| NIVELLEMENT, subst. masc. A.− 1. Action de niveler, de mettre de niveau la surface (d'un sol, d'un terrain) pour en faire un plan uni et horizontal; résultat de cette action. Synon. nivelage.Rouleau de nivellement. On travaille au nivellement de ce terrain, qui est fort inégal (Ac.).De grands travaux de perfectionnement agricole seraient nécessaires : défoncements, drainages, nivellement ou adoucissement des pentes, charrois d'engrais (Jaurès, Ét. soc.,1901, p. 16).Les obstacles [à la culture] peuvent être constitués par la terre elle même soit sous forme de buttes, soit au contraire sous forme d'excavation, et nous devrons faire du nivellement (Ballu, Mach. agric.,1933, p. 25).On procédera au nivellement de la parcelle qui sera légèrement bombée. S'il y a lieu, un drainage sera prévu (Levadoux, Vigne,1961, p. 103). − GÉOMORPHOL. Aplanissement (du relief) dû à l'érosion (fluviale, marine...). M. du Fourni (...) nous fit part aussi de ses observations sur les arbres et sur le nivellement des eaux de la mer (Voy. La Pérouse,t. 2, 1797, p. 8). 2. Au fig. a) Égalisation des fortunes, des conditions sociales. Nivellement graduel, violent; nivellement démocratique, social; nivellement des classes, des salaires; politique, tentatives de nivellement; opérer un nivellement; procéder à un nivellement. Les libertés privilégiées doivent périr sous la force centralisante, qui doit tout broyer pour tout égaler. Ce long nivellement de la France par l'action monarchique est ce qui sépare profondément notre patrie de l'Angleterre, à laquelle on s'obstine à la comparer (Michelet, Introd. Hist. univ.,1831, p. 456).On a beaucoup crié contre la tyrannie des nobles (...) mais le nivellement commencé par 1789 et repris en 1830 a préparé la louche domination de la bourgeoisie, et lui a livré la France (Balzac, Paysans,1844, p. 169).Ainsi le jeu des intérêts, en dépit des institutions de nivellement, rétablit des dominations et des servages! Hier, nous nous figurions la féodalité abolie (...). Cependant le système subsiste d'un puissant qui impose son patronat, qui oblige des intérêts plus faibles à se lier au sien propre et à lui rendre un hommage en échange d'une aide (Barrès, Appel soldat,1900, p. 312). b) Domaine de l'écon.Nivellement des salaires. ♦ Nivellement des prix. On admettra le parfait nivellement des prix sous l'influence de la libre concurrence (Cournot, Fond. connaiss.1851, p. 233). ♦ Nivellement par le bas, par la base. Réduction vers le plus bas niveau (de l'échelle des valeurs). Grâce à (...) [une] élévation de salaires les ouvriers disposaient de plaisirs non essentiellement différents de ceux des possédants, − d'autant qu'il s'est produit un nivellement par le bas (...) les possédants rejoignant les ouvriers sur le terrain neutre et surpeuplé du cinéma (Du Bos, Journal,1924, p. 15). c) Domaine des valeurs intellectuelles, mor., esthét.Nivellement des courages; nivellement intellectuel. Je suis allé hier à l'Exposition, qui m'a semblé d'un médiocre désespérant. L'art tend à un nivellement qui est au fond la platitude (Mérimée, Lettres à une inconnue,t. 2, 1859, p. 43).Quel nivellement est pire que celui de l'oubli? Devant la mort, nous sommes définitivement égaux. (...) la mort invite à la suivre dans sa ronde le pape, l'empereur, le seigneur, le journalier, le moine, le petit enfant, le fou et tous les autres représentants des autres professions et des autres états (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 165). B.− GÉOD., TOPOGR. Action de niveler, de mesurer les niveaux, les hauteurs comparatives entre les divers points d'un terrain en vue de déterminer leur altitude par rapport à une même surface de niveau réelle ou fictive, prise comme référence (ou plan de comparaison). Instruments de nivellement; cote de nivellement; plans et profils de nivellement; règlement des nivellements (dans une ville); remédier aux imperfections de nivellement; travailler au nivellement d'un aqueduc. On fait des nivellements pour la construction d'un chemin de fer, d'un aqueduc, d'un canal. On opère le nivellement d'une rivière, pour en relever les pentes (Jossier1881).Si on opère par triangulation il faut exiger que tous les nivellements soient fermés sur des points déjà nivelés (Bricka, Cours ch. de fer,t. 1, 1894, p. 55).La gravimétrie et le nivellement sont (...) intimement liés. Les corrections de relief avoisinant ne peuvent être calculées que de façon schématique et conventionnelle (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 456). ♦ Nivellement direct ou géométrique (de précision). ,,Le nivellement direct consiste à placer entre deux points (...) une lunette de tachéomètre calée à zéro ou bien un niveau, instrument qui comporte essentiellement une lunette et une nivelle`` (Encyclop. Sc. Techn. t. 10 1973, p. 520, s.v. topographie). V. nivelle dér. s.v. niveau ex. de J. Goguel, La Gravimétrie, Paris, P.U.F., 1963, no1030, p. 5. ♦ Nivellement géodésique. ,,C'est un nivellement indirect à longue portée (...), effectué sur mires géodésiques avec un théodolite très précis (...). Ce mode de nivellement est difficile et peu précis`` (Lar. encyclop.). ♦ Nivellement indirect à courte portée (...). ,,Il s'exécute au tachéomètre (...) moins précis que le (...) [nivellement direct, il] est rapide et efficace; il est recommandé dans les relevés ruraux`` (Lar. encyclop.). REM. Nivellation, subst. fém.,rare, au fig. Action d'égaliser, d'uniformiser (en estompant ce qui est saillant, particulier). Il faut redonner au village son caractère original et spécial à chaque province (...) restaurer (...) les mœurs et les usages qui perdent quelque peu de leur vivacité dans notre époque de nivellation (Becquet, Organ. loisirs travaill.,1939, p. 74).Il nous semble (...) que ces systèmes absurdes ne sont pas autre chose que la façon dont la conscience pense son état présent, c'est-à-dire cette nivellation crépusculaire (Sartre, Imaginaire,1940, p. 203). Prononc. et Orth. : [nivεlmɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. 1. 1538 « action de mesurer les niveaux des différents points d'un terrain » (Est., s.v. libramentum); 2. 1793 nivellement des fortunes (texte cité ds Frey, p. 253); 3. 1812 « action de niveler, son résultat » (Mozin-Biber t. 2). Dér. de niveler*; suff. -ment2*; au sens 2, cf. angl. levelism 1659 ds NED. Fréq. abs. littér. : 74. Bbg. Dub. Pol. 1962, p. 353. − Vardar Soc. pol. 1973 [1970], p. 273. |