| NIHILISME, subst. masc. A. − PHILOSOPHIE 1. Doctrine selon laquelle rien n'existe au sens absolu; négation de toute réalité substantielle, de toute croyance. (v. éternalisme rem. s.v. éternité). Nihilisme critique, ontologique. C'est [Flaubert] le négateur le plus large que nous ayons eu dans notre littérature. Il professe le véritable nihilisme (Zola, Romanc. natur., Flaubert, 1881, p.161): . −Il n'y a rien. Le monde est une immense aurore boréale. Ce nihilisme absolu le rendait [Taine] triste, mais il se raidissait contre toute idée consolatrice; il mettait un âpre stoïcisme à la nier, à la détruire.
Barrès, Cahiers, t.10, 1913, p.145. 2. MOR. Négation des valeurs morales et sociales ainsi que de leur hiérarchie. Du point de vue de l'éthique, le nihilisme réfute l'idée d'une vérité morale procédant d'une hiérarchie des valeurs; la valeur elle-même serait une notion inconsistante aussi bien du point de vue théorique que du point de vue pratique (Thinès-Lemp.1975). − Disposition d'esprit caractérisée par le pessimisme et le désenchantement moral. Cet affaiblissement de la volonté (...), c'est vraiment la maladie du siècle. On employait ce terme, il y a cinquante ans; on a parlé ensuite de grande névrose; on parle aujourd'hui de pessimisme et de nihilisme (Bourget, Nouv. Essais psychol., 1885, p.173).Jamais le patriarche du néant [Antoine Saint-Marin], à ses meilleures heures, ne s'éleva plus haut qu'un lyrique dégoût de vivre, un nihilisme caressant (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p.287).La plupart des écrivains ressassaient «notre inquiétude», et m'invitaient à un lucide désespoir. Je poussai à l'extrême ce nihilisme. Toute religion, toute morale, était une duperie (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p.228). B. − POL. Doctrine, apparue en Russie dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle, qui n'admettait aucune contrainte de la société sur l'individu et qui aboutit au terrorisme radical; mouvement terroriste se réclamant de cette doctrine, qui passa à l'action vers 1870. Nihilisme destructeur. Quelle aventure étrange et redoutable et ahurissante que celle du nihilisme et de la police russe! (G. Leroux, Roul. tsar, 1912, p.131).Le terme même de nihilisme a été forgé par Tourgueniev dans un roman Pères et enfants dont le héros, Bazarov, figurait la peinture de ce type d'homme [l'individu-roi] (Camus, Homme rév., 1951, p.193). Prononc. et Orth.: [niilism̭]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. 1. 1787 «négation de toute existence, de toute croyance» (Correspondance littér. secrète, 1erjuin, p.199 ds St. neophilol. t.36 1964, p.326); 2. 1840 «doctrine qui nie toute vérité morale et sociale» (Ac. Compl. 1842); 3. 1871 pol. (E. Cézanne, Annales de l'Assemblée nationale, V, 435 ds Dub. Pol., p.352). Dér. du lat. nihil «rien»; suff. -isme*; au sens 3, empr. au russe nigilism (1829, répandu par le roman de Tourgueniev, Pères et enfants, 1862), lui-même prob. empr. au fr., v. Vasmer. Fréq. abs. littér.: 201. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 29, b) 39; xxes.: a) 318, b) 616. |