| MÉCHANT, -ANTE, adj. A. − [Antéposé au subst.; en parlant de choses, de pers. du point de vue de leur fonction, ou d'événements] Synon. mauvais. 1. Vx ou littér. a) [En parlant de choses] Qui est sans valeur, de mauvaise qualité ou dans un état déplorable. Synon. minable, miteux.À l'entrée du carrefour se trouvait un méchant groseillier sur lequel séchaient des guenilles (Balzac,Méd. camp., 1833, p.8).Des chenets à 3.000 francs comme occasion et un dîner composé d'un méchant poulet grillé, voilà ce que nous a rapporté notre journée de Rouen (Goncourt,Journal, 1880, p.69): 1. Le tout en assez mauvais état, comme le méchant bout de tapis par terre, les chaises paillées et les rideaux en faux gobelins qui avaient cet aspect définitivement poussiéreux et passé...
Triolet,Prem. accroc, 1945, p.121. b) [En parlant d'une pers. du point de vue de sa fonction] Sans valeur, sans compétence. Un méchant orateur. Un méchant avocat (Ac.1798-1935).Un bon ouvrier rend plus de services à la société qu'un méchant écrivain (Reybaud,J. Paturot, 1842, p.45). c) [En parlant de traits ou d'attributs psychol.] − Qui ne remplit pas correctement sa fonction. Est-ce Vienne ou Valence qu'habite MlleSophie de Rivières? Ma méchante mémoire m'a tenu incertain entre ces deux villes (M. de Guérin,Corresp., 1837, p.307). − Méchante humeur. Synon. de mauvaise humeur*.L'ancien garde-du-corps semblait moins disposé que jamais à lier conversation avec son perruquier. Il s'était réveillé de fort méchante humeur (Theuriet,Mariage Gérard, 1875, p.21): 2. On entendit des cris de méchante humeur, des protestations. Certainement, les derniers soupeurs ne se montraient point enchantés de cette invasion soudaine de la police.
G. Leroux,Roul. tsar, 1912, p.111. d) [En parlant d'événements] Qui provoque des désagréments, des ennuis. Synon. désagréable, déplaisant, pénible.Diable! Diable! Voilà une méchante affaire; (...) tout cela pourra faire chez moi un esclandre (Vigny,Chatterton, 1835, iii, 4, p.320).En un instant, il fut entouré par une bande de jeunes boutiquiers qui ne demandaient qu'à lui faire un méchant parti (Theuriet,Mariage Gérard, 1875, p.14): 3. Belsenza enveloppa les salons d'un coup d'œil précautionneux. − ... Je n'ai ni appui ni crédit à Orsenna, et on se met vite sur les bras une méchante affaire.
Gracq,Syrtes, 1951, p.103. 2. Fam. [Avec une valeur méliorative] Extraordinaire, fameux, remarquable. Il est arrivé dans une méchante bagnole! (Lar. Lang. fr.). Prenez ensuite votre disque préféré, branchez, mettez à fond. Si ça ne vous tue pas, ça vous cloue à la maison pour un moment. Attention, c'est du méchant matériel [un tuner Technics] (Public. ds Le Point,19-25 avr. 1982, p.16). 3. Région. (Canada). ,,De mauvais goût. Cette soupe est méchante`` (Canada 1930). Pas mangeable, c'te mousse-là! C'est pas qu'est ben méchante, est pas agréable au goût (J.-M. Poupart, Chère touffe, 1973, p.62 ds Richesses Québec 1982).Sentir méchant. Sentir mauvais. B. − [Le plus souvent postposé au subst.; en parlant d'une pers., de son comportement, de ses actes] 1. [En parlant d'une pers. ou p. anal. d'un animal] Qui désire provoquer, occasionnellement ou non, la souffrance physique ou morale d'autrui. Synon. cruel, féroce, malfaisant, sauvage; anton. gentil.Enfant, femme, homme méchant(e); de méchantes gens; méchant(e) fée, ogre, sorcière; le grand méchant loup. Cela rappelle le portrait des Chinois et des Nègres: tout bons, ou tout méchants (Chateaubr.,Essai Révol., t.2, 1797, p.118).Serge, mon bon Serge, supplia de nouveau Désirée, ne sois pas méchant... Vois comme il est innocent, le cher petit (Zola,Faute Abbé Mouret, 1875, p.1270): 4. inès: Je vous le dirai plus tard. Moi, je suis méchante: ça veut dire que j'ai besoin de la souffrance des autres pour exister. Une torche. Une torche dans les coeurs. Quand je suis toute seule, je m'éteins.
Sartre,Huis clos, 1944, 5, p.144. ♦ Chien méchant. Chien auquel on ne peut se fier, qui est susceptible de mordre, d'attaquer. Attention, chien méchant. − [Entre dans de nombreuses apostrophes plus ou moins injurieuses] Un milan plumoit un pigeon, Et lui disoit: méchante bête (Florian,Fables, 1792, p.153). ♦ Par antiphrase affective. Elle restait là un instant, essouflée, décoiffée (...). Son amoureux l'appelait en riant «méchant galopin» (Zola,Fortune Rougon, 1871, p.193): 5. Mon pauvre garçon, pourquoi si maussade? Si je vous ennuie, dites-le moi franchement. Non, ne vous fâchez pas! Souriez donc, méchant garçon. Ah, voilà!
Larbaud,Barnabooth, 1913, p.147. ♦ Vx ou littér. Méchante langue. Personne médisante. Synon. mauvaise langue.Quelques furets ont prétendu que certains déjeuneurs s'étaient laissé séduire (...). Mais c'étaient de méchantes langues; ces bruits sont tombés comme tant d'autres (Brillat-Sav.,Physiol. goût, 1825, p.160). − Emploi subst. Personne cruelle. Sans se montrer armé du terrible anathème, Il rend l'espoir au juste et la crainte au méchant (Michaud,Printemps proscrit, 1803, p.54): 6. ... elle m'a laissé tomber la garce, après dix ans de mariage, la méchante, la vilaine, mais je l'aime toujours...
Queneau,Loin Rueil, 1944, p.84. ♦ Faire le méchant. Prendre un air menaçant, résister ou s'opposer par la force. Avant six mois, on aurait conquis la terre, on dicterait des lois aux patrons, s'ils faisaient les méchants (Zola,Germinal, 1885, p.1255). ♦ En appellatif. [Souvent employé hyperboliquement, avec une connotation d'affectueuse indulgence] Tu le sais bien, ta petite Baccarat ne vit que pour toi, comme vous ne vivez que pour elle, méchant! (Ponson du Terr.,Rocambole, t.1, 1859, p.191).La mère: Comment? O méchante, vilaine! Tu as obtenu ce que tu voulais (Claudel,Violaine, 1892, ii, p.519). 2. [En parlant du comportement ou des actes d'une pers.] Qui provoque, ou témoigne d'un désir de provoquer, la souffrance physique ou morale d'autrui. Synon. malveillant; anton. aimable, bienveillant, doux.Avoir une expression méchante, un regard, un ton, un visage, des yeux méchant(s); jouer un méchant tour, une méchante farce à qqn; allusion, plaisanterie, propos, réflexion méchant(e). Chaque jour on nous apportait quelque méchant bon mot de M. de Talleyrand contre son maître, ou quelque cancan de coulisses (Sand,Hist. vie, t.2, 1855, p.348).Il observait avec un plaisir méchant le visage affaissé, et dans sa tête des mots filaient comme le vent (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.472): 7. La bonne humeur me sembla être, de la part du convive, une preuve de bonté. Mais l'insistance de son rire me fit croire qu'au courant de la déception du domestique il éprouvait peut-être au contraire une joie méchante.
Proust,Guermantes 2, 1921, p.493. − Loc. fam. à la forme négative. Ce n'est pas (bien/très) méchant. Cela ne porte pas à conséquence, n'est pas très grave. (Dict. xxes.). REM. Méchantise, subst. fém.,hapax. Synon. de méchanceté.Toi, dit-il, et les mots giclent entre ses dents serrées, y en a assez de tes méchantises t'es pire qu'un loup (Giono,Colline, 1929, p.114).− Ah, Janet, je la connais maintenant ta méchantise (Giono,Colline, 1929, p.138). Prononc. et Orth.: [meʃ
ɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:t]. Ac. 1694 et 1718: meschant; dep. 1740: méchant. Étymol. et Hist. 1. a) 1165-70 mescheant «malchanceux» (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 2802); b) 1176 «sans valeur» (Id., Cligès, éd. A. Micha, 4153); ca 1500 tres meschante mention (Commynes, Mémoires, éd. J. Calmette, t.3, p.249); 2. a) adj. 1360-70 «mauvais» (Baudouin de Sebourc, I, 423 ds Gdf. Compl.); b) subst. 1360-70 «personne qui cherche à faire du mal» (ibid., I, 436, ibid.); 1690 faire le meschant (Fur.). Part. prés. de l'anc. verbe mescheoir «arriver malheur» (1155, Wace, Brut, éd. J. Arnold, 12269 − 1637, Crespin), lui-même comp. de mes- (mé-*) et de cheoir (choir*); v. aussi mauvais. Fréq. abs. littér.: 4073. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 6328, b) 6295; xxes.: a) 6255, b) 4786. Bbg. Pauli 1921, p.10 (s.v. méchantise). _ Quem. DDL t.10, 22. |