| ONTOLOGIQUE, adj. A. − PHILOSOPHIE 1. [Correspond à ontologie A 1 a] Relatif à l'ontologie ou à l'être en général. Philosophie ontologique; discussions, études, notions, systèmes ontologiques. Qu'a fait Locke? Je crains qu'il n'ait détruit, au lieu de se contenter de les ajourner, les questions ontologiques de la nature de l'espace (Cousin,Hist. philos., t.1, 1829, p.168).Avec le XVIIesiècle qui s'achève, la psychologie borne ses acquisitions aux données cartésiennes (...) et demeure liée (...) aux spéculations ontologiques (Hist. sc.,1957, p.1634): 1. ... à une subordination rationnelle entre les vérités et les faits, suivant qu'ils sont le fondement ou la raison les uns des autres, (...) Aristote substitue une subordination ontologique, une hiérarchie de catégories, de genres et d'espèces, dont le pivot est l'idée d'être ou de substance...
Cournot,Fond. connaiss., 1851, p.566. ♦ Argument ontologique, preuve ontologique de l'existence de Dieu. Argument formulé pour la première fois par Saint Anselme, repris par Descartes, puis réfuté par Kant selon lequel du concept d'être parfait, la raison conclut à l'existence de cet être. Entre penser un objet et le penser existant, il n'y a absolument aucune différence: Kant a mis ce point en pleine lumière dans sa critique de l'argument ontologique (Bergson,Évol. créatr., 1907, p.284).La «preuve ontologique», dans son sens véritable, c'est la présence évidente de l'esprit infini dans l'esprit individuel (Gds cour. pensée math., 1948, p.373).V. cartésianisme A ex. de Ricoeur. − P. ext. Qui appartient à la catégorie de l'être et non à celle du paraître. Est-ce (...) par une série de créations isolées les unes des autres, ou par une marche continue, que la nature s'élève (...) des formes vides et stériles des mondes ontologique et logique, aux formes riches et fécondes des mondes vivant et pensant? (Boutroux,Contingence, 1874, p.137).Le symbolisme, en introduisant dans l'apparence même la différence ordinale du signifiant au signifié, y introduit la différence ontologique, irréductible, entre le phénomène perceptible et l'être dicible en vérité de ce phénomène (Philos., Relig., 1957, p.38-2): 2. ... la question ontologique qui a rapport à l'essence réelle des idées ou à la manière dont elles sont en Dieu ou dans l'âme indépendamment de l'aperception ou avant la connaissance qu'elle en acquiert dans un temps.
Maine de Biran,Journal, 1818, p.190. ♦ En partic. [Chez Renan; p. oppos. à phénoménal] Les mots de corps et d'âme restent parfaitement distincts, en tant que représentant des ordres de phénomènes irréductibles; mais faire cette diversité toute phénoménale synonyme d'une distinction ontologique, c'est tomber dans un pesant réalisme, et imiter les anciennes hypothèses des sciences physiques (Renan,Avenir sc., 1890, p.478). ♦ P. ell. L'ontologique chassé par l'expérimental: les méthodes positives transformant l'énoncé des vieux problèmes métaphysiques, et le théologique ligoté aux lacets de l'histoire (Malègue,Augustin, t.1, 1933, p.133). 2. [Correspond à ontologie A 1 b; dans la pensée contemp., notamment dans la phénoménol. et dans l'existent.] Relatif au sens de l'être; qui appartient simultanément à l'ordre de l'essence et à celui de l'existence. Le phénomène d'être est «ontologique». Il est un appel d'être (Sartre,Être et Néant, 1943, p.16). − En partic. [Chez Heidegger; p. oppos. à ontique] Qui appartient à l'ordre de l'être et non à celui de l'étant. Toute accession à l'objet −toute connaissance ontique comme Heidegger l'appelle −n'est (...) possible qu'à travers la connaissance de l'être de cette chose, la connaissance ontologique (E. Lévinas,En découvrant l'existence, avec Husserl et Heidegger, 1974 [1932], p.78): 3. ... la contingence du monde ne doit pas être comprise comme un moindre être, une lacune dans le tissu de l'être nécessaire, une menace pour la rationalité, ni comme un problème à résoudre le plus tôt possible par la découverte de quelque nécessité plus profonde. C'est là la contingence ontique, à l'intérieur du monde. La contingence ontologique, celle du monde lui-même, étant radicale, est au contraire ce qui fonde une fois pour toutes notre idée de la vérité.
Merleau-Ponty,Phénoménol. perception, 1945, p.456. − P. ell. V. ontique ex. de Sartre. B. − Didact., cour. Qui concerne l'être, le fait d'exister. Caractère, portée, réalité ontologique. Kiriloff incarne précisément aux yeux de Dostoïevsky l'effort de l'homme pour vivre l'athéisme dans ses racines métaphysiques, dans ses racines ontologiques les plus profondes (Maritain,Human. intégr., 1936, p.70).Dans le sommeil apparaît la valeur ontologique de l'inconscient (Choisy,Psychanal., 1950, p.148): 4. ... nous nous servons souvent comme de synonymes de termes différents auxquels il semble que nous donnions également un sens ontologique. Et si la distinction entre essence et existence est devenue traditionnelle, par contre nous rencontrons plus de difficultés lorsqu'il s'agit de déterminer le sens propre des mots être, existence et réalité.
L. Lavelle,Introd. à l'ontologie, 1951 [1947], p.3. Prononc. et Orth.: [ɔ
̃tɔlɔ
ʒik]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1. 1765 propositions ontologiques (Encyclop. t.11, s.v. ontologie); 2. 1890 «qui concerne la connaissance du monde extérieur» (Renan, loc. cit.). Dér. de ontologie*; suff. -ique*. Fréq. abs. littér.: 295. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 54, b) 63; xxes.: a) 113, b) 1106. DÉR. Ontologiquement, adv.a) Philos. [Correspond à ontologique A 2; chez Heidegger] En tant qu'être et non en tant qu'existant. L'excellence de l'existence humaine parmi les objets qui nous entourent tient au fait que l'homme existe ontologiquement. Son essence Ce qu'il est, sa quiddité, consiste à exister (E. Lévinas,En découvrant l'existence avec Husserl et Heidegger, 1974 [1932], p.81).b) Didact. [Correspond à supra B] Sur le plan de l'existence; d'un point de vue ontologique. L'être infini (...) est le seul à qui ontologiquement rien ne peut s'ajouter, parce que, tous les êtres finis étant limités à une perfection déterminée, Dieu est au contraire en soi et par soi toute perfection (Théol. cath.t.4, 11920, p.787).L'histoire, c'est ce que l'historien réussit à étreindre du passé, mais en passant à travers ses instruments de connaissance, ce passé a été si re-élaboré, retravaillé qu'il en est tout renouvelé, qu'il est devenu, ontologiquement, tout autre (Marrou,Connaiss. hist., 1954, p.60).− [ɔ
̃tɔlɔ
ʒikmɑ
̃]. − 1reattest. 1874 (Lar. 19e); de ontologique, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér.: 15. |