| OIGNON, subst. masc. A. − 1. BOT. Plante potagère de la famille des Liliacées, dont la racine bulbeuse, constituée de nombreuses couches enveloppées les unes dans les autres, est couverte d'une ou de plusieurs fines pellicules de couleur blanche, jaune ou rouge. Semer, repiquer des oignons; rangée d'oignons; botte d'oignons (frais); chapelet, corde d'oignons (secs), La maraude, le pillage des champs d'oignons en promenade (Zola, L'OEuvre,1886, p.36).Les choux ivres agitent leurs oreilles d'âne et les oignons montés se cognent entre eux, cassent leurs boules gonflées de graines (Renard, Poil Carotte,1894, p.271). − Petits oignons. Oignons plantés très serrés de façon à limiter le développement du bulbe. (Dict. xixeet xxes.). − Pelure d'oignon. Pellicule très fine qui enveloppe l'oignon: 1. «Sido» n'avait point sa pareille pour feuilleter, en les comptant, les pelures micacées des oignons. −Une... deux... trois robes! Trois robes sur l'oignon! Elle laissait choir lunettes ou binocle sur ses genoux, ajoutait pensivement: −C'est signe de grand hiver.
Colette, Sido, 1929, p.38. ♦ P. anal. Étoffe très mince. Mon satin est un satin fort, et celui-ci une pelure d'ognon (Leclercq, Prov. dram.,Mariage manqué, 1835, 5, p.79).Papier très fin. En Allemagne, comme en Russie, on écrit les dépêches militaires sur du papier très fin, genre pelure d'oignon (Ledieu, Cadiat, Nouv. matér. nav.,1899, p.469).(Couleur) pelure d'oignon. Rose violacé. Violon (...) vernis rose pelure d'oignon (Catal. Thibouville-Lamy,1932).Vin pelure d'oignon et, p. ell., du/de la pelure d'oignon. Variété de vin rosé dont la couleur est rose violacé. Quand la femme de Félicien (...) eut débouché une bouteille de vin, pas de la pelure d'oignon, elle n'en avait plus, mais un malicieux petit vin du Roussillon (Cendrars, Bourlinguer,1948, p.277). − Flûte à l'oignon. V. flûte1A 1. 2. Locutions a) Être couvert, vêtu comme un oignon. Porter plusieurs vêtements superposés. (Dict. xixeet xxes.). b) [En parlant de pers. ou de choses] En rang d'oignons. Sur une seule ligne, à la file. Se mettre, se placer en rang d'oignons. Vis-à-vis ce chantier de pierres, s'étendaient, en rang d'oignons, des masures lézardées (Huysmans, Marthe,1876, p.89).En rang d'oignons, le sourire prêt, les maillots chair, les costumes multicolores, la troupe éclectique (...) n'était encore rien à côté de ce que vous alliez voir à l'intérieur (Aragon, Beaux quart.,1936, p.162). c) Pop. et fam. ♦ S'occuper, se mêler de ses oignons. S'occuper, se mêler de ce qui vous regarde. Occupe-toi de tes oignons. −Hé l'homme, je t'ai déjà dit de t'occuper de tes oignons, me répondit le Grec en me tournant le dos (Cendrars, Bourlinguer,1948, p.216): 2. −Tu connais du monde à Marseille? −Non. −Alors, mêle-toi de tes oignons, je te l'ai déjà dit. −Bien, patron. Mais on n'a pas idée de faire de la contrebande sur ces côtes, dans un pays déjà trop riche en vin.
Cendrars, Bourlinguer,1948p.173. ♦ Ce n'est pas mes/tes/ses oignons. Cela ne me/te/le regarde pas. Il ne reste plus que les gardes. Eux, tout ça, cela leur est égal; c'est pas leurs oignons. Ils continuent à jouer aux cartes (Anouilh, Antig.,1946, p.212).C'est mes oignons. Cela ne regarde, ne concerne que moi. Tu feras un riche pion!... Pour le rapport, laisse tomber, hein! (...) c'est mes oignons, comprends-tu? (Vercel, Cap. Conan,1934, p.56). d) Pop. Y' a de l'oignon. Il y a des raisons obscures, des événements suspects, qui laissent entrevoir des difficultés, qui donnent des raisons de pleurer: 3. Lorsque le drapeau rouge fut arboré sur le Champ de Mars en 1789, Dazincourt fut dénoncé comme mauvais patriote pour avoir dit à mademoiselle Devienne en riant qu'il y avait de l'oignon.
Larch.Nouv. Suppl.1889, p.168. B. − 1. P. méton. Le bulbe de cette plante, d'odeur et de saveur fortes, utilisé dans l'alimentation. Malgré la propreté, une odeur d'oignon cuit, enfermée depuis la veille, empoisonnait l'air chaud (Zola, Germinal,1885, p.1149).La beauté du pot-au-feu. Carotte, navet, oignon, clou de girofle planté comme un clou dans l'oignon, ail, laurier, poireau dans sa ficelle, feuille de céleri (Renard, Journal,1905, p.953): 4. ... cette fête saine et violente faisait plaisir à voir, donnait envie de boire aussi au ventre de ces grosses futailles et de manger du pain ferme avec du beurre et un oignon cru.
Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Ma femme, 1882, p.669. SYNT. Émincer, hacher, faire revenir des oignons; tête d'oignon; oignons cuits sous la cendre; soupe, tarte à l'oignon; petits oignons au vinaigre, en saumure, confits; pleurer en épluchant des oignons. ♦ Oignon brûlé. Oignon desséché au four et utilisé pour colorer les sauces, le pot-au-feu. L'odeur de poireaux bouillis, d'oignon brûlé et de fumée de charbon qui régnait dans la loge de Madame Morin (A. France, Pt Pierre,1918, p.120). 2. Locutions a) Pop. et fam. [En parlant d'une action, d'une entreprise] Aux petits oignons. (Préparé et exécuté) avec un soin particulier (dans un sens favorable ou non). Un travail fait aux petits oignons. Voilà alors que ma sacrée gouine saute aux yeux de sa bourgeoise, et qu'elle la graffigne, et qu'elle la déplume, oh! mais aux petits oignons! Il a fallu que le charcutier la lui retirât des pattes (Zola, Assommoir,1877, p.547). ♦ Accommoder, assaisonner, soigner qqn aux petits oignons. Le traiter d'une façon exceptionnelle (dans un sens favorable ou non). Qu'il vienne! je l'accommoderai aux petits oignons (Guérin1892). b) Pleurer sans oignons, sans avoir épluché d'oignons. Avoir de bonnes raisons de pleurer. Dans cette maison, toutes les fois que vous aurez mal sans vous être coupé le doigt ou cogné le coude −toutes les fois que vous pleurerez sans avoir épluché d'oignons −cela sera une peine à dormir debout (Anouilh, Sauv.,1938, ii, p.193). c) [P. allus. au fait que les israélites, ayant quitté l'Égypte, regrettèrent ce pays pendant la traversée du désert] Regretter ses oignons d'Égypte. Regretter son ancien état: 5. ... la porte s'ouvrit et (...) le vieux rabbin entra: −Hé! c'est toi, David, s'écria-t-il; (...) tâche d'expliquer à Katel ce qu'il faut entendre par «l'idéal». David, à ces mots fronça le sourcil. −Tu veux te moquer de moi? fit-il. −Non, c'est très sérieux, dis à Katel pourquoi vous regrettiez tous les carottes et les oignons d'Égypte...
Erckm.-Chatr., Ami Fritz,1864, p.86. C. − P. anal. 1. Racine ou parties bulbeuse de certaines plantes. Synon. bulbe.Oignon de lis, de tulipe. Si vous saviez que de soins me coûte cette jacinthe! Si vous me voyiez placer l'oignon juste à un demi-pied en terre, mettre dessous de la terre maigre pour l'empêcher de pourrir, et de la terre grasse dessus pour lui donner de la nourriture! (Karr, Sous tilleuls,1832, p.9). 2. Spécialement a) Arg. Anus. Je croque en plein dans son nichon! Elle grogne (...). Une main, je lui passe dans l'oignon, je la laboure exprès... J'enfonce... Je m'écrabouille dans la lumière et la bidoche... Je jouis comme une bourrique (Céline, Mort à crédit,1936, p.326). Rem. ,,On dit aussi oignon brûlé`` (France 1907). b) HORLOG. Montre de poche de forme rebondie. Il regarda l'heure à un oignon attaché à un ruban noir (Gide, Isabelle,1911, p.614).Tenant toujours un petit verre d'une main, il cherche de l'autre sa montre dans la poche de son gilet et en sort un magnifique oignon dont on entend distinctement le tic tac: −Ah! ah! la montre est revenue de chez l'horloger! (G. Leroux, Roul. tsar,1912, p.119). c) MÉD. Callosité qui se forme au niveau des articulations du pied, en particulier à la naissance du gros orteil. Prenez-y garde, gens affectés d'oignons, M. le docteur annonce que le prix de leur extirpation coûtera le double de celui qu'il demande pour la guérison des cors et durillons (Balzac, OEuvres div.,t. 1, 1826, p.181).Panisse (...) se tient le pied gauche à deux mains et tire sur son soulier en faisant des grimaces (...): La pointe me presse sur mon oignon. Je crois que je ferais mieux de les quitter (Pagnol, Marius,1931, ii, 2, p.111). d) MÉD. VÉTÉR. Tumeur dure et douloureuse de la sole du cheval. (Dict. xixeet xxes.). REM. Ognonnée, subst. fém.Synon. de oignonade (infra dér.1).Il montrait une profonde écuelle où fumait son odorante ognonnée de chaque matin (Richepin, Cadet,1890, p.20). Prononc. et Orth.: [ɔ
ɳ
ɔ
̃]. Ac. 1718-1762: oignon; 1798: ognon; 1835, 1878: oignon, ognon; 1935: oignon. Velléités de prononc. orth., [wa-], à l'image de poigne, etc., ou de suppression de i, ognon, à l'image de rogne, etc. Martinet-Walter 1973 [-ɳ-], [-nj-] (8/9). Étymol. et Hist. 1. a) Bot. ca 1190 unniun (Gl. a. fr. ds T.-L.); mil. xiiies. oinun (Gloss. Glasgow, 156b, ibid.); ca 1265 oingnun (Voc. plantes, ms. Harley, 978, 139b, ibid.); 1690 flûte à l'oignon (Fur.); 1694 flûte d'oignon (Corneille); b) loc. 1551 vestu comme un oignon (anonyme, Response de la dame au jeune fils de Paris, 50 ds OEuvres de Cl. Marot, éd. G.Guiffrey, t. 3, p.679); 1595 [date d'éd.] il y a de l'oignon «il y a quelque mauvaise affaire là-dessous» (La Taille, Singeries de la Ligue, p.25); 1802 (Henrion, Les Amours de la halle, 31 ds Quem. DDL t. 15); 1611 se mettre en rang d'oignon «s'agréger à une compagnie où l'on n'a pas sa place» (Cotgr.); 1690 (Fur.: on dit qu'un homme se met en rang d'oignons, quand il se place en un rang où il y a des gens de plus grande condition que luy); 1654 en rang d'oignons «rangées sur une même ligne (personnes)» (Scarron, Virgile travesti, livre 5 ds OEuvres, éd. 1786, t. 4, p.310); 1855 aux petits oignons (Al. Arnault et L. Judicis, Les Cosaques ds Rigaud, Dict. arg. mod., 1881); 1901 c'est pas mon oignon (Bruant, s.v. affaire); 1922 c'est pas tes oignons (Tharaud, Randonnée Samba Diouf, p.119); 1948 occupe-toi/mêle-toi de tes oignons (Cendrars, Bourlinguer, p.173 et p.216); 2. a) 1538 «racine bulbeuse de certaines plantes» (Est.); b) 1611 oignon du pied «éminence du gros orteil» (Cotgr.); 1701 oignon «callosité douloureuse qui vient aux pieds» (Fur.); c) 1834 «montre» (chans. pop. ds Esn.); d) 1883 oignon brûlé «anus» (G. Macé, ibid.); 1890 oignon «id.» (d'apr. Esn.). Du lat. unionem, acc. de unio «sorte d'oignon qui n'a pas de caïeux» (Columelle) mais surtout att. à l'époque impériale dans le sens métaph. de «grosse perle», terme dial. en face du terme cour. caepa (d'où l'a. fr. cive* et l'a. prov. ceba, cf. encore ciboule) et qu'on rattache à unus «un» parce qu'à la différence de l'ail, il a un tubercule unique. Fréq. abs. littér.: 425. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 393, b)801; xxes.: a) 728, b) 604. DÉR. 1. Oignonnade, subst. fém.,art culin. ,,Préparation où domine l'oignon`` (Ac. Gastr. 1962). − [ɔ
ɳ
ɔnad]. − 1reattest. 1552 oignonnade (Rabelais, Quart Livre, éd. R. Marichal, chap. LIX, p.240); de oignon, suff. -ade*. 2. Oignonet, subst. masc.a) Petit oignon. (Dict. xixeet xxes.). b) P. anal. (de forme). Poire précoce (d'apr. Fén. 1970). − [ɔ
ɳ
ɔnε]. Ac. 1762, 1835, 1878: oi-; Ac. 1798: o-. − 1reattest. 1377 (Gace de La Buigne, Roman des Deduis, 3467 ds T.-L.); dimin. de oignon, suff. -et*. 3. Oignonière, subst. fém.Terre où sont cultivés des oignons. (Dict. xixeet xxes.). − [ɔ
ɳ
ɔnjε:ʀ]. Ac. 1762, et dep. 1835: oi-; Ac. 1798: o-. − 1reattest. 1546 (Est., s.v. cepina); dér. de oignon, suff. -ière*. BBG. −Chautard Vie étrange Arg. 1931, p.214 (s.v. ognon). _ Quem. DDL t. 3, 7, 15, 19. _ Sain. Arg. 1972 [1907] p.95. |