| PACIFIQUE, adj. A. − [En parlant d'une pers., d'un groupe de pers.] 1. Qui aime la paix, qui aspire à la paix, qui vit en paix. Homme, souverain pacifique; nation, pays, peuple pacifique. L'évangéliste dit: «Que chacun soit pacifique en esprit et vérité, et il n'y aura plus de guerres» (Alain, Propos, 1921, p.335).C'est passé en proverbe, senor, que les plus pacifiques des hommes sont les pêcheurs à la ligne (Montherl., Bestiaires, 1926, p.447): 1. La pénétration d'esprit, la douceur et le courage faisaient la perfection de l'homme, aux yeux de Socrate et de Platon: la douceur, qui rend l'homme pacifique dans la cité et agréable aux citoyens...
Joubert, Pensées, t.1, 1824, p.400. ♦ Empl. subst. Heureux les pacifiques (Matth. 5).Notre formalisme a beau faire: les conquérants sont les seuls princes que la multitude respecte; les pacifiques, les débonnaires sont méprisés, bafoués, jetés à l'échafaud ou au couvent (Proudhon, Guerre et Paix, 1861, p.99). − DR. Possesseur pacifique. Possesseur dont le titre n'est pas contesté, qui n'est pas troublé dans sa possession. (Dict. xixeet xxes.). 2. [P.méton.] Qui témoigne d'un amour de la paix, d'un désir de paix. Esprit, humeur pacifique. Que signifie encore cette presque certitude de leurs intentions pacifiques que donne le même ministre, au moment où il s'agissoit de laisser un libre cours aux émigrations? (Robesp., Discours, Guerre, t.8, 1791, p.51).Robert et son écuyer suivaient, tête levée, cette bataille où l'agilité l'emportait sur le poids (...) la méchanceté belliqueuse sur les instincts pacifiques (Druon, Lis et lion, 1960, p.319). B. − [En parlant d'une chose] 1. Qui a pour mobile l'établissement ou/et la sauvegarde de la paix. Une action, une intervention pacifique; fins, utilisations pacifiques. Dès lors, quoi qu'il dût advenir, l'amitié de la population marocaine était assurée à la «pénétration pacifique de l'Allemagne» (Maurras, Kiel et Tanger, 1914, p.171).La puissance du groupe, lignée, tribu, clan, croît avec le nombre de ses membres si les divers groupes sont en compétition pacifique ou guerrière (Tiers Monde, 1956, p.166): 2. Arrive la Révolution de Juillet. Il [Bugeaud] est nommé député, et en même temps général. Mais la politique pacifique de Louis-Philippe n'a pas de plus solide soutien que ce soldat.
Maurois, Dialog. commandement, 1924, p.161. 2. Qui se passe dans la paix, dans le calme, en toute absence d'agressivité. La coexistence pacifique. Le travail spirituel exige des conditions de tranquillité capables d'assurer un déroulement pacifique au mouvement progressif des idées (Nizan, Chiens garde, 1932, p.142): 3. Certes je prévoyais que notre association ne serait pas des plus pacifiques et que les problèmes littéraires qui se confondent (...) avec ceux de la vie domestique (...) seraient entre nous des occasions de heurts assez fréquentes.
Aymé, Confort, 1949, p.121. 3. Où règnent le calme, la tranquillité, la paix. Jamais le pacifique hôtel Jungfrau n'avait subi pareil vacarme (A. Daudet, Tartarin Alpes, 1885, p.159).Mais viennent ensuite les guerres de religion, dont la Lorraine subit le contre-coup et que les années trop courtes du règne pacifique de Henri II parvinrent à peine à faire oublier (Guyot, Agric. Lorr., 1889, p.7).Aujourd'hui, Mâchecoul est une petite ville pacifique, pleine de couvents (Chardonne, Femmes, 1961, p.40).GÉOGR. Océan Pacifique (ainsi nommé par Magellan qui l'aurait traversé sans subir de tempêtes). Empl. subst. Le Pacifique: 4. Aucune île du Pacifique occupée par les États-Unis ne pourra être placée sous trusteeship [mandat] sans le consentement de ce gouvernement et, par là même, seulement en des termes acceptés par les États-Unis.
Charte Nations Unies, 1946, p.28. Prononc. et Orth.: [pasifik]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. Dr. a) 1462 possession pacifique (Approbation et confirmation des Ordonnances et coutumes de la ville de Mimizan [Landes] ds Ordonnances des rois de France, t.15, p.631); b) 1463 (Lettres de Louis XI, éd. J. Vaesen et É. Charavay, t.2, p.100: lors serions seigneur pacific de toute la conté de Roussillion); 1539 possesseur pacific (Nouv. Cout. général (Bretagne), éd. Ch. A. Bourdot de Richebourg, t.4, p.297); 2. a) α) 1496 paciffique «qui aspire à la paix, tranquille (d'une personne)» (Andrieu de La Vigne, Mystère de St Martin, éd. A. Duplat, 148);
β)1546 subst. «celui qui, aimant la paix, s'abstient de toute violence» (Bible, impr. Genève, J. Girard, Matth. 5, 9 d'apr. FEW t.7, p.460b); b) α) fin du xves. [ms.] estat pacificque (Mystère de la Passion de Troyes, ms. Bibl. Troyes, 2282, t.1, fo130 rod'apr. J.-Cl. Bibolet, Thèse dactylographiée, Paris, 1983, t.3, p.202);
β) 1616 [éd.] «qui n'est pas troublé, où règne le calme» (A. d'Aubigné, Hist. univ., livre IV, chap. 21, Maillé, t.1, 1repartie, p.255: toutes choses estoient pacifiques en touttes les terres du Roi Philippes); 3. 1523 [éd.] «qui procure la paix, la tranquillité (des choses)» (Lefèvre D'Etaples, Nouv. Test., t.2, fo134 ro); 4. [1525?] mer pacifique (Fabre, Le Voyage et navigation faict par les Espaignolz es Isles et Mollucques, Paris, fo14 ro: En ces trois moys et vingt iours alerent quatre mille lieues en ung gouffre par la mer pacifique. Et est bien pacifique car en tout ce temps sans veoir terre aulcune ne eurent orage ne tempeste); 1765 Ocean Pacifique (Encyclop.). Soit empr. au lat. pacificus «qui établit la paix» (v. pacifier), soit empr. au prov. pacific, att., dans un sens jur., au xives. (pacific senhor, Chron. des Albigeois ds Hist. gén. du Languedoc, éd. 1737, t.3, 2epartie, col. 20); aussi en 1375 ds Pansier t.3. Voir FEW t.7, pp.460b-461a et Du mot au texte: actes du 3eColloque Internat. sur le Moyen Français, publ. par P.Wunderli, 1982, p.105. Fréq. abs. littér.: 758. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1041, b) 1111; xxes.: a) 975, b) 1152. DÉR. Pacifiquement, adv.De manière pacifique, sans violence, avec calme. Je suis sûr que cette nouvelle perspective lui sourira, surtout voyant qu'elle se lie si pacifiquement à mon passé (Renan, Lettres, 1845, p.404).En un instant cinquante soldats armés jusqu'aux cheveux, bondirent dans la cuisine où reposait pacifiquement Walter Schnaffs (Maupass., Contes et nouv., t.2, Avent. W. Schnaffs, 1883, p.208).Tant mieux si la France pouvait un jour se libérer pacifiquement des Anglais (Bainville, Hist. Fr., t.1, 1924, p.72).− [pasifikmɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1reattest. début du xives. «d'une manière pacifique» (Aimé Du Mont-Cassin, Hist. des Normands, éd. V. de Bartholomaeis, p.299, ligne 4); de pacifique, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér.: 31. |