| * Dans l'article "OSER,, verbe trans." OSER, verbe trans. A. − [Suivi d'un inf. sans prép.] Entreprendre (de faire, de dire quelque chose) avec audace. Il n'y en aura pas trois qui oseront risquer des rubans verts, c'est trop difficile à porter (Colette,Cl. école,1900, p.255): 1. Seigneur, je reconnais que l'homme est en délire,
S'il ose murmurer;
Je cesse d'accuser, je cesse de maudire,
Mais laissez-moi pleurer!
Hugo,Contempl.,t.2, 1856, p.408. − [Dans des tours négatifs, pour exprimer la crainte, la réserve, la timidité] En présence de Jacqueline je n'ai jamais levé les yeux. Pas même en songe, je n'oserais l'aimer (Musset,Chandelier,1840, i, 2, p.28).Jamais il n'est question de mariage entre nous (...) la vie avec elle m'apparaît tellement belle que je n'ose pas... comprends-tu cela? que je n'ose pas lui en parler (Gide,Porte étr.,1909, p.519). ♦ Littér. [La seconde partie de la négation étant souvent omise] Aucune de ces femmes à la mode, auxquelles son passé est connu, n'ose la traiter en égale (Bernanos,Mauv. rêve,1948, p.898). − [Dans des tours exclam. ou interr., pour exprimer sa réprobation ou un défi] Tu as boulotté l'argent de l'escouade, ose donc dire le contraire, bougre de fricoteur! (Zola,Débâcle,1892, p.230).Vous connaissiez mon adresse. Osez me dire en face que vous ne la connaissiez pas (Mauriac,Noeud vip.,1932, p.243): 2. Parent, stupéfait, balbutia: «Ton... ton... enfant?... Tu oses parler de ton enfant?... Tu oses... tu oses demander ton enfant... après... après... Oh! oh! oh! c'est trop fort! Tu oses? Mais va-t'en donc, gueuse!... Va-t'en!...»
Maupass.,Contes et nouv.,t.2, M. Parent, 1886, p.608. − [Dans des tours euphémiques, par précaution oratoire, surtout à la 1repers.] Si j'ose ainsi parler, le dire, user d'un pareil terme. J'ose croire, répliqua la reine, qu'il vous accordera tout ce que vous lui avez demandé (Cottin,Mathilde,t.2, 1805, p.190).Cette vieille chipie de Blanche de Castille, si j'ose m'exprimer ainsi (Proust,Swann,1913, p.252): 3. Vial, qui ne me connaît que depuis deux ou trois étés, doit me chercher encore à travers deux ou trois de mes romans, −si je les ose nommer romans.
Colette,Naiss. jour,1928, p.32. ♦ Littér. [La prop. hypothétique est substantivée] Je vous épargnerai de la sorte les «peut-être», les «si j'ose dire» (...) et autres mantilles du langage (A. France,Livre ami,1885, p.294). B. − [Suivi d'un subst. ou d'un nom.] Entreprendre (quelque chose) avec (trop d')audace. Il faut tout oser pour tout avoir (Balzac,Illus. perdues,1843, p.717).Quand une femme (...) qui n'aime pas son mari (...) rencontre un homme qui lui plaît et se donne à lui, (...) elle ose un acte hardi, un acte intrépide (Maupass.,Contes et nouv.,t.1, Étrennes, 1887, p.1071): 4. −Hein! dit-il, tu as bien cru que tu ne passerais pas! Je touche mes reins. J'ose ce geste de simulateur. Car ce n'est pas vrai: je ne sais comment il se fait, mais je n'ai pas senti mes reins blessés. −N'oublie pas que j'ai huit éclats d'obus dans les reins...
Montherl.,Olymp.,1924, p.269. C. − Absol. Être audacieux. L'ange dit au jeune Oddoul: −Je t'aime parce que tu oses (A. France,Île ping.,1908, p.131).Cette musique résonne en elle-même et se renforce d'elle-même, invitant le chanteur à se livrer, à oser (Alain,Beaux-arts,1920, p.114).Mais reste, et osons donc! J'aime mieux des risques de reine que d'exilée et de mendiante (Barrès,Jard. Oronte,1922, p.195). ♦ Littér. Ah!... je n'ose... c'est si terrible de demander... Surtout lorsque, ainsi que moi, l'on n'a aucun droit! (Scribe,Bertrand,1833, i, 7, p.135).Elle était pâle, et pourtant rose, Petite avec de grands cheveux. Elle disait souvent: je n'ose, Et ne disait jamais: je veux (Hugo,Contempl.,t.2, 1856, p.366). − En partic. Être entreprenant, audacieux auprès des femmes. C'est une bizarrerie absurde (...) de penser trop précisément d'une dame qu'elle est une femme (...). Alors, au lieu de conter de jolies choses et d'oser adroitement, on se montre triste, timide (A. France,Pt bonh.,1898, p.3). Prononc. et Orth.: [oze], (il) ose [o:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Oser 1. a) fin xes. oser + verbe «avoir l'audace, le courage de» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 269: Il no l'auseren deramar); ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 1782: ki l'osast querre); b) 1480 constr. abs. «se montrer audacieux» (Coquillart, Droits nouveaux, 1292 ds OEuvres, éd. M. J. Freeman, p.196: Je n'oseroye); 1555-56 [éd. 1568] (Du Bellay, Poésies diverses, XIX, 75 ds OEuvres poét., éd. H. Chamard, t.5, p.365: Escry, ose, et fay tant...); c) 1561 oser + subst. «entreprendre, tenter avec audace» (J. Grevin, Brief discours ds Théâtre complet, éd. L. Pinvert, p.7); 2. a) début xiies. «avoir le front, la hardiesse, l'impudence de» (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1253); b) 1erquart xiiies. en apostrophe de défi ou de menace (Lancelot, éd. A. Micha, t.7, p.438: vous ne m'oseriés pas suirre); 3. ca 1485 «se permettre de» (Mistere du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 43028: Je ose dire, sans me venter); 4. 1962 loc. n'oser en croire ses yeux (Rob.). B. Osé part. passé adj. 1. ca 1155 «qui montre de la hardiesse, de l'audace» (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 9945: chevaliers osez); 2. a) 1823 «fait avec audace, risqué» (Las Cases, Mémor., t.1, p.706); b) 1856 «à la limite de la bienséance» (Barb. d'Aurev., Memor. 3, p.69); 1885 (Maupass., Bel-Ami, p.84: parole [...] osée). Du b. lat. ausare (viies. ds Mittellat. W.; TLL), dér. de ausus part. passé du lat. audere «oser, avoir l'audace de». Fréq. abs. littér.: 12025. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 19464, b) 15185; xxes.: a) 17959, b) 15591. DÉR. Oseur, -euse, adj. et subst.Audacieux. Sa rêverie prolixe et son imagination oseuse (Péladan,Vice supr.,1884, p.8).En partic., dans le domaine de la création artist.Il [Delacroix] est, dans son art, l'innovateur et l'oseur par excellence (Sand,Hist. vie,t.4, 1855, p.238).Ses confrères impressionnistes (...) plus heureux et mieux doués que le pauvre Chintreuil qui fut un oseur à son époque et qui est mort à la peine, sans être parvenu à exprimer ces effets ensoleillés et pluvieux qu'il s'acharnait si désespérément à rendre (Huysmans,Art mod.,1883, p.293).− [ozoe:ʀ], [-ø:z]. Att. ds Ac. 1935 (avec fém. -euse). − 1resattest. 1erquart xiiies. oseors subst., cas régime plur. (Lancelot, éd. A. Micha, t.7, p.439), 1488 oseurs (Lancelot du Lac, 1rep., ch. XXXI, éd. 1488 ds Gdf.), formes isolées, à nouv. en 1792 [? cf. Lar. 19e, s.v. émigrette] (Beaumarchais, Lettre aux rédacteurs de la Chronique ds le t.1 des mss dits de Londres, cité ds E. Lintilhac, Beaumarchais et ses oeuvres, Paris, 1887, p.436: mon droit d'oseur [...] qui dit auteur dit oseur), 1834 adj. (Th. Gautier, Grotesques, p.119 ds Mat. Louis-Philippe, p.321); de oser, suff. -eur2*. |