| OSEILLE, subst. fém. A. − BOT. Plante potagère de la famille des Polygonacées, aux feuilles allongées vert foncé, dont le goût est acide. Oseille commune, sauvage; oseille braisée à la crème; bouillon, jus d'oseille; oeufs, omelette, veau à l'oseille. Des fraises, des oseilles, des racines, ajoutoient à la délicatesse de mes banquets (Chateaubr.,Natchez,1826, p.235).Elle se contenta de faire une soupe à l'oseille et un ragoût de pommes de terre (Zola,L'OEuvre,1886, p.234).C'est dans le potager de la ferme qu'elle m'entraîne. L'oseille froissée, la sauge, le vert poireau encensent nos pas (Colette,Mais. Cl.,1922, p.110). ♦ Sel d'oseille. Oxalate acide de potassium extrait de l'oseille qui a la propriété d'enlever les taches d'encre et de rouille. Je les ai barbouillés [les portraits] avec du sel d'oseille. Ils seront affreux. C'est bien fait (Schwob,Monelle,1894, p.34). ♦ Couleur (ou vert) d'oseille ou, en empl. adj. inv. soit en appos. soit p.ell. (couleur ou vert) oseille. Couleut vert foncé. Tyroliens à collet de drap oseille et à pipes de porcelaine (Morand,New-York,1930, p.30).Cette mer d'un vert d'oseille, ces nuages zébrés d'éclairs vermiculaires (Genevoix,Avent. en nous,1952, p.120). B. − Expr. pop. La/le faire à l'oseille (à qqn). Essayer de faire accroire (quelque chose à quelqu'un), chercher à impressionner, à duper. Ohé mufe! Et ta soeur? Tu nous la fais à l'oseille! (Flaub.,Corresp.,1879, p.202): 1. Voyons, vieux, tu veux nous la faire à l'oseille, il [le képi de Saint-Loup] ne pouvait pas être aussi haut que ton paquetage, interrompait un jeune licencié ès lettres qui cherchait, en usant de ce dialecte, à ne pas avoir l'air d'un bleu...
Proust,Guermantes 1,1920, p.94. C. − Arg., pop. Argent monnayé, billet de banque. Avoir de l'oseille; faire son oseille; piquer l'oseille. C'est moi qui fais rentrer l'oseille... Ma mère chez Monsieur Bizonde, le bandagiste en renom, elle gagne pas beaucoup (Céline,Mort à crédit,1936, p.46): 2. −J'aide mon père... Le chiffon... la ferraille... et puis la fauche... −Il est cultivateur?... Il fauche quoi?... −Où que t'as été élevée? Le blé, le trèfle, l'oseille ça veut dire le fric... l'argent.
Vialar,Clara,1958, p.165. Prononc. et Orth.: [ozεj]. Barbeau-Rodhe 1930: [ɔ-], [o-]. Att. ds Ac. dep.1694. Étymol. et Hist. 1. [Fin xies., mss xives.] bot. judéo-fr. oiseles «rumex acetosa» (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t.1, 746); mil. xiiies. osile (Glossaire de Glasgow, 157a ds T.-L.); ca 1393 ozeille (Ménagier, éd. G. E. Bereton et J. M. Ferrier, p.120, l. 3 et 10); 2. 1866 la faire à l'oseille (Delvau, p.145: L'expression [...] n'a que cinq ou six ans); selon Virmaitre, Dict. arg. fin-de-s., 1894, p.200, Vous me la faites à l'oseille était le titre d'une chanson de 1840; 3. [1876 d'apr. Esn.] 1878 «argent» (Larch.). Du lat. pop. acidula, adj. fém. substantivé de acidulus «aigrelet», att. dans des gloses tardives, o- résultant du lat. oxalis «oseille», autrefois plus étendu, et dont subsistent encore des formes dans le sud de la France et en fr.-prov. avec le fr. salette parallèlement à d'autres types comme vinette, aigreto, surelle (v. FEW t.24, pp.105b-107a). L'orig. de la faire à l'oseille (2) reste obscure (les affirmations de Delvau, loc. cit. et Larch. 1872 selon lesquels cette expr. serait née vers 1860-66 à propos d'omelette à l'oseille sont invérifiables et sont infirmées par Virmaitre). L'orig. de 3 est aussi inconnue, le rapport entre l'oseille et la notion d'argent semble anc. (cf. l'attest. de vinette, autre nom de l'oseille chez Berolde de Verville en 1610: Moyens de parvenir, éd. Ch. Royer, t.2, p.47: La jeune mariée [...] ne faisoit gueres d'estat de messire Jan; principalement ayant eu l'argent qu'elle pretendoit, c'estoit autant de vinette cueillie). Fréq. abs. littér.: 113. Bbg. Alessio (G.). Saggio di etimologie francesi. R. Ling. rom. 1950, t.17, p.191. |