| ODEUR, subst. fém. A. − Émanation propre à un corps pouvant être perçue par l'homme ou par un être animé grâce à des organes particuliers et avec des impressions diverses (agréable, désagréable, indifférente). L'odeur âcre de deux lampes se mêlait à l'arome du chocolat, qui emplissait des bols encombrant la table à jeu (Flaub.,Éduc. sent., t.2, 1869, p.203).Des pelouses, des bassins, s'élevait une senteur fraîche que traversait, par effluves, l'odeur des pétunias, des géraniums (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p.327).V. aussi baraquette1ex. 2: 1. Seuls, la sensation, le souffle de l'eau salée demeuraient en moi. Je sentais l'odeur du varech, l'odeur de la vague, la rude et bonne odeur des côtes. Je marchais vite; je n'avais plus froid...
Maupass.,Contes et nouv., t.1, Épave, 1886, p.720. SYNT. Odeur délicieuse, divine, exquise, fine, suave; odeur écoeurante, fétide, infecte, nauséabonde; mauvaise odeur; odeur forte, puissante; douce, légère, vague odeur; odeur chaude, enivrante, fade, fraîche, pénétrante; odeur fauve; odeur de cuisine, de peinture, de pharmacie, de poussière, de soupe; odeur de moisi, de renfermé, de roussi; odeur de bouc, de cadavre, de pourriture; odeur de chair, de femme, de mâle; odeur d'herbe, de fruit, de jasmin, de violette; odeur de printemps; l'odeur du bois, du foin, du pain, de la terre; l'odeur des feuilles, des fleurs, des roses; sans odeur; avoir, dégager, répandre, garder une odeur; aspirer, renifler, respirer une odeur; une odeur monte, traîne. ♦ Odeur sui* generis. − Vieilli, littér. Parfum. Il me faut (...) du savon, un miroir, des peignes, des odeurs (About,Roi mont.,1857, p.110).Flacon d'odeur en porcelaine de Saxe (Lorrain,Contes chandelle,1897, p.166). − Région. (Canada). Savon d'odeur. Savon de toilette, savon parfumé. −T'es-tu lavée au savon d'odeur? (Guèvremont,Survenant,1945, p.56). B. − Au fig. 1. Qualité propre à quelqu'un, à quelque chose, donnant une certaine impression à quelqu'un. Ce poète (...) me paraît, à l'odeur de ses poèmes, passer la moitié de sa vie dehors (Fargue,Piéton Paris,1939, p.74). − [Qualifié par les adj. bon ou mauvais] Il se voit condamné à vivre dans une fétide atmosphère de dépression intellectuelle et d'immoralité, lui qui a senti la bonne odeur du monde civilisé (Renan,Avenir sc.,1890, p.400).La honte et la mauvaise odeur de son âme le gênaient (Jouve,Scène capit.,1935, p.33). − Odeur de (+ subst. de caractérisation).Malgré sa politesse, et peut-être aussi à cause de sa politesse, ce monsieur avait une indéfinissable odeur de coquin (Sand,Lettres voy.,1834, p.26).Un papier timbré, en bonne et due forme et qui vous avait une odeur d'honnêteté indiscutable (Miomandre,Écrit sur eau,1908, p.221): 2. De cette matinée passée à Amersfoort, de ces journées employées à Utrecht, j'ai emporté une sensation de sobre jouissance, toute une odeur de Port-Royal que je n'aurais jamais crue si vivante encore nulle part à cette date du siècle.
Sainte-Beuve,Port-Royal, t.5, 1859, p.153. SYNT. Odeur de jeunesse, de mystère, de vertu; odeur de crime, de débauche, de mensonge, de misère, de mort, de sang, de trahison. 2. Expr. et loc. a) Odeur de la poudre. Impression, atmosphère de guerre, de bataille. Bientôt ses lettres arrivèrent comme de glorieux bulletins, toutes respirant l'odeur de la poudre, toutes écrites le lendemain d'un jour de combat (Sandeau,Mllede LaSeiglière, 1848, p.18). b) Odeur de soufre. Odeur prêtée au diable, associée au mal. [Le Diable] a disparu sans autre trace de lui Qu'une odeur de soufre et qu'un aigre éclat de rire (Verlaine,OEuvres compl., t.1, Jadis, 1884, p.401). c) Odeur de fagot (fam.). Atmosphère d'hérésie. Nicolas Leroy, juriste, un peu luthérien. On sent souvent dans la fréquentation de Rabelais une odeur de fagot (A. France,Rabelais,1909, p.102). d) [Le suj. désigne une pers.] Être en bonne, en mauvaise odeur. Avoir bonne, mauvaise réputation; être bien, mal vu. Il put voir combien Jansénius y était en mauvaise odeur (Sainte-Beuve,Port-Royal, t.2, 1842, p.513).Nous ne sommes pas en bonne odeur chez notre hôtelier (Murger,Scènes vie boh.,1851, p.290). − [Avec des var.; le suj. désigne parfois une chose] Sa femme contribua beaucoup à le maintenir en bonne odeur au milieu de cette aristocratie (Balzac,Contrat mariage,1835, p.215).Les conversions qui sont le plus en agréable odeur à Rome (...) sont celles des schismatiques (Sainte-Beuve,Nouv. lundis, t.1, 1861, p.228).Le père (...) n'était pas en parfaite odeur à Ambert (Pourrat,Gaspard,1922, p.68). e) [P. allus. à la phrase de Vespasien qui avait établi un impôt sur les urinoirs publics] L'argent n'a pas d'odeur. Tout argent est bon à prendre, d'où qu'il vienne, quelle que soit la façon dont il a été obtenu. Son marché noir lui rapporte gros et il en fait beaucoup profiter le maquis. L'argent n'a pas d'odeur (Triolet,Prem. accroc,1945, p.344). C. − RELIG. CHRÉT. 1. Odeur de sainteté a) Odeur agréable exhalée par le corps de certains saints après leur mort: 3. Enfin, après la mort de la princesse, qui eut lieu en 1824, je crois, on reconnut que son cadavre exhalait l'odeur de sainteté et, bien qu'elle n'ait pas été canonisée, son intercession est invoquée par ses filles, dans certains cas.
Huysmans,En route, t.1, 1895, p.196. b) Expr. fig. − Vivre, mourir en odeur de sainteté. Vivre, mourir en étant considéré comme un saint. L'une des chapelles contient le tombeau du dernier archevêque, mort en 1826 en odeur de sainteté (Michelet,Journal,1835, p.183).Elle a vécu jusqu'à l'âge de quatre-vingt-dix-huit ans, je crois, en odeur de sainteté (Sand,Hist. vie, t.2, 1855, p.311). ♦ P. plaisant. Philippe mourra en odeur de travail (Renard,Journal,1901, p.674). − Fam. [Le suj. désigne une pers., parfois une chose] N'être pas en odeur de sainteté (auprès de qqn, dans un lieu, une collectivité). Être mal vu, ne pas être apprécié. Angélique n'était pas en odeur de sainteté dans sa famille (Nerval,Filles feu, Angélique, 1854, p.561).−Paraît que rue de Grenelle, la brandade n'est pas en odeur de sainteté, remarqua l'un (A. Daudet, N. Roumestan,1881, p.283). ♦ [À la forme affirmative] Rare: 4. Un dimanche, Mmede Condamin (...) s'était entretenue avec lui pendant une bonne demi-heure. −Eh bien! monsieur l'abbé, lui disait Mouret en riant, vous voilà en odeur de sainteté, maintenant...
Zola,Conquête Plassans,1874, p.987. ♦ [Autre var.] Je ne vous ai pas en particulière odeur de sainteté (Aymé,Tête autres,1952, p.43). 2. [P. allus. à des textes bibliques] a) [Gen. viii, 21; Exode xxix, 18, 25, etc.; l'expr. odeur de suavité indiquant que les sacrifices offerts à Dieu lui sont agréables] Qu'elles [les deux Espèces] montent devant Votre trône en odeur de suavité! (Claudel,Corona Benignitatis,1915, p.392). b) [ii Cor. ii, 15; le suj. désigne une pers.] Être la bonne odeur du Christ. Avoir un comportement qui rappelle celui du Christ. Auprès des uns et des autres, je m'efforçais d'être la bonne odeur du Christ (Billy,Introïbo,1939, p.196). REM. 1. Odorisant, subst. masc.Produit que l'on ajoute à un gaz pour lui donner une odeur caractéristique permettant de détecter des fuites éventuelles. La présence de cet odorisant dans le gaz naturel doit provoquer chez l'usager un réflexe de défense devant le danger (SNPA, Tour Aquitaine (public. pour l'«Alerton 88», Paris)). 2. Odorisation, subst. fém.Opération consistant à ajouter un odorisant à un gaz; résultat de cette opération. L'odorisation se fait maintenant avec le même produit dans toute la France pour uniformiser le type d'odeur (...). Il assure une odorisation tenace et constante à toutes pressions (Manuel pour le transp. et la distribution du gaz, Paris, 1968, p.883). 3. Odoriser, verbe trans.[Le compl. désigne un gaz] Ajouter un odorisant à un gaz. Le cahier des charges français pour les concessions de transport de gaz ne fait d'ailleurs aucune obligation d'odoriser le gaz transporté (SNPA, loc. cit.). 4. Odoriseur, subst. masc.Appareil permettant l'odorisation d'un gaz. L'odoriseur «OPIP» comporte essentiellement: (...) un générateur d'impulsions (Herfilco (public.), Levallois). Prononc. et Orth.: [odoe:ʀ], [ɔ-]. Fér. 1768, Pt Rob., Warn. 1968, Lar. Lang. fr.: [ɔ-], Warn. avec une var. [o-]; Littré, Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930: [o-], Passy avec une var. [ɔ-]. Martinet-Walter 1973 [o-], [ɔ-] (13/5). Att. ds Ac. dep. 1694 Étymol. et Hist. 1. Début xiies. «parfum» udur (Voyage de Saint-Brendan, 95 ds T.-L.); 2. 1121-35 «sensation que produisent sur l'odorat les émanations du corps» odur (Philippe de Thaon, Bestiaire, 1946, ibid.); 3. a) fin xiies. «impression qu'une personne fait sur l'âme d'autres personnes» odour de (Sermons St Bernart, éd. W. Foerster, p.167, 3); b) 1585, 10 juin «réputation» en mauvaise odeur (Lett. miss. de Henri IV, t.II, p.71 ds Gdf. Compl.); 1611 en bonne odeur (Cotgr.); 2emoitié xviies. en odeur de sainteté (Pellisson, Lettres historiques, t.1, p.131 ds Littré); 1672 mourir en odeur de sainteté (Godeau ds Rich. t.2, 1688); 1835 n'être pas en odeur de sainteté auprès de quelqu'un (Ac.). Empr. du lat. odor «senteur, exhalaison (bonne ou mauvaise)». Fréq. abs. littér.: 6242. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3279, b) 8327; xxes.: a) 11761, b) 12214. Bbg. Duchacek (O.). Déficiences du lex. Ét. rom. Brno. 1974, no7, p.10. _Quem. DDL t.17. |