| NOSTALGIE, subst. fém. A. − 1. État de tristesse causé par l'éloignement du pays natal. La nostalgie est le regret du pays natal: aux rives du Tibre on a aussi le mal du pays, mais il produit un effet opposé à son effet accoutumé: on est saisi de l'amour des solitudes et du dégoût de la patrie (Chateaubr.,Mém.,t.3, 1848, p.400).La nostalgie de Paris, qui avait, dès le début de l'exil, rendu à Juliette insupportable tout lieu fautif de ne pas être Paris, s'était encore aggravée à Lyon (Triolet,Prem. accroc,1945, p.72).V. douceur ex. 7: 1. ... depuis deux ans et demi qu'il desservait cette paroisse, l'abbé Madeline ne faisait que décliner. La nostalgie, le regret désespéré de ses montagnes d'Auvergne l'avait rongé un peu chaque jour, en face de cette plate Beauce, dont le déroulement à l'infini noyait son coeur de tristesse.
Zola,Terre,1887, p.458. 2. PSYCHOPATHOL. Trouble psychique provoqué par l'éloignement du lieu habituel d'existence. [Des médecins] viennent de montrer que les psychoses de captivité observées pendant la dernière guerre, étaient fondamentalement et originellement des nostalgies et que le retour des prisonniers, leur reprise de contact avec la vie familiale avaient amené de nombreuses et rapides guérisons (Porot1960 et 1975). B. − Regret mélancolique d'une chose, d'un état, d'une existence que l'on a eu(e) ou connu(e); désir d'un retour dans le passé. Nostalgie de l'enfance, du passé, de la gloire militaire; nostalgie lancinante, secrète; douce, implacable nostalgie. Xavier parlait de son isolement, de ce besoin d'intimité qui lui donnait parfois la nostalgie de la vie de famille. Il avait eu une enfance si heureuse près de sa mère qui l'adorait! (Theuriet,Mais. deux barbeaux,1879, p.102).Il connaissait cette sorte de nostalgie anticipée qui est la conscience même du bonheur (Druon,Chute corps,1950, p.88).V. amour ex. 95: 2. Chacun de nous a connu les joies les plus chaudes là où rien ne les promettait. Elles nous ont laissé une telle nostalgie que nous regrettons jusqu'à nos misères, si nos misères les ont permises.
Saint-Exup.,Terre hommes,1939, p.244. C. − Regret mélancolique d'une chose, d'un état, d'une existence que l'on n'a pas eu(e) ou pas connu(e); désir insatisfait. Nous fumâmes longuement quelques cigares dont la saveur et le parfum incomparables donnaient à l'âme la nostalgie de pays et de bonheurs inconnus (Baudel.,Poèmes prose,1867, p.140).Le père Leloir (...) parlait beaucoup du mariage et de telle sorte qu'il semblait avoir une nostalgie inconsciente de la vie conjugale (Green,Journal,1946, p.16): 3. ... j'ai toujours trouvé la réalité plus nourrissante que les mirages; or les choses qui existaient pour moi avec le plus d'évidence, c'était celles que je possédais: la valeur que je leur accordais me défendait contre les déceptions, les nostalgies, les regrets; mes attachements l'emportaient de loin sur mes convoitises.
Beauvoir,Mém. j. fille,1958, p.48. − En partic., littér. Sentiment d'impuissance qu'éprouve une personne qui aspire à un idéal ou qui recherche passionnément une valeur, une qualité. Nostalgie de l'absolu. Dans l'univers mallarméen, la nostalgie de la pureté, de l'innocence se traduit par des images révélatrices (Béguin,Âme romant.,1939, p.382).Le héros romantique s'estime (...) contraint de commettre le mal, par nostalgie d'un bien impossible (Camus,Homme rév.,1951, p.69): 4. Ceux qui n'ont jamais connu la nostalgie du ciel, la soif de l'infini, l'adoration de l'inconnu, le rêve de la perfection, la sublime folie de l'âme, ceux-là (...) n'ont pas encore le sens du divin...
Amiel,Journal,1866, p.160. D. − État de mélancolie, de tristesse sans cause précise. Devant le fourneau, un homme de haute stature et de prestance sénatoriale, une veste blanche sur l'épaule, semblait rêver profondément, en proie à une nostalgie (Gautier,Hist. romant.,1872, p.48).Noël! Abîme d'ennui et de médiocrité chez ceux avec qui je dois le vivre. Journée de pluie, de nostalgie, d'angoisse (Montherl.,J. filles,1936, p.950): 5. −Eh bien, fit l'abbé, en riant, vous êtes un des seuls laïques qui supportiez aussi facilement notre régime. Généralement, tous ceux qui ont tenté de faire une retraite parmi nous étaient rongés par la nostalgie et par le spleen et ils n'avaient plus qu'un désir, prendre la fuite.
Huysmans,En route,t.2, 1895, p.137. Prononc. et Orth.: [nɔstalʒi]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1. 1769 méd. (J. Lieutaud, Précis de la méd. prat., t.1, p.309); 2. 1834 p. ext. «mélancolie vague, ennui» (Balzac, Rech. absolu, p.199). Empr. au lat. sc. nostalgia (1678, J. J. Harder, De nostalgia, hoc est de tristitia et tabe ex cupiditate redeundi in patriam) formé du gr. ν
ο
́
σ
τ
ο
ς «retour» et α
λ
γ
ο
ς «douleur, mal (v. -algie)», littéralement «mal du retour». Fréq. abs. littér.: 615. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 54, b) 404; xxes.: a) 883, b) 1820. |