en assez grand nombre à Séville, qui faisaient ce commerce avec les Indes (Gautier,Guide Louvre, 1872, p.284).b) Celui qui fabrique ou vend des objets de mauvaise qualité. Évidemment ni Maradan, ni les Treuttel et Wurtz, ni Doguereau n'ont imprimé ce roman-là, dit Lousteau (...). Ce sera quelque pacotilleur du quai (Balzac,Muse départ., 1844, p.151).Saint-Victor ne tarit pas sur le talent du banal sculpteur de cela, de Carrier-Belleuse, ce pacotilleur du XVIIIesiècle, qui n'a fait là absolument que faire un faux Clodion (Goncourt,Journal, 1867, p.348).− [pakɔtijoe:ʀ]. − 1resattest. 1724 sens supra a (Arrêt en Règlement du Conseil Souverain, 18 mai in Durand-Molard, Code de la Martinique, t.1, p.222 ds Arv., p.378), 1844 sens supra b (Balzac, loc. cit.); de pacotille, suff. -eur2*. |