| NAÏVEMENT, adv. A. − Vx ou littér. D'une manière originelle, native. Synon. naturellement.L'idée la plus naturelle à l'homme, celle qui lui vient naïvement, comme du fond de sa nature, est l'idée de son innocence (Camus, Chute, 1956, p.1514): 1. ... toute la musique lui paraissait [à Rousseau] une grande mélodie naturelle que presque naïvement pouvait interpréter ou la voix humaine ou la flûte d'un berger.
Guéhenno, Jean-Jacques, 1948, p.158. B. − Avec une simplicité naturelle, sans apprêt. J'aime voir (...) Quelques bons montagnards, au pied de la colline, Naïvement danser aux chansons d'un hautbois (Borel, Rhaps., 1832, p.36).M. de Cambremer était naïvement heureux de revoir des lieux où il avait vécu si longtemps (Proust, Sodome, 1922, p.917). − En partic. ♦ En décrivant, en représentant la réalité telle qu'elle est ou en la simplifiant, sans rechercher d'effet. Synon. fidèlement.L'auteur peut (...) s'abstenir de se montrer, il peut s'en fier à la vérité, s'il a su la raconter naïvement (Barante, Hist. ducs Bourg., t.1, 1821-24, p.79): 2. Est-ce que, en art, il y avait autre chose que de donner ce qu'on avait dans le ventre? Est-ce que tout ne se réduisait pas à planter une bonne femme devant soi, puis à la rendre comme on la sentait? Est-ce qu'une botte de carottes (...) étudiée directement, peinte naïvement, dans la note personnelle où on la voit, ne valait pas les éternelles tartines de l'école, cette peinture (...) honteusement cuisinée d'après les recettes?
Zola,
Œuvre, 1886, p.43. ♦ Préalablement à tout système formalisé. Naïvement, on peut dire qu'une théorie a un double rôle (J.-Bl. Grize, De la logique à l'argumentation, Genève, Paris, Droz, 1982, p.54). C. − Avec (trop d') ingénuité, (de) confiance, (de) crédulité. Synon. franchement, ingénument, sincèrement.Avouer naïvement une chose (Ac.). Se faire de la science une représentation absolue et puérile, (...) confondre naïvement la science et la sagesse (Duhamel, Maîtres, 1937, p.129).[Les tyrans] se jugent naïvement (...) tout leur étant dû, libéraux (Arnoux, Zulma, 1960, p.223): 3. Je ne le suivrai pas [Aristote] dans les détails de son traité de syllogisme. J'avouerai même naïvement que je ne me flatte pas d'avoir toujours saisi avec précision toute la finesse de ses observations...
Destutt de Tr., Idéol. 3, 1805, p.23. Prononc. et Orth.: [naivmɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1180 «de nature, de naissance, véritablement» (Proverbe au vilain, 168g ds T.-L.); 2. 1543 «exactement, fidèlement (en parlant de la représentation d'une oeuvre littéraire ou artistique)» (Selve, Plutarque ,,Paul Emile``, 118 rods Hug.); 3. 1610 «franchement, sans détour» (H. d'Urfé, L'Astrée, éd. H. Vaganay, 1repartie, V, t.1, p.190). Dér. de naïf*; suff. -ment2*. Fréq. abs. littér.: 875. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 956, b) 1722; xxes.: a) 1074, b) 1335. Bbg. Hansen (I.). Les Adv. prédicatifs fr. en -ment... Göteborg, 1982, pp.206-207. |