| * Dans l'article "MYTHE,, subst. masc." MYTHE, subst. masc. A. − Récit relatant des faits imaginaires non consignés par l'histoire, transmis par la tradition et mettant en scène des êtres représentant symboliquement des forces physiques, des généralités d'ordre philosophique, métaphysique ou social. Mythe solaire; mythe de Prométhée. Les mythes grecs, parents des mythes sanscrits, n'exprimaient à l'origine que le jeu des forces naturelles (Taine,Philos. art,t.2, 1865, p.203).Orphée est condamné à ne jamais revoir Eurydice, parce qu'il l'a regardée. Ce vieux mythe exprime bien la loi du rythme, qui ramène ainsi et entraîne de belles images du fond des abîmes, mais toujours derrière lui, et sans s'arrêter jamais (Alain,Beaux-arts,1920, p.93): 1. N'est-ce pas assez que, par ce mythe d'Adam, ce mythe de Caïn, ce mythe de la race de Caïn et de la race de Seth, et par tout ce qui suit, il [Moïse] nous ait appris véritablement en quoi consiste la vie, en quoi consiste le bien et le mal!
P. Leroux,Humanité,1840, p.623. − En partic. Expression allégorique d'une idée abstraite; exposition d'une théorie, d'une doctrine sous une forme imagée. Mythe de la caverne de Platon. C'est une vieille histoire, cette dualité... Vous vous souvenez de Platon, du mythe de l'«attelage»?... L'un tire à hue, et l'autre à dia... Toute la vie, on se sent écartelé (Martin du G.,Souv. autobiogr.,1955, p.xci): 2. Prétendre est la seule faute; mais je ne crois pas que l'on puisse apprendre cela ailleurs que dans Platon. Le lecteur sérieux croit que Platon se moque. Au vrai sa manière de parler par mythe est une précaution suivie contre le sérieux. Les appliqués sont bornés.
Alain,Propos,1932, p.1059. B. − P. ext. 1. Évocation légendaire relatant des faits ou mentionnant des personnages ayant une réalité historique, mais transformés par la légende. Mythe napoléonien; mythe de Don Juan; le mythe de Pétain. Nana tourne au mythe, sans cesser d'être réelle. Cette création est babylonienne (Flaub.,Corresp.,1880, p.388): 3. ... ce fut surtout le vieux quartier qui, bientôt, leur fit fête, ce quartier dont le petit peuple, touché dans son instinct, sentit la grâce de légende, le mythe profond du couple, la belle jeune fille soutenant le maître royal et reverdissant. On y adorait le docteur pour sa bonté, sa compagne fut vite populaire...
Zola,Dr Pascal,1893, p.184. 2. Représentation traditionnelle, idéalisée et parfois fausse, concernant un fait, un homme, une idée, et à laquelle des individus isolés ou des groupes conforment leur manière de penser, leur comportement. Mythe du chef, du héros; mythe de l'argent, du confort, de la minceur, de la vitesse; mythe de la galanterie française; mythe de la grève générale. Il entendait l'énumération de ses propres vertus: − ... Un guerrier de race... de ceux qui brodent sur nos drapeaux l'or impérissable des victoires... Son tour était venu dans le cérémonial d'être transcendé par le mythe du bon général, ami de ses hommes, du grand général infatigable au combat comme aux travaux de paix (Druon,Gdes fam.,t.1, 1948, p.164): 4. Tous ensemble, ils ont ébauché le livre de la servitude et de la grandeur sportives. C'est en vain que Pierre Hamp essaye de lui opposer l'honneur du travail ouvrier, Chamson, l'honneur de la vertu paysanne, et Guéhenno, l'honneur de Caliban. Tous ces mythes sont des spéculations de l'esprit. Au contraire le sport répond à un désir organique.
J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p.130. C. − P. anal. 1. Construction de l'esprit, fruit de l'imagination, n'ayant aucun lien avec la réalité, mais qui donne confiance et incite à l'action. La paix entre la France et l'Allemagne allait être signée le 11 novembre et les prisonniers libérés aussitôt après. Cette rumeur démente fut de toutes celle qui prit le plus de corps, et joua pendant une quinzaine à Beckersbruch le rôle d'un mythe véritable (Ambrière,Gdes vac.,1946, p.69): 5. ... l'économie sans rareté et (...) la société sans contrainte. Ces deux mythes exaltent la pensée et l'action de l'Occident. Notre expérience historique a été et demeure telle que ces mythes sont accueillis par les esprits lucides, réfléchis et probes à la condition seulement qu'ils prennent la mesure de leur vérité historique, dans une action éprouvée et une connaissance vérifiée par les luttes sociales.
Perroux,Écon. XXes.,1964, p.463. 2. Fam. Chose rare, ou si rarement rencontrée, qu'on pourrait supposer qu'elle n'existe pas. Je redeviens un littérateur pur et simple. Mon oeuvre n'est plus un mythe. (Un volume de contes, rêvé. Un volume de poésie, entrevu et fredonné. Un volume de critique...) (Mallarmé,Corresp.1871, p.342): 6. Il leur offrit une foule de choses qui jusques-là étaient restées pour eux complétement inédites. Ce fut à compter de ce dîner que le homard cessa d'être un mythe pour Schaunard...
Murger,Scènes vie boh.,1851, p.186. 3. Aspiration fondamentale de l'homme, besoin métaphysique. Mussolini, Franco, le peuple de Rome et celui de Barcelone sont joués ici au naturel. Ô mythe du progrès! Voilà l'homme tel qu'il est, la foule telle qu'elle est (Mauriac,Journal 2,1937, p.200).Lui qui ne veut pas de régime populaire, lui qui respecte le mythe de la puissance, il a bien aussi son régime préféré (Brasillach,Corneille,1938, p.294): 7. De ces quelques hommes dont je parlais, les uns m'apparaissent au xiieet au xiiiesiècles. D'autres ont produit l'ardeur et la splendeur de la Renaissance. Les derniers, qui sont nés dans le xviiiesiècle, s'éteignent avec les dernières espérances d'une certaine civilisation principalement fondée sur le Mythe de la Beauté, et sur celui de la Connaissance, l'un et l'autre, créatures ou inventions des anciens Grecs.
Valéry,Variété IV,1938, p.95. − Modèle parfait, type idéal représentant des symboles inhérents à l'homme ou des aspirations collectives. Mythe de la femme; mythe de l'innocence. À beaucoup, il apparut comme un revenant; à d'autres, plus jeunes, il faisait figure de mythe devenu soudain palpable (Druon,Gdes fam.,t.2, 1948, p.107). REM. Mythicité, subst. fém.Amour, emploi du mythe, du mythisme (infra dér. 2). [Barrès] avait vécu, en artiste et en Lorrain, dans cette atmosphère de la colline de Sion, terre de légende, d'histoire et de mythicité (Thibaudet,Princes lorr.,1924, p.62). Prononc. et Orth.: [mit]. Homon. mite. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1803 subst. fém. «fable mythologique» (Wailly); 1840 «exposition d'une idée, d'un enseignement sous forme allégorique» (Ac. Compl. 1842); 1874 «représentation idéalisée d'un état passé de l'humanité» (Lar. 19e). Empr. au b. lat. mythos «fable, mythe», gr. μ
υ
̃
θ
ο
ς proprement «suite de paroles qui ont un sens, discours, fiction, mythe». Fréq. abs. littér.: 970. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 568, b) 325; xxes.: a) 932, b) 2905. DÉR. 1. Mythifier, verbe.a) Emploi intrans., rare. Instaurer un mythe; faire, créer un mythe. En vérité, il y a tant de mythes en nous et si familiers qu'il est presque impossible de séparer nettement de notre esprit quelque chose qui n'en soit point. On ne peut même en parler sans mythifier encore (Valéry,Variété II,1929, p.232).b) Emploi trans. Transformer (quelqu'un, quelque chose) en mythe; donner (à quelqu'un, à quelque chose) un aspect, une dimension mythique. Il est vrai que la neige restait candide sur les corniches, les becs de gaz et les stores en tôle des hôtels particuliers qui bordent cette cité minuscule [la cité Monthiers], cité que notre pente à mythifier et à grandir ce qui s'éloigne, me pousse toujours à décrire et à dessiner beaucoup plus vaste. Le gaz qui clignote ajoutait sa touche scélérate (Cocteau,Portr.-souv.,1935, p.109).− [mitifje], (il) mythifie [mitifi]. − 1reattest. 1929 (Valéry, loc. cit.); de mythe, suff. -ifier*. 2. Mythisme, subst. masc.a) Science des mythes. Hérodote et Tite-Live devaient être tenus pour des historiens sérieux, Homère devait passer pour un poète individuel, avant que l'étude comparée des littératures eût révélé les faits si délicats du mythisme, de la légende primitive, de l'apocryphisme (Renan,Avenir sc.,1890, p.297).b) Esprit mythique. Le rêve nocturne est la source où s'alimente la poésie; il est en même temps celle du merveilleux et celle des mythes: le cauchemar, fait aussi bien d'enchantements que d'épouvantes, «sème des soleils dans le ciel; il bâtit pour en approcher des villes plus hautes que la Jérusalem céleste; il dresse pour y atteindre des avenues resplendissantes aux degrés de feu... Voilà tout le mythisme d'une religion» (Béguin,Âme romant.,1939, p.340).− [mitism̭]. − 1resattest. 1834 «sciences des mythes» (Boiste), 1840 «abus des explications mythiques» (Ac. Compl. 1842); de mythe, suff. -isme*. BBG.− Symboles 1969, p.16. _ Halpern (B.). Myth and ideology in modern usage. History and theory. 1961, t.1, pp.129-149. |