| OUÏR, verbe trans. A. − Vieilli. Entendre. Nous entrevîmes de loin des cavaliers isolés, immobiles et l'arme au poing; nous ouîmes des pas de chevaux dans des chemins creux (Chateaubr.,Mém.,t.1, 1848, p.389).En naviguant par le bourg, il put ouïr dans son dos des propos cousins de ceux-là (Pourrat,Gaspard,1930, p.189): . Le disque nous installe dans une familiarité monstrueuse avec le chef-d'oeuvre (...). Peut-être ce pouvoir que nous confère le pick-up d'ouïr aussi souvent qu'il nous plaît ce qui ne devrait être entendu qu'une seule fois, viole-t-il une loi non écrite du royaume de l'harmonie.
Mauriac,Journal 2,1937, p.129. − En partic. ♦ Ouïr la messe. Assister à sa célébration. Une de ces pierres consacrées (...) que les clercs portaient en voyage, fut posée sur une table, (...) la Pucelle (...) ouït deux messes dites à cet autel (A. France,J. d'Arc,t.1, 1908, p.368). ♦ Écouter, prêter attention à. Quand vous serez retourné dans la Grèce, (...) on s'assemblera autour de vous, pour vous ouïr conter les moeurs des rois à la longue chevelure (Chateaubr.,Martyrs,t.2, 1810, p.19).J'adore Granier. Quelle artiste! Je l'ouïs pour la première fois dans Amants (Renard,Journal,1898, p.511).[À l'impér. Formule d'appel, d'adresse] Oyez! Petits et grands, hommes et femmes, Concitoyens, oyez tous Des factions en courroux L'attentat des plus infâmes (Hist.Fr. par chans.,t.6, 1846, p.160). − DR. Entendre, donner audience à. J'attendis que le lieutenant-criminel me fît assigner; mais il n'était pas pressé de m'ouïr en public (Marat,Pamphlets,Appel à la Nation, 1790, p.139). ♦ En partic. Ouïr des témoins. [Dans une des phases de la procédure de jugement] Recueillir leurs dépositions. Les témoins ont été ouïs (Ac. 1835-1935). Ouïr les témoins (Hanse 1949). B. − [Suivi de l'inf. du verbe dire ou d'autres verbes du même paradigme, l'agent du procès exprimé par ce verbe n'étant gén. pas précisé, pour signifier qu'il s'agit de propos, d'informations répandus par la rumeur publ.] J'ai ouï parler, à cette époque, de plusieurs petites conspirations (Stendhal,Racine et Shakspeare,t.2, 1825, p.79).Voilà tout ce que j'ai ouï dire des sentiments royalistes de la foule (Adam,Enf. Aust.,1902, p.164).La chair de cet oiseau (...), doit être noire et coriace. Je n'ai pas ouï dire qu'elle fût comestible (A. France,Pt Pierre,1918, p.159). Rem. 1. La conjug. de ce verbe est très défective. On ne rencontre guère que l'inf., le part. passé et les temps comp. 2. ,,On rencontre parfois certaines formes faussement archaïques faites (généralement par badinage ou par fantaisie) sur le modèle de la conjugaison de finir`` (Grév. 1980). Ouïssez ceci: le Figaro, ne sachant avec quoi emplir ses colonnes, s'est imaginé de dire que mon roman racontait la vie du chancelier Pasquier (Flaub., Corresp., 1868, p.424). Mon cher bon vieux Tourgueneff, que je voudrais être à l'automne pour vous avoir chez moi (...). Vous apporterez votre besogne, et je vous montrerai les premières pages de B et P (...) et puis, je vous ouïrai (Flaub., Corresp., 1874, p.160). Trop de musique, trop de boisson, trop de mangeaille! −écrivait Christophe. −On mange, on boit, on ouït, sans faim, sans soif, sans besoin, par habitude de goinfrerie. C'est un régime d'oie de Strasbourg (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p.433). REM. Ouïble, adj.,rare. Qui peut être entendu et compris. Synon. audible (v. ce mot C).Heureux à qui le devoir parle d'une voix ouïble qu'il ne s'y refuse point (Claudel,Tête d'Or,1890, p.107). Prononc. et Orth.: [wi:ʀ]. Littré: ,,Des grammairiens disent que ce mot a une demi-aspiration; cela est contre l'usage qui élide l'é devant ouïr: l'ouïr``. Ac. 1694: oüir; 1718: ouir; dep. 1740: ouïr. Conjug.: j'ois, tu ois, il oit [wa]; nous oyons [ɔjɔ
̃], vous oyez, ils oient; j'ouïs, nous ouïmes; j'oirai ou j'orrai, nous oirons ou orrons; que j'ouïsse, qu'il ouït; oyons, oyez; oyant; ouï (ouï placé devant le nom est gén. inv.: ouï les témoins). Ne s'emploie plus qu'à l'inf., au part. passé (ouï) et aux temps comp., surtout suivis de l'inf. des verbes comme dire, parler, raconter: j'ai ouï dire que... Auj. oyez est encore en usage en Angleterre dans la lang. jur. Étymol. et Hist. Fin xes. audid (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 33); ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 1768: Lo oi le corn Rollant); 1160-74 ouïr + inf. (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 342: Cunter l'ai oï a plusurs), évincé par entendre*, ne s'emploie plus qu'à l'inf. dans des loc. figées (cf. Ac. 1694), a subsisté dans la lang. jur., cf. l'expr. parties ouïes (dep.Fur. 1690). Du lat. audire «entendre, écouter». Fréq. abs. littér.: 483. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1090, b) 689; xxes.: a) 600, b) 390. Bbg. Darm. Vie 1932, p.136. - Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, 299-302. |