| NERF, subst. masc. A. − ANAT. Filament blanchâtre et cylindrique composé de faisceaux de fibres nerveuses, reliant un centre nerveux à un organe et conduisant les incitations sensorielles, sensitives, motrices ou sécrétoires. Filet, branche, ramification d'un nerf; chronaxie d'un nerf. Le curare agit localement sur les nerfs. Il agit sur les centres nerveux, et quand un nerf a été séparé des centres, il n'agit pas sur lui (Cl. Bernard, Notes, 1860, p.46).Les émotions s'accompagnent, comme chacun le sait, de modifications de la circulation du sang. Elles déterminent par l'intermédiaire des nerfs vasomoteurs la dilatation ou la contraction des petites artères (Carrel,L'Homme, 1935, p.170): 1. Le plus gros et le plus postérieur, que Lyonet a nommé premier ganglion frontal, se prolonge en arrière en un gros nerf récurrent qui suit toute la longueur du corps du côté du dos. Ce nerf récurrent donne des filets à l'oesophage et à ses muscles.
Cuvier,Anat. comp., t.2, 1805, p.327. SYNT. Nerf acoustique, auriculaire, cardiaque, carotidien, cervical, crânien, crural, cutané, dorsal, facial, intercostal, lacrymal, lombaire, olfactif, optique, pelvien, pneumogastrique, sacré, sciatique, vague, vésical; nerf érecteur, obturateur, vasodilatateur; nerfs cérébro-spinaux, végétatifs, périphériques, rachidiens; nerfs afférents, efférents; nerfs moteurs, sensitifs. − Au plur. et dans le lang. cour. Organe récepteur des excitations extérieures entraînant des manifestations physiques ou psychologiques influençant notablement le comportement; constitution nerveuse de quelqu'un. Calmer, dominer ses nerfs; avoir les nerfs délicats. Toutes ces circonstances unies à un extrême ébranlement de nerfs me donnent quelquefois l'idée que je ne vous reverrai plus, et la mort sous cette forme m'attendrit extrêmement (Staël,Lettres L. de Narbonne, 1792, p.46).Heureux les gens qui n'ont pas de nerfs, les gens calmes et forts, ceux qui ne sont pas naturellement et toujours agités, comme les feuilles du tremble! (Flaub.,Corresp., 1867, p.307): 2. Dans ses années d'adolescence, où il était plus livré à ses nerfs, perpétuellement alternaient en lui des périodes d'exaltation et des périodes de dépression, se succédant d'une façon brusque.
Rolland,J.-Chr., Maison, 1909, p.943. 1. [Dans des loc. et expr. exprimant un état de nervosité plus ou moins intense] Avoir ses nerfs (vieilli); avoir les nerfs en pelote, en vrille (fam.); avoir mal aux nerfs; avoir les nerfs à vif, tendus, crispés, rompus; attaque de nerfs; avoir les nerfs à bout, à fleur de peau; être à fleur de nerfs, à bout de nerfs; être trahi par ses nerfs; vivre sur les/ses nerfs; perdre les/ses nerfs. Je suis sorti avant la fin, malade des nerfs, et donnant au diable la maladresse de notre ami (J.-J. Ampère, Corresp., 1824, p.287).Ces souvenirs étaient si poignants à évoquer, ce soir, que, brusquement, ses nerfs le trahirent (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p.322): 3. Elle courut à la porte, en chemise. Finocle enfonça sa tête dans l'oreiller chaud, il entendit des cris, se boucha les oreilles, et, les nerfs écorchés, bondit à la fenêtre qu'il ouvrit grande...
Aymé,Rue sans nom, 1930, p.252. − Crise* de nerfs. 2. [Dans des loc. et expr. exprimant l'agacement, l'énervement] Porter sur les nerfs. Enfin! s'écria Marguerite en reparaissant, le voilà parti; ce garçon-là me porte horriblement sur les nerfs (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p.87). − Vieilli. Donner sur les nerfs. Quand je vois des gens d'esprit comme vous se laisser berner de la sorte, ça me donne sur les nerfs, et je ne puis me retenir de leur crier casse-cou! (Theuriet,Mariage Gérard, 1875, p.70). − Fam. Taper sur les nerfs. Dieu! Que son ton péremptoire me tapait sur les nerfs, quand je l'entendais affirmer: −L'oeuvre de chaque auteur doit pouvoir se résumer dans une formule (Gide,Si le grain, 1924, p.541). − Passer ses nerfs sur qqn. Qu'est-ce qui m'arrive après tout? Il faut voir les choses comme elles sont... J'aurai eu les nerfs mal montés, et j'ai cherché querelle à mes illusions, pour passer mes nerfs sur quelqu'un (Goncourt,Ch. Demailly, 1860, p.246). 3. [Dans des loc. et expr. exprimant une qualité de tempérament] a) [Tempérament irritable] Pelote de nerfs; boule de nerfs (fam.). Il m'avait dit: «Je ne veux plus que vous entendiez ces absurdités, ça vous rend malade». Et c'était vrai, parce qu'on me prend pour une femme sèche et que je suis, au fond, un paquet de nerfs (Proust,Temps retr., 1922, p.1013). b) [Tempérament calme, tranquille] Nerfs d'acier; nerfs solides; être maître de ses nerfs. Mes nerfs sont mieux trempés, peut-être, que ceux des plus flegmatiques et des plus blafards: j'affirme, toutefois, très humblement, que j'ai eu peur, ici, −et pour de bon (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p.306).Voyez-vous, monsieur le Président, il faut, pour (...) endurer la fièvre de l'huile, une tête solide et des nerfs à toute épreuve (Duhamel,Passion J. Pasquier, 1945, p.151). 4. En partic. Guerre des nerfs. V. guerre B 1. B. − [Terme de l'anc. anat., passé dans le lang. cour.] Tendon, ligament maintenant un muscle à son point d'attache. Tandis qu'il me parle, je regarde sa peau sèche, ses yeux creux, ses narines minces et les nerfs de son cou, et il me semble que l'araignée de la mort pose déjà ses fils (Renard,Journal, 1895, p.306).Ses cuisses étaient aussi dures que du bronze, dit-il, elle semblait quasiment toute en nerfs (Bernanos,M. Ouine, 1943, p.1500): 4. Les doigts, ne voulant pas lâcher prise, s'enfonçaient dans l'écorce comme des griffes de fer, et les nerfs se tendaient sur la main près de se rompre, ainsi que les cordes d'un violon dont on tourne trop les chevilles.
Gautier,Fracasse, 1863, p.413. 1. En partic. a) Nerf de boeuf (v. ce mot B). b) Filament blanchâtre, tendon, aponévrose qui se rencontre dans une viande. On m'apporte un rosbif, dont j'examine la viande aqueuse et sans graisse, rayée de nerfs blancs, dont mes yeux de peintre regardent le rouge noirâtre, si différent du rouge rose du boeuf (Goncourt,Journal, 1870, p.624). 2. P. anal. (de forme) a) ARCHIT. Nervure (v. ce mot B 1). − En partic. Nerfs d'ogives. ,,Sortes de moulures saillantes soutenant les pendentifs d'une voûte`` (Adeline, Lex. termes art, 1884). b) RELIURE. Cordelette servant à relier les feuillets au dos d'un livre. Dos à quatre nerfs, sans nerfs. Mon ami, vous vous doutez bien que je ne suis pas parti de Paris sans fourrer quelques vieux livres dans ma poche; en voici un qui est curieux, quoiqu'il ne soit pas très-rare; (...) qui a une jolie reliure en maroquin rouge, très-habilement montée sur nerfs (Du Camp,Hollande, 1859, p.27). 3. Au fig., au sing. a) Force, vigueur physique ou morale d'une personne. Il n'a pas le nerf nécessaire pour s'emparer d'une idée et la retourner en tout sens. Il la happe et la laisse retomber (Constant,Journaux, 1804, p.180).Les plaisanteries s'accentuaient: le café, ça donnait du nerf, c'était excellent pour les hommes qui dormaient trop; et, chaque fois qu'un des convives mariés en avalait une gorgée, on se tenait les côtes (Zola,Terre, 1887, p.192): 5. Le prince saisit le papier que lui tendait Sophie. Ce qu'il y trouva, ce fut l'accablement, ou, pour mieux dire, la prostration d'un homme sans nerf et sans courage qui, chargé du loyer de ses fautes, succombe sous le poids, et crie bonnement aux échos, demandant merci et de l'aide.
Gobineau,Pléiades, 1874, p.99. − En partic. Vigueur de style, de composition d'une oeuvre artistique; mordant dans l'exécution. Chénier a de la chaleur et de l'énergie dans la pensée, des situations tragiques, mais son style manque de vigueur, de nerf et d'éclat, il est au-dessous de sa pensée (Chênedollé,Journal, 1833, p.175).L'harmonie à cinq est peu à peu délaissée pour le quatuor, qui laisse plus de jeu aux mouvements des parties intérieures de l'harmonie, qui donne plus de nerf à la sonorité (Gevaert,Orchestr., 1885, p.311). − [Dans une exclam. encourageant à l'effort] Du nerf! Le suivant se présentait: −Essaye vite! Et du nerf!... épatant! Sur mesure! (Benjamin,Gaspard, 1915, p.13). b) Élément qui conditionne l'efficacité de quelque chose. Être le nerf de qqc. La crainte de Dieu et la confiance en Dieu: sa vie me paraît être dans ces deux mots. N'est-ce pas le nerf de la famille chrétienne? (Amiel,Journal, 1866, p.108).D'autre part, si la qualification fait défaut, on ne voit pas sur quoi la négation qui est le nerf de l'argumentation peut reposer (G. Marcel,Journal, 1914, p.39).La fraude −nerf du commerce −À notre époque s'exerce Sur les escargots itou: Ainsi des gens, sans vergogne, Vont déclarant de «Bourgogne» Ceux qu'ils cueillent n'importe où (Ponchon,Muse cabaret, 1920, p.146). ♦ Le nerf (de la guerre). L'argent (v. guerre A 5 c). Absol. Remerciez MmePaul Meurice pour sa lettre si bonne et si charmante et si utile, et précipitez-moi à ses pieds. N'oubliez pas les 500 francs, le nerf! (Hugo,Corresp., 1862, p.409). Prononc. et Orth.: [nε:ʀ]. V. cerf. À partir du xviiies. et encore au début du xxes., hésitations dans la prononc. soignée. Littré recommande d'apr. Ac. [nε
ʀf] au sing. seulement, mais note des exceptions ; même rem. ds Barbeau-Rodhe 1930. [nε:ʀ] s'est généralisé depuis. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 «tendon, ligament» (Roland, éd. J. Bédier, 3970); 1202 spéc. «tendon dans une viande» (Renart, éd. M. Roques, Br. XVIII, p.14, 15947); 1278 id. nerf de buef «verge du taureau, ou ligament cervical, ou corde du jarret du boeuf ou du taureau durcis par dessication et dont on se sert notamment pour frapper» (Doc. en fr. des Arch. angevines de Naples, t.1, p.121 d'apr. R. Arveiller ds Mél. J. Horrent, p.10); 2. 1314 «chacun des filaments qui mettent les différentes parties du corps en communication avec le cerveau et la moelle épinière» (H. de Mondeville, Chirurgie, 77 ds T.-L.); 3. 1534 au fig. «ce qui est la condition d'une action efficace» (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder, M. A. Screech, V. L. Saulnier, chap. 44, p.261: guerre faicte sans bonne provision d'argent n'a q'un souspirail de vigueur. Les nerfz des batailles sont les pecunes); 4. 1559 id. au plur. «force» (Amyot, Vies des hommes illustres, Timoléon, t.1, fo189 vo); 1671 au sing. (Pomey). B. 1. 1268 «courroie du bouclier» (Claris et Laris, 2440 ds T.-L.); ca 1282 «corde (d'un arc ou d'une arbalète)» (Gouvernement des rois, 414, 16, ibid.); 1552 «id. (d'un instrument de musique)» (Ronsard, Les Amours ds OEuvres, éd. P.Laumonier, t.4, p.30: les nerfz de ma lyre); 1680 reliure (Rich.); 2. 1605 vén. nerf de cerf «membre génital du cerf» (A. du Pinet, Les Commentaires de M. P.André Matthiolus sur les six livres de Pedacius Dioscoride, p.144); 3. 1676 archit. (Félibien). C. Au plur. loc. a) 1755 maladie de nerfs (Abbé Prévost, Nouv. lettres angloises ou Hist. du chevalier Grandisson, t.3, p.43); b) 1756 ébranlement de nerfs (R.-L. D'Argenson, Journal et mémoires, t.9, p.222); 1825 crise de nerfs (Brillat-Sav., Physiol. goût, p.458); c) 1762-79 avoir des nerfs (Diderot, Le Neveu de Rameau, éd. J. Fabre, p.67: Autrefois, Mademoiselle avoit des vapeurs; ce sont aujourdhuy des nerfs); 1851 avoir ses nerfs (Dumas père, Villefort, III, 5); d) 1817 porter sur les nerfs (Jouy, L'Hermite de la Guiane, 29 janv. ds Quem. DDL t.3); 1871 taper sur les nerfs (Flaub., Corresp., p.304); e) 1876 passer ses nerfs (sur qqn) (Goncourt, loc. cit.); f) 1901 mettre les nerfs en pelotes (Bruant); g) 1929 (avoir les) nerfs à bout (Colette, Sido, p.136). Du lat. nervus «tendon, ligament; nerf», également «corde (d'un arc, de la lyre); lanière de cuir», et au fig. «force, vigueur; partie essentielle d'une chose». Fréq. abs. littér.: 3891. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 9473, b) 6192; xxes.: a) 3194, b) 3224. DÉR. 1 Nerval, -ale, -als, adj.a) Anat. [Correspond à supra A] Qui a rapport aux nerfs. Le docteur fit une brochure dans laquelle il rappela l'antiquité de ces eaux, célébrées par Pline (...), et prouva qu'elles étaient le remède infaillible de ces affections nervales (Jouy,Hermite, t.4, 1813, p.106).b) Thérap. [Correspond à supra B] Qui soulage les nerfs. Le camphre fait partie de (...) préparations (...) telles que (...) le baume nerval (Lebeau, Courtois,Pharm. chim., t.2, 1929, p.521).− [nε
ʀval]. Att. ds Ac. 1798. − 1resattest. a) 1590 «qui est bon pour les nerfs» (A. Paré, OEuvres, éd. J.-F. Malgaigne, t.2, p.542), b) 1771 «qui se rapporte aux nerfs» (Trév.); de nerf, suff. -al*. 2. Nervisme, subst. masc.,,Doctrine issue des travaux de Pavlov et développée par les auteurs russes, fondée sur «la soumission à l'organisation nerveuse de tous les processus ayant lieu dans l'organisme, aussi bien à l'état normal, qu'à l'état pathologique» (Bikov)`` (March. 1970). − [nε
ʀvism̭]. − 1reattest. 1958 (Garnier-Del.); de nerf, suff. -isme*. BBG. − Quem. DDL t.3, 5, 8, 16 (s.v. nerval). |