| MUTATION, subst. fém. A. − 1. Changement radical et profond. Synon. conversion, transformation.Mutation de matière, de forme; la mutation des métaux en or. [Une] route antique (...) permettait d'approcher de la façade [de Saint-Laurent hors les murs], originairement dirigée à l'Est, et devenue le chevet de l'église actuelle, par une mutation opérée pour agrandir l'édifice et l'orienter selon l'usage établi (Lenoir,Archit. monast.,1852, pp.106-107).Les mutations de la fortune qui ôtaient la force aux uns pour la communiquer aux autres (A. France,J. d'Arc,t.1, 1908, p.474). − En partic. Changement économique et social brusque et spectaculaire, qui entraîne une modification profonde des structures. Mutation industrielle: 1. Je ne puis ici qu'effleurer l'immense question de ces changements dépassant toute prévision, qui ont profondément modifié le monde et l'ont, en quelques années, rendu méconnaissable aux yeux des observateurs qui avaient assez vécu pour l'avoir vu bien différent. Je vais (...) arrêter un peu vos esprits sur les causes les plus puissantes de cette brusque mutation.
Valéry,Variété III,1936, p.255. 2. Affectation (d'un fonctionnaire, d'un militaire) à un autre poste, à un autre emploi... Mutation d'office, sur demande; solliciter sa mutation; accorder une mutation. Je vous ferai passer dans un autre bureau où il n'y aura pas de travail le soir (...). Deux mois après, ma mutation était signée (Dumas père, Comment je devins aut. dram.,1833, introd., p.19).Ces relations-là finissaient, comme tant de relations de guerre, par une mutation... un camarade changeait de corps: on le regrettait hâtivement (Vercel,Cap. Conan,1934, p.60). 3. Emplois spéc. a) DR. FISCAL − Transmission d'un droit de propriété, d'une personne à une autre, à l'occasion de laquelle l'État perçoit généralement un droit déterminé. Mutation gratuite, à titre onéreux, par décès. [Les conservateurs des hypothèques] sont responsables du préjudice résultant, 1 de l'omission sur leurs registres, des transcriptions d'actes de mutation, et des inscriptions requises en leurs bureaux (Code civil,1804, art.2197, p.402).Le registre des mutations immobilières (Morand,Londres,1933, p.7). ♦ HIST. Droits de mutation. Droit que percevait le seigneur lorsque des fiefs changeaient de possesseurs. Néanmoins, elle imposa le rachat des droits de mutation qui attestaient la propriété éminente du suzerain (Lefebvre,Révol. fr.,1963, p.183). − Taxe fiscale prélevée à l'occasion de tout transfert de propriété. Les impôts indirects, dont les détenteurs de capitaux se font rembourser par les consommateurs, à l'exception toutefois des droits de mutation qui frappent directement le propriétaire (Proudhon,Syst. contrad. écon.,t.1, 1846, p.270). − Mise à jour des matrices cadastrales consistant à noter les changements survenus d'une année sur l'autre dans les revenus des contribuables. (Dict. xxes.). b) MUSIQUE ♦ Mutation dans une fugue tonale. Transformation dans la constitution mélodique de la réponse, consistant en une sorte d'imitation du sujet. L'élève débutant éprouve souvent des difficultés à ce changement, cette mutation (comme on dit en termes techniques) [qui a lieu dans la réponse d'un sujet de fugue] (Koechlin,Écrit. fugue,1933, p.7). ♦ Jeux de mutation. Jeux d'orgue utilisant pour une même note plusieurs tuyaux de longueur différente émettant les harmoniques des sons fondamentaux. Les j[eux] de mutation [de l'orgue] donnent d'autres sons que celui de la note touchée (Brenet,Dict. prat. et hist. mus.,1926, p.216). c) PHONÉT. Mutation consonantique, germanique. ,,La mutation consonantique (Lautverschiebung...) est le processus caractéristique de l'évolution des occlusives indo-européennes en germanique commun`` (Mar. Lex. 1933, p.126). La première mutation germanique par laquelle les parlers germaniques se distinguent des autres langues indo-européennes (Mounin1974). B. − BIOL. Changement brusque du patrimoine d'un être vivant. Mutation de gènes; mutation naturelle, provoquée. À des intervalles d'immobilité de l'espèce, peuvent succéder de brusques mutations, qui s'expriment par l'accumulation d'efforts orientés dans le même sens, pendant des séries de générations (Martin du G.,J. Barois,1913, p.289): 2. C'est par mutation que naquirent toutes les races d'animaux domestiques et toutes les formes plus ou moins baroques que recherchent les amateurs: serins jaunes, paons à épaules noires, poules à plumage de soie, chiens sans poil, lapins sans jarre, chats angoras, etc. (...) les mutations modifient (...) la structure interne, le fonctionnement des organes, les instincts, la résistance vitale, etc.
J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p.171. Prononc. et Orth.: [mytasjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1269-78 «changement, inconstance, transformation» (J. de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 4436 et 16993); 2. 1377 spéc. «transformation dans la société, révolution» mutacïons de royaumes (Gace de La Buigne, Roman des Deduis, 2104 ds T.-L.); 3. a) 1465 «changement d'une personne à la tête d'une institution, d'un territoire, etc.» mutacion de seigneurie (Ordonnances des rois de France, XVI, 337); b) 1794 «changement d'affectation du titulaire d'un emploi» (J. de Maistre, Corresp., t.1, p.80); 4. 1598 mus. (D'Aubigné,
Œuvres, 863-4 ds Quem. DDL t.15); 1768 (Rousseau: 1oMutation dans le genre [...] 2oDans le système [...] 3oDans le Mode [...] 4oDans le Rhythme [...] 5oEnfin dans la Mélopée [...]); 5. 1690 «transmission de la propriété d'un bien» (Fur.); 6. 1766 «changement dans la physiologie d'une espèce» (Buffon, Hist. nat., Quadrupèdes, t.14, p.323: La voix de ces animaux a subi comme tout le reste d'étranges mutations; il semble que le chien soit devenu criard avec l'homme); cf. aussi Lamarck ds Quem. DDL t.15; 1903 ce type de changement tel qu'il est défini par la théorie du botaniste hollandais De Vries (De Vries, La Loi de Mendel in Comptes Rendus de l'Ac. des Sc., t.136, p.321 ds Quem. DDL t.25); 7. 1916 mutation consonantique (Sauss., p.46). Empr. au lat. mutatio «changement, altération». Au sens mod. de la biol. d'apr. l'all. (De Vries, Die Mutationstheorie, t.1, 1901, t.2, 1903). Fréq. abs. littér.: 231. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 358, b) 63; xxes.: a) 141, b) 557. DÉR. 1. Mutationnel, -elle, adj.,biol. Qui a rapport aux mutations. Origine mutationnelle. À la suite de modifications soudaines et probablement mutationnelles, le parasite [phylloxéra] se trouve en mesure d'adapter sa biologie (Levadoux,Vigne,1961, p.60).− [mytasjɔnεl]. − 1reattest. 1931 (J. Rostand, État présent du transformisme, p.127 ds Quem. DDL t.25); de mutation, suff. -el (v. -al). 2. Mutationniste, adj.Qui se rapporte au mutationnisme. La théorie synthétique (...) correspond à une sorte de néo-darwinisme amendé, à une synthèse entre les thèses néo-darwinienne et mutationniste. L'adaptation constitue le facteur orientant de l'évolution (Hist. gén. sc.,t.3, vol.2, 1964, p.714).La théorie mutationniste (...) est arrivée à former aujourd'hui un ensemble positif et stable qui s'est élargi au point de fournir pour l'évolution un mécanisme explicatif cohérent (Biol.,1965, p.1619 [Encyclop. de la Pléiade]).Emploi subst. Partisan du mutationnisme. L'explication utilisée par les mutationnistes actuels est, à peu de chose près, celle même qui fut donnée par Charles Darwin dans L'Origine des espèces, à savoir celle de la sélection naturelle (J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p.174).− [mytasjɔnist]. − 1reattest. 1921 adj. et subst. (L. Cuénot, La Genèse des espèces animales, Paris, Alcan, 2eéd., p.22 et 472 ds Quem. DDL t.. 25); de mutation, suff. -iste*, peut-être d'apr. l'angl. mutationist att. dès 1904 (v. NED Suppl.2). |