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* Dans l'article "OPAQUE,, adj."
OPAQUE, adj.
A. −
1. [En parlant d'un corps, d'une substance] Qui s'oppose au passage de la lumière, d'un mouvement ondulatoire quelconque. Anton. diaphane.Le gel avait fait des vitres autant de plaques de verre dépoli, opaques, qui abolissaient le monde du dehors (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p.147).Le milieu stratifié, parfaitement transparent pour la lumière, est opaque pour le son (Bouasse, Acoust. gén., 1926, p.380).Ce jaune assombri, mi-opaque, mi-transparent, des mirabelles trop mûres (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p.794).V. embué ex. de Daniel-Rops:
1. ... lorsqu'un corps opaque est interposé sur la trajectoire d'un faisceau lumineux, l'ombre de ce corps peut être obtenue sur un écran. La forme de cette ombre, qui est semblable à celle du corps interposé, porte à penser que la propagation de la lumière est rectiligne. Prat, Opt., 1962, p.23.
Rare, littér. [Avec un compl. déterminatif] C'était l'autre matin, par un beau soleil rouge, dans l'air opaque de brouillard (A. Daudet, R. Helmont, p.93).Vitres opaques de poussières (Roy, Bonheur occas., 1945, p.426).
2. Qui s'oppose au passage de certaines radiations. Anton. transparent.Lorsque l'on fait ingérer de la bouillie barytée opaque aux rayons X et que l'on en suit la progression sous écran radioscopique (Quillet Méd.1965, p.143):
2. ... pour rendre perceptible un organe que ne sauraient révéler les rayons X, le radiologue y injecte une substance opaque et lui donne ainsi l'apparence consistante qui lui manquait. Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p.252.
3. Littér. Qui ne laisse pas passer le soleil. Entre ces beaux arbres poussaient des bouquets de pins, dont l'opaque parasol s'ouvrait largement (Verne, Île myst., 1874, p.30).
B. − P. ext.
1. Qui est noir, sombre, sans lumière. Ténèbres opaques. Ce jeudi-là, la nuit fut très noire, un ciel sans étoiles, opaque et sourd, chargé des brumes de la mer (Zola, Bête hum., 1890, p.205).V. humide ex. 1:
3. Les ténèbres sans bruit croissaient dans le néant. L'opaque obscurité fermait le ciel béant; Et, faisant, au delà du dernier promontoire, Une triple fêlure à cette vitre noire, Les trois soleils mêlaient leurs trois rayonnements. Hugo, Fin Satan, 1885, p.769.
2. Dont la couleur, l'éclat, sont atténués; dont la transparence est amoindrie. Les feux des candélabres (...) font des taches d'un rouge opaque sur les dernières gloires du couchant (Baudel., Poèmes prose, 1867, p.107).Une touffeur d'orage pesait sur ce Paris des fins de Juillet, où, le soir, l'air devient opaque et gris, sans que l'on puisse démêler si c'est de buée ou de poussière (Martin du G., Thib., Belle sais., 1923, p.825).
En partic. [En parlant de peint.] Qui manque de transparence, de luminosité. Tons opaques. Sa couleur [de Hogarth], souvent opaque et terne, a une certaine harmonie sourde dans ses localités grises, parfois brusquement réchauffées de rouge (Gautier, Guide Louvre, 1872, p.317).[Dans] les toiles de Monet, de Renoir, de Pissaro (...) rien n'y est opaque ou noirâtre, une vibration claire s'impose aux yeux (Mauclair, Maîtres impressionn., 1923, p.29).
C. − Au fig.
1. [En parlant de qqc.] Qu'on ne peut comprendre; dont on ne peut entièrement saisir le sens, la signification. Discours, comparaison opaque. Il y a dans ces leçons [de l'expérience] une partie opaque et lourde qui de droit appartient à l'instinct et descend aux limons nécessaires de la vie (Maeterl., Intellig. fleurs, 1907, p.234).Aussitôt sa pensée heurta quelque chose d'opaque, d'intérieur, qu'il ne distinguait pas nettement: un infranchissable obstacle, dressé au centre de lui-même (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p.1320).Le mot vieillit, devient très rare, devient opaque, change de forme ou de rôle (Valéry, Variété II, 1929, p.51).
2. [En parlant de qqn] Avec lequel on ne peut communiquer. Les choses sont noires, les créatures sont opaques. Aimer un être, c'est le rendre transparent (Hugo, Misér., t.2, 1862, p.132):
4. Combien les saints se font transparents! Et moi, je suis opaque, voilà le mal. Je réfléchis un peu de clarté, quelquefois, chichement, pauvrement. Est-ce que Dieu n'en demande pas plus? Il faudrait n'être qu'un cristal, une eau pure. Il faudrait qu'on vît Dieu à travers. Bernanos, Joie, 1929, p.603.
3. Domaine abstr.Qui ne se laisse pas pénétrer, traverser. Un des signes les plus constants du souci égocentrique est (..) une sorte de sérieux opaque et assuré; les saints ne sont pas sérieux, ils sont gais ou joyeux, ou bien ils sont graves ou tristes; le sérieux, du moins ce sérieux-là, est un raté du sens de la grandeur dans la sphère égocentrique (Mounier, Traité caract., 1946, p.542).On entretenait les enfants (...) dans une ignorance trop opaque du reste de l'univers (Gide, Ainsi soit-il, 1951, p.1209).
4. Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre:
5. L'usage de la raison rend les choses transparentes à l'esprit. Mais on ne voit pas le transparent. On voit l'opaque à travers le transparent. L'opaque qui était caché quand le transparent, n'était pas transparent. On voit ou les poussières sur la vitre, ou le paysage derrière la vitre, mais jamais la vitre elle-même. S. Weil, Pesanteur, 1943, p.133.
REM.
Opaquement, adv.,rare. De manière opaque, avec opacité. Une forêt point très haute, mais extraordinairement touffue. La voûte des arbres énormes et largement étalés était opaquement tapissée de lianes (Gide, Voy. Congo, 1927, p.845).Nous atteignîmes le bas port ombragé opaquement (Arnoux, Algorithme, 1948, p.297).
Prononc. et Orth.: [ɔpak]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1464-1506 masc. opac «obscur, sombre» (Jean Molinet, Faictz et Dictz, éd. N. Dupire, p.510, 123); début xvies. masc. oppacque (Jean d'Auton, Chron. de Louis XII, éd. R. de Maulde la Clavière, t.1, p.282); ca 1590 fig. opaque (Montaigne, Essais, éd. P. Villey, t.1, p.378); 2. 1516 opaque «qui ne laisse point passer la lumière» (Jean Perréal, Complainte de nature ds Rose, éd. Méon, t.4, p.143, 439). Empr. au lat. opacus «obscur, sombre», proprement «ombragé, qui est à l'ombre». Au sens 1 l'angl. opaque est attesté dep. ca 1420 ds NED. Fréq. abs. littér.: 432. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 393, b) 428; xxes.: a) 699, b) 850.