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MÊLÉE, subst. fém.
A. − Littér. Ensemble de choses ou d'êtres vivants mêlés (souvent avec une impression d'agitation).
1. Ensemble de choses
a) concrètes. Mêlée des broussailles, des toits. Le centre de Paris est une mêlée de rues (Hugo,Hist. crime,1877, p.69).À l'instant le cirque fut plein, mais plein à faire éclater ses barrières, d'une foule villageoise, une mêlée de fichus blancs, de jupes voyantes (A. Daudet, N. Roumestan,1881, p.17).Un tic-tac mat s'impose au milieu de cette mêlée de bruits (Barbusse,Feu,1916, p.230):
1. ... l'infinie étendue de Rome, un chaos et un univers de pierre, un entassement, une mêlée, une confusion, une superposition de maisons, de palais, d'églises... Goncourt,MmeGervaisais,1869, p.56.
Région. Fourrage obtenu par le mélange de foin ou de betteraves fourragères avec de la menue paille. (Ds Lar. 19e-20e; v. Chaurand ds Fr. mod. t.38, 1970, p.135).
b) abstraites:
2. En présence du bien, du mal, dans la mêlée Des fautes, des erreurs, où le juste périt, Pas un juge n'a peur de ce mot: Jésus-Christ! Hugo,Fin Satan,1885, p.886.
2. Ensemble de personnes qui s'agitent. Synon. cohue.Là, c'est un encombrement, une mêlée, une confusion de gens de toutes sortes, que trouent à tout moment des gardes nationaux, la crosse en l'air (Goncourt,Journal,1870, p.657):
3. ... un cri d'épouvante horrible, puis une levée tumultueuse, une bousculade, une mêlée, une fuite éperdue vers la porte du fond. Les chaises tombaient, les hommes renversaient les femmes et passaient dessus. En deux secondes, la pièce fut vide... Maupass.,Contes et nouv.,t.2, Avent. W. Schnaffs, 1883, p.207.
3. Ensemble d'animaux qui s'agitent. La mêlée des bêtes dans la mer (Vercors,Silence mer,1942, p.73).
B. − En partic., usuel
1. Confusion de combattants dans une lutte corps à corps. Mêlée farouche, furieuse, gigantesque, héroïque, horrible, sanglante, sauvage, terrible; au (plus) fort de la mêlée; dans le (plus) fort de la mêlée; dans, parmi, au sein de, au milieu de, au plus épais de, au plus obscur de la mêlée; se jeter, s'enfoncer, s'engager dans la mêlée; se retirer de la mêlée. Laissant la bride, il avait pris à deux mains sa hache d'armes, et frappait à grands coups parmi la mêlée (Barante,Hist. ducs Bourg.,t.4, 1821-24, p.343).Oh! que vous étiez grands au milieu des mêlées, Soldats [de l'an deux]! (Hugo,Châtim.,1853, p.114).
2. P. ext. Toute espèce de lutte, toute bagarre. Cette réaction fut décidée le jour où l'Allemagne, en se jetant dans la mêlée, changea, en 1813 et 1814, le droit public de l'Europe (Quinet,All. et Ital.,1836, p.36).M. Sérez, l'instituteur, accourait. Il mit fin à la mêlée, dégagea les deux combattants (Van der Meersch,Invas. 14,1935, p.263).
3. Au fig. Lutte, conflit de paroles ou d'écrits. Mêlée politique, parlementaire; mêlée des partis; mêlée littéraire; mêlée des idées, des esprits; mêlée des passions, des intérêts. La place que ses convictions lui assignent dans la mêlée des doctrines actuellement en lutte (Bourget,Essais psychol.,1883, p.162).
Rem. Cet emploi est fam. pour Ac. 1798-1935.
[Gén. p. allus. à l'oeuvre de R. Rolland, Au-dessus de la mêlée (1914-1915)] (Être, rester, se placer, se situer...) au-dessus de la mêlée. En dehors du conflit (ou en gardant tout son sang-froid) pour se mettre en position d'arbitre. Erreur, orgueil aveugle de Romain Rolland qui se croit au-dessus de la mêlée alors qu'il n'a pu en prendre l'horizon et qu'il se tient au-dessous (Barrès,Cahiers,t.11, 1917, p.264).
4. SPORTS
a) RUGBY. Mêlée ordonnée ou mêlée. Phase du jeu où, à la suite d'une faute, les avants des deux équipes se groupent épaule contre épaule et tentent de s'approprier le ballon. V. entraîneur ex. de Abellio:
4. Les 8 avants du camp A entrelacés sur 3 lignes, chacun les bras passés autour du cou de son voisin, s'arc-boutent contre les 8 avants du camp B opérant de même, tâchant d'enfoncer leurs adversaires et de faire avancer ainsi le ballon placé au milieu de la mêlée, ou bien encore, en talonnant le ballon en arrière, de le faire arriver au dernier rang de la mêlée, où les demis auront toute facilité pour l'envoyer aux trois quarts. P. Lejeune, Le Football Rugbyds Almanach Hachette, 1897, p.402.
Demi de mêlée. [Le joueur] qui enverra le ballon dans la mêlée entre les deux premières lignes est baptisé demi de mêlée (R. Poulain, Le Rugby,Paris, P.U.F., 1975 [1961], no952, p.19).
Mêlée spontanée ou mêlée ouverte. Mêlée qui se forme ,,quand le ballon est au sol, et qu'un ou plusieurs joueurs de chaque équipe se trouvent, debout sur leurs pieds, au contact, entourant le ballon qui se trouve parmi eux`` (R. Poulain, Le Rugby, Paris, P.U.F., 1975 [1961], no952, p.90).
b) JEU DE BOULES. Concours à la mêlée. ,,Concours de boules dans lequel les partenaires et les adversaires sont tirés au sort`` (F. Grimaud ds Vie Lang. 1968 no200, p.674).
Prononc. et Orth.: [mεle], [me-]. Ac. 1694 et 1718: meslée; dep. 1740: mêlée. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 «querelle» (Roland, éd. J. Bédier, 450); b) 1155 «bataille, combat» (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 295); c) 1694 «contestation vive entre plusieurs personnes» (Ac.); 2. ca 1230 «mélange» (Petite philosophie, éd. W. H. Trethewey, 324) − 1669 (La Sainte Bible, Exode, 8, 21 d'apr. FEW t.6, p.159a); à nouv. au xixes. 1830 (Balzac, Bal de Sceaux, Œuvres complètes, éd. M. Bouteron et H. Longnon, t.1, p.105); 3. 1888 sports (Daryl, Renaissance physique cité ds Petiot: Un scrumage, c.-à-d. une mêlée). Part. passé substantivé au fém. de mêler*. Au sens 3 calque de l'angl. scrimmage, scrummage (empr. à l'a. fr. escremie «combat», v. escrime) «escarmouche» (ca 1470) «querelle, bataille, combat, contestation vive avec échanges de coups» (1780) et terme de rugby (1864) v. NED. Fréq. abs. littér.: 355. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 493, b) 619; xxes.: a) 501, b) 459. Bbg. Bäcker 1975, pp.274-276. _ Mack t.1 1939, p.136, 139.