| MYOPE, adj. et subst. A. − 1. (Personne) qui est atteinte de myopie, qui ne distingue que les objets rapprochés. Anton. usuel presbyte, hypermétrope.Je sais voir et voir comme voient les myopes, jusque dans les pores des choses, parce qu'ils se fourrent le nez dessus (Flaub., Corresp., 1852, p.343).Le père Sallé (...) nous regarde sans nous voir, invraisemblablement myope (Colette, Cl. à l'école, 1900, p.218). − Loc., fam. (Être) myope comme une taupe. (Être) très myope. Je t'assure qu'elle ne remarquera rien, elle est myope comme une taupe (Triolet, Prem. accroc, 1945, p.213). − [En parlant des yeux, du regard] Il parcourut d'abord la feuille du regard, en souriant, la tenant tout près de ses yeux myopes (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p.119).Son regard myope et voilé, d'une douceur lointaine et en même temps d'une concentration maniaque (Gracq, Syrtes, 1951, p.191). − P. métaph. On disait autrefois que la fortune était aveugle, je crois qu'elle était simplement myope (Maupass., Pierre et Jean, 1888, p.337).Le soleil seul, un soleil myope, continue de descendre, de l'autre côté des branches fines comme des systèmes nerveux (Renard,
Œil clair, 1910, p.43). 2. P. anal. [En parlant d'un animal] Mais sous le toit usé de la vieille mosquée Les myopes hiboux et la louve efflanquée Ensemble habiteront, sans craindre le chasseur (Quinet, Napoléon, 1836, p.208): 1. Le vol dépend de l'œil, tout autant que de l'aile. Chez les espèces douées d'une vue délicate et perçante, (...) le vol est sûr, hardi, charmant à voir, par son assurance infaillible. D'autres (on le voit à leur allure) sont des myopes qui vont avec précaution, tâtonnent, ont peur de se heurter.
Michelet, Oiseau, 1856, p.127. B. − Au fig. 1. (Personne) qui manque de perspicacité, qui ne voit que les aspects partiels, immédiats des êtres et des choses sans chercher au delà. Perspicace pour les petites choses, myope pour les grandes dont il ne découvrait que des parties, sans jamais saisir l'ensemble (Gobineau, Pléiades, 1874, p.16): 2. Les aventuriers de la politique vont avoir beau jeu avec cette Chambre de myopes qui invalident gaillardement et font le compte des sièges qu'ils gagnent, mais non des milliers, sinon des millions de voix qu'ils perdent.
Mauriac, Bloc-Notes, 1958, p.216. − [Avec méton. du déterminé] Vous [général Trochu] voyez en tremblant Paris être sublime; Et vous craignez, esprit myope et limité, Cette démagogie immense de clarté (Hugo, Année terr., 1872, p.142).Le souci de l'exactitude matérielle, l'observation myope, servile des faits, conduit à négliger les manifestations plus profondes de la vie (Massis, Jugements, 1924, p.171). 2. [P. méton.] Je sais que l'article du Temps et l'éclair trouble de convoitise qui a lui dans les yeux de notre diplomatie myope et tâtonnante ont effrayé et indigné les jeunes Turcs (Jaurès, Guêpier marocain, 1914, p.394).Nous devons rester dans sa ligne [de Freud]. Mais cette ligne peut se prolonger avec deux bouts de cet infini que le scientisme myope du XIXesiècle n'avait pas soupçonné (Choisy, Psychanal., 1950, p.77). Prononc. et Orth.: [mjɔp]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1578 (J. Papon, Secrets du troisième et dernier notaire, livre 3, p.233). Empr. au b. lat. myops, -opis «qui a la vue basse», du gr. μ
υ
́
ω
ψ, -ω
̃
π
ο
ς «qui cligne les yeux pour mieux voir», comp. de μ
υ
́
ω «fermer» et ω
ψ «œil». Cf. le m. fr. myope 1552 (Rabelais, Quart Livre, éd. R. Marichal, chap.64, p.85b), désignant un serpent à la vue courte, cf. P. Delaunay, Les Animaux venimeux dans Rabelais ds Mél. A. Lefranc, p.211. Fréq. abs. littér.: 264. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 69, b) 285; xxes.: a) 452, b) 638. |