| * Dans l'article "NOIRCIR,, verbe" NOIRCIR, verbe Rendre noir; devenir noir. I. − [Correspond à noir I A] A. − Emploi trans. Qqn1/qqc.1noircit qqc.2Rendre noir. L'immense foule qui noircissait toute l'étendue de la rue au-dessous de moi (Janin,Âne mort,1829, p.184).Les grosses et basses colonnes en pierre gris bleu qui les soutiennent. Au dehors, elles sont noircies par le temps (Michelet,Chemins Europe,1874, p.284). − En partic. Colorer en noir, enduire de noir. Noircir les chaussures (avec du cirage). Le poirier et le hêtre noirci continuent à imiter l'ébène pour les meubles modestes (Viaux,Meuble Fr.,1962, p.162). − Le soleil noircit le teint, la peau. Brunir, hâler. Capus, tout noirci par le soleil (Renard,Journal,1902, p.764). − Noircir du papier (fam. et gén. péj.). Écrire abondamment. Balzac que hantait l'impérieux besoin de noircir beaucoup de papier pour se mettre en train (Huysmans,À rebours,1884, p.154).J'accuse cet agenda tout noirci d'inutile (Montherl.,Celles qu'on prend,1950, iii, 1, p.817). − TECHNOL. Procéder au noircissement (infra dér. 1). Noircir un cuivre et l'enfumer (Bég.Estampe1977). − Emploi pronom. réfl. Se noircir les cheveux. Lorsqu'ils avaient tué un ennemi, tous les braves se noircissaient le visage en signe de victoire (Lowie,Anthropol. cult.,trad. par E. Métraux, 1936, p.252). B. − Emploi intrans. (ou pronom.). Qqc.2noircit. 1. Devenir noir. Le caillot sanguin [d'un animal à qui on a coupé la moelle épinière] reste aussi plus longtemps à noircir à l'air (Cl. Bernard, Notes,1860, p.96).Les raisins, qui commençaient à noircir, promettaient une belle vendange (Theuriet,Mariage Gérard,1875, p.115). − En partic. ♦ [En parlant du temps, de la nuit] S'obscurcir. Le soir, quand le ciel est pur et que la nuit tarde à noircir (Duhamel,Suzanne,1941, p.196).V. fauche ex. de Bosco. ♦ [En parlant de ce sur quoi on écrit] Se remplir de textes écrits. Et tandis que les pages se noircissaient à vue d'oeil sous le galop précipité de sa main, sa pensée aussi galopait (Courteline,Ronds-de-cuir,1893, 2etabl., i, p.61). ♦ [En parlant d'un tableau ou de ses couleurs] Foncer en vieillissant. La couleur de cette magistrale peinture [la Vierge aux rochers] a noirci surtout dans les ombres, mais n'a rien perdu de son harmonie (Gautier,Guide Louvre,1872, p.66).Au fig. Je regardais diminuer, s'éteindre, noircir mes souvenirs (Colette,Naiss. jour,1928, p.38). 2. Apparaître comme un espace ou un point noir. Les petits voient tout à coup la guerre noircir au loin comme un terrible nuage (Romains,Hommes bonne vol.,1932, p.54).Sur les crètes, vers Beaumont, noircissent les bois de pin (Giono,Chron.,Noé, 1947, p.54). 3. Plus rare, emploi pronom. Le visage se lézarde, se détériore, se noircit comme une fresque, s'effeuille comme une fleur fanée (Amiel,Journal,1866, p.69). II. − Au fig. [Correspond à noir I B] A. − Emploi trans. 1. Noircir qqc. a) Présenter (un fait, une situation, une action) sous des couleurs plus sombres que n'est la réalité. Noircir la situation. Il s'enferme avec de sombres délices dans un cercle vicieux: il finit par exagérer et noircir toutes les circonstances (Amiel,Journal,1866p.238). b) Littér. Rendre sombre, triste. Ne vous noircissez pas la tête; ne vous occupez que de votre santé et ne songez qu'à nous revenir (Chateaubr.,Corresp.,t.2, 1821, p.397).Lorsqu'elle reconnut Séverine, ses yeux s'agrandirent démesurément, une ombre d'affreuse souffrance noircit son visage pâle (Zola,Bête hum.,1890, p.226): 1. Il avait l'âme fort noircie et remuée, peut-être moins de la mort de sa fille, que de ces parfums, ces flambeaux, et tout cet appareil lugubre dont l'hôtel venait d'être enveloppé...
Bourges,Crépusc. dieux,1884, p.86. 2. Noircir qqn (ou, p. méton., sa réputation, son intégrité).Exagérer ses défauts, ses insuffisances. Il y a d'estimables écrivains réformés qui s'attachent depuis quelque temps à noircir, à obscurcir du moins la gloire de Henri IV (Sainte-Beuve,Caus. lundi,t.12, 1856, p.305).Après quoi j'ai été chassé, traqué, poursuivi, persécuté, noirci, raillé, conspué, maudit, proscrit (Hugo,Misér.,t.1, 1862, p.60): 2. ... si c'est une mauvaise action que de noircir dans l'esprit d'un prince, le dernier de ses sujets, qu'est-ce lorsqu'on noircit la nation entière (...)?
Le Moniteur,t.2, 1789, p.500. − [L'obj. est un subst. abstr. à connotation négative] Rendre encore plus noir. Loin de chercher à noircir son vice, je le lui ai représenté simplement comme une des formes de la paresse (Gide,Faux-monn.,1925, p.1099): 3. ... il eût fallu se demander honnêtement si nous n'avions pas un peu noirci la Terreur. Après tout, ni la révolte ou l'absence, ni le monstre et le déchaînement ne sont nécessairement terroristes...
Paulhan,Fleurs Tarbes,1941, p.164. Rem. Noircir/dénigrer: ,,Par la raison que noircir attaque l'honneur, il ne se dit que des personnes ou de leurs actions morales. Par la raison que dénigrer s'adresse à tout genre de mérite, il s'applique aux choses. Car on tâche de rabaisser leur prix, de les rendre méprisables. On dénigre un ouvrage, une marchandise, on ne les noircit pas: on dénigre et on noircit un auteur, un marchand`` (Guizot 1864). − Emploi pronom. réfl. Montrer ses propres défauts; s'accuser d'actions répréhensibles. Chacun de ces complices dupait l'autre en se noircissant de crimes qu'il n'avait pas commis (Radiguet,Bal,1923, p.74). ♦ Pop. ,,S'enivrer`` (Esn. 1966). B. − Rare 1. Emploi intrans. Noircir de colère (v. noir I B 3). Les yeux du Rouge (...) reprirent leur frais éclat vivant, son pelage le lustre ardent de la santé (...) quand il se heurtait au grillage, ses prunelles noircissaient de colère et il encensait en ronflant (Genevoix,Dern. harde,1938, p.82). 2. Emploi pronom. Sans qu'un seul mot de Giulia eût révélé de quel plus sombre crime encore, leur adultère se noircissait (Bourges,Crépusc. dieux,1884, p.135). REM. Noircissant, -ante, part. prés. adj.a) Qui devient noir, rend noir. Sous le ciel où des nuages se déploient, déchiquetés comme des linges à travers l'étendue noircissante qui semble s'être salie (Barbusse,Feu,1916, p.334).b) Au fig. L'imagination de M. Huysmans est bilieuse et noircissante (Lemaitre,Contemp.,1885, p.321). Prononc. et Orth.: [nwaʀsi:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1130 trans. «rendre noir» (Paraphrase Cantique des Cantiques, éd. E. Koschwitz, 61: Ellest nercidet); ca 1200 noircir (Aliscans, éd. F. Guessard et A. de Montaiglon, 3159); ca 1145 intrans. nercir «devenir noir» (Wace, Conception ND, éd. W. R. Ashford, 1784); 1549 pronom. se noircir (Est.); b) 1698 noircir du papier «écrire» (Boileau, Satires, éd. A. Cahen, XI, 55: noircir d'insipides papiers); 2. 1160-74 intrans. fig. «s'assombrir, sous l'effet de la tristesse ou de l'émotion» (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 2289, t.1, p.91: moult nerci et parfont soupira); 1180-90 noirchir (Alex. de Paris, Alexandre II, β 111, 12 in Elliott Monographs no40, p.68); 1176-81 trans. nercir «attrister» (Chr. de Troyes, Chevalier Charrette, éd. W. Foerster, 958); ca 1225 cuer noirci (Gui de Bourgogne, éd. F.Guessard et H. Michelant, 99 ds T.-L.); 3. a) 1erquart xiiies. trans. «dévaloriser» (Reclus de Molliens, Miserere, éd. van Hamel, § 53, 9: Sen don noirchist ki le detrie); b) ca 1470 trans. noircir «calomnier, charger, diffamer (quelqu'un)» (G. Chastellain, Chronique, éd. Kervyn de Lettenhove, t.5, p.157); 1592 noircir la réputation de qqn (Lettre de Cath. de Bourbon au roi ds Gdf. Compl.); ca 1470 pronom. «se rendre infâme, odieux» (G. Chastellain, op. cit., t.2, p.172); 4. 1918 pronom. pop. «s'enivrer» (Esn.). D'un lat. pop. *nigricīre, réfection du lat. class. nigrescere «devenir noir, noircir», dér. de niger «noir». Fréq. abs. littér.: 245 (noircissant: 20). Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1141, b) 1444; xxes.: a) 1208, b) 888. DÉR. 1. Noircissement, subst. masc.Action de noircir ou de se noircir. a) a/) [Au sens physique] Le noircissement du papier sensible à la lumière. Je laisse percer mon regret du noircissement progressif d'une certaine vasque par la cendre de nos «londrès» (Proust,Temps retr.,1922, p.716).Courbe caractéristique de noircissement (Radiogr. 1979). b/) Spéc. Lithogr. Noircissement du métal. ,,On cherche quelquefois à noircir les plaques métalliques, en général pour améliorer la visibilité de l'image (...). Noircissement du zinc: On peut utiliser une solution de chlorure d'antimoine (...). Noircissement du cuivre: Avec une solution très diluée de polysulfure de sodium`` (Bég. Estampe 1977). Métall. ,,Action de graisser l'intérieur des moules dans les fonderies`` (Littré; ds Lar. encyclop.). b) Au fig., rare, littér. Et ce noircissement systématique, dans votre roman, de tous les représentants d'un ordre social détestable, c'est parce qu'il n'est pas très honnête que je ne le crois pas très adroit (Gideds Lar. Lang. fr.).− [nwaʀsismɑ
̃]. − 1resattest. a)mil. xives. nercissement «action de noircir» (Roques t.1, p.308, IV, 2288: denigratio nercissement), 1598 noircissement (Joubert, Grande chirurgie, p.481 ds Gdf.), b) 1868 métall. (Littré); de noircir, suff. -ment1*. 2. Noircissure, subst. fém.,oenol. ,,Altération des vins qui prennent une teinte noire`` (Chesn. t.2 1858; dict. xixes., Rob. et Lar. Lang. fr., notamment avec le sens gén. de «tache noire»). − [nwaʀsisy:ʀ]. Ac. 1694: -eure; dep. 1718: -ure (pas d'accent circonflexe pour la disparition de e). − 1resattest. a) 1514 «action de noircir» (B.du Comité des travaux hist. et sc., 1898, p.77: Pour la noircissure d'une paire d'estrieulx et une paire d'esperons), b) 1538 «état de ce qui est noir» (Est. ds FEW t.7, p.138), c) 1840 oenol. (Ac. Compl. 1842); de noircir, suff. -ure*. BBG. −Bruneau (Ch.). N. créés au moy. du suff. -ment. In: [Mél. Orr (J.)]. Manchester, 1953, p.26 (s.v. noircissement). |