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OREILLER, subst. masc.
A. − Pièce de literie constituée d'une enveloppe de tissu carrée, bourrée de plumes, de duvet, de crin, etc., destinée à soutenir la tête pendant le repos, généralement recouverte d'une taie. Il essaya de rafistoler son lit, de reborder les couvertures saccagées, de regonfler les oreillers aplatis et il se coucha (Huysmans, Là-bas, t.2, 1891, p.52).Dès qu'il posait la tête sur l'oreiller, il était terrassé par le sommeil (Rolland, J.-Chr., Matin, 1904, p.142):
1. Il n'y avait pas de draps au lit. L'oreiller de coutil, sans taie et sans dentelles, était posé sur les couvertures pliées au pied des matelas... Hugo, Misér., t.2, 1862, p.648.
SYNT. Oreiller (garni) de plumettes, de balle d'avoine, de fibres synthétiques, de varech; enveloppe, housse, taie d'oreiller; oreiller brodé, (garni) de dentelles; oreiller moelleux, mou, dur, plat; arranger, redresser, remonter, retaper, taper, tapoter un oreiller; s'adosser à, s'accouder à/sur, se carrer contre, se soulever, se renverser, retomber sur un/des oreiller(s); enfoncer la tête dans un oreiller; cacher, mettre qqc. sous un oreiller; étouffer qqn avec un oreiller.
[L'oreiller évoquant l'intimité, l'abandon]
[d'une pers.] Sangloter, étouffer ses sanglots, ses cris dans son oreiller; arroser son oreiller de ses larmes; raconter qqc. à son oreiller. J'ai dit chaque jour à ce grand public, qui est la France et l'Europe, ma pensée la plus intime, la pensée de l'oreiller (Michelet, Journal, 1851, p.147).Par le trou de la serrure, elle aperçut son père jeté sur son lit, pleurant et secoué de sanglots, enfonçant dans l'oreiller son désespoir et ses larmes pour les y étouffer (Goncourt, R. Mauperin, 1864, p.308).J'aurais voulu avoir là ce quelqu'un, pour me détendre à lui dire tout ce que je ne confie qu'à Franchette ou à mon oreiller (et même pas à mon journal) (Colette, Cl. école, 1900, p.309).
[d'un couple] Confidences sur l'oreiller; se réconcilier sur l'oreiller. Les parents décideront du sexe de leurs enfants, et, se chamaillant sur l'oreiller à propos des «différences mendeliennes», leur choisiront des yeux bleus ou noirs! (Guéhenno, Journal «Révol.», 1937, p.35).Le secret de l'oreiller, c'est encore autre chose, j'ai assez bourlingué pour le savoir, et c'est inouï ce qu'une femme peut confier à un étranger de passage (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p.363).
P. anal. Oreiller de bois, de caoutchouc. Broucke avait pris respectueusement l'oreiller de caoutchouc de Demachy et s'amusait à le gonfler, comme un jouet, avec une peur secrète de l'user (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p.11).[Les Shillouk] poudrent leurs cheveux et les frictionnent avec de la graisse, des cendres et des engrais (...) puis, afin de ne pas déranger ce chef-d'oeuvre, ils appuient la tête pour dormir sur un oreiller de bois (Lowie, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p.94).
P. métaph. Cette belle tête renversée par le sommeil sur l'oreiller du bras (Goncourt, Journal, 1860, p.813).Elle l'assit, puis le couchant contre le mol oreiller de sa poitrine, elle l'embrassa très étroitement (Adam, Enf. Aust., 1902, p.67).
B. − P. anal.
1. ARCHIT. ,,Dernière pierre d'un pilier du piédroit d'un arc, dont le lit supérieur est incliné pour recevoir la retombée d'un arc`` (Noël 1968).
2. ART CULIN. Oreiller de la Belle Aurore. Pâté en croûte de forme carrée. Le seul traiteur au monde qui propose à sa carte (...) l'«Oreiller de la Belle Aurore» (...). Or, l'«Oreiller» −ce merveilleux, mais compliqué amalgame de gibiers, de viandes, de truffes, de foie gras et de gelée tremblotante −il faut le faire! (A. Dumaine, Ma cuisine, 1972, p.81).
3. MAR. Renfort en bois avec lequel on fortifie les varangues, les pièces de construction composées de deux parties et qui croise celles-ci à leur talon (d'apr. Bonn.-Paris 1859).
4. PSYCHIATRIE. Oreiller psychique. ,,Attitude de certains malades catatoniques dont les muscles du cou, en hypertonie constante, maintiennent la tête soulevée comme si elle reposait sur un oreiller`` (Carr.-Dess., Psych. 1976).
C. − Au fig. Ce sur quoi on se repose, ce qui assure la tranquillité de l'esprit. Mon adversaire jouissait dans l'arrondissement de l'estime générale; seulement, il avait le tort de s'endormir sur l'oreiller de ses succès antérieurs (Reybaud, J. Paturot, 1842, p.320).Le genre humain refuse des applaudissements unanimes à ce qui blesse la morale, oreiller sur lequel dort le faible et le juste (Chateaubr., Mém., t.4, 1848, p.552).V. épicurisme ex. de Rolland:
2. Mes petites filles, il est possible qu'à votre âge l'obéissance semble encore un oreiller moelleux où l'on n'a qu'à laisser reposer sa tête. Mais nous savons, nous, que l'obéissance, pour paraître si différente du commandement, est aussi une charge. Bernanos, Dialog. Carm., 1948, 5etabl., 12, p.1711.
Le mol oreiller du doute. [Allus. erronnée à Montaigne, Essais, Livre III, chap.xiii, qui écrit: «O que c'est un doux et mol chevet, et sain, que l'ignorance et l'incuriosité, à reposer une teste bien faicte»] Pour lui [Pascal] il n'y a pas d'intermédiaire entre le Christ en croix et le mol oreiller du doute de Montaigne (Du Bos, Journal, 1922, p.103).Tout à la fois je ne puis retenir mon doute, et j'ai l'indécision en horreur. Le «mol et doux oreiller» de Montaigne, n'est pas fait pour ma tête (Gide, Faux-monn., 1925, p.1090).Voir Green, Journal, 1950, p.359.
Prononc. et Orth.: [ɔ ʀ εje] et [-ʀe-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1140 oreillers «pièce de literie» (Voyage Charlemagne, éd. G. Favati, 426); b) 1881 loc. (Richepin, Glu, p.247): confidences [...] entre le drap et l'oreiller); 1946 loc. confidence sur l'oreiller (Bernanos, M. Ouine, p.1395); 1912 loc. se raccommoder sur l'oreiller (Léautaud, Théâtre M. Boissard, p.132); 2. 1266 p. métaph. orillier «ce qui assure le repos, la sérénité» (Vers de la mort, éd. C. A. Windahl, 152, 4). Dér. de oreille*; suff. -ier*. Cf. lat. médiév. auriculare (816 ds Nierm.), neutre subst. de l'adj. auricularis (v. auriculaire). Fréq. abs. littér.: 1217. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 762, b) 2540; xxes.: a) 2388, b) 1727. Bbg. Quem. DDL t.16.