| OPIUM, subst. masc. Suc épaissi obtenu par incision, avant la maturité du fruit, des capsules d'un pavot (papaver somniferum) qui contient notamment des alcaloïdes. Fumeur, mangeur d'opium; effet, ivresse, usage de l'opium; plateau, table à opium; dose, fumerie, grain, pipe d'opium. Là je vivais heureux, demeurant de longues journées couché sur mes nattes, aspirant la douce fumée d'un opium odorant et rêvant à une jeune fille (Du Camp,Mém. suic., 1853, p.110).L'opium rétrécit les pupilles, les réduit à un point, même dans l'ombre; c'est un des symptômes à quoi on reconnaît le fumeur encore sous l'effet de la drogue (Vailland,Drôle de jeu, 1945, p.192):1. Les gens de nos climats ont le travail, la littérature et le monde; ajoutez, dans les basses classes, l'eau-de-vie, qui est la littérature du peuple. En Orient, c'est l'opium et le rêve.
Taine,Notes Paris, 1867, p.315. − Au fig. Ce qui produit les effets de l'opium, notamment un assoupissement propre à écarter problèmes et difficultés. Je m'enivrais de cet opium de l'âme [les romans] qui peuple de fabuleux fantômes les espaces encore vides de l'imagination des oisifs (Lamart.,Confid., 1849, p.113): 2. Chaque homme porte en lui sa dose d'opium naturel, incessamment sécrétée et renouvelée, et, de la naissance à la mort, combien comptons-nous d'heures remplies par la jouissance positive, par l'action réussie et décidée?
Baudel.,Poèmes prose, 1867, p.90. ♦ La religion est l'opium du peuple. [P. allus. à l'expr. de Karl Marx dans Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel] Ce n'est pas la religion, c'est la révolution qui est l'opium du peuple (S. Weil,Pesanteur, 1943, p.180).Dire que la religion est l'opium du peuple reste en somme une critique sociologique, dont bien des penseurs religieux ont dû eux-mêmes reconnaître la fréquente vérité de fait (Lacroix,Marxisme, existent., personn., 1949, p.33). REM. Opiumeur, subst. masc.,hapax. Fumeur d'opium. Je fus cambrioleur, (...) opiumeur (Queneau,Enf. du limon, 1938, p.32). Prononc. et Orth.: [ɔpjɔm]. Att. ds Ac. dep. 1694. Plur. des opiums. Littré: ,,On a longtemps écrit et prononcé opion`` (forme francisée de opium). Étymol. et Hist. 1. xiiies. «extrait des capsules du pavot blanc, employé comme narcotique» (Livre des simples médecines, éd. P. Dorveaux, p.143); 2. av. 1755 au fig. «ce qui endort» (Saint-Simon, Mémoires, éd. A. de Boislile, t.16, p.456). Empr. au lat. opium «suc du pavot», transcrivant le gr. ο
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ν de même sens (de ο
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ς «suc de plantes»). Fréq. abs. littér.: 588. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 737, b) 1635; xxes.: a)593, b)638. Bbg. Gohin 1903, p.365. |