| MURMURE, subst. masc. A. − Bruit sourd, confus de voix humaines; bruit léger d'une personne s'exprimant à mi-voix ou à voix basse. Murmure de voix. Vous le savez bien, fit-il dans un murmure (Gracq, Syrtes, 1951, p.258): 1. Cependant les voix qui étaient dans la maison prenaient une saillie de plus en plus nette (...). C'était autre chose qu'un murmure, plus qu'un chuchotement, moins qu'un brouhaha.
Hugo, Travaill. mer, 1866, p.158. SYNT. Murmure croissant, discret; murmure des lèvres; murmure de conversation, de paroles, de prières. 1. En partic. Expression à mi-voix, à voix basse (de sentiments, d'opinions). Des cris de joie, des clameurs d'enthousiasme, de doux murmures d'espoir et de reconnaissance venaient se confondre dans la prière commune (Nodier, Trilby, 1822, p.140): 2. Les applaudissements lui causaient une espèce d'ivresse, inutile à son amour-propre, mais indispensable à son courage: un murmure de désapprobation ou le silence d'un public distrait lui ôtaient ses moyens...
Balzac, Illus. perdues, 1839, p.507. SYNT. Murmure désapprobateur, joyeux, plaintif; murmure d'admiration, d'approbation, d'étonnement, d'horreur, d'indignation, de joie, de protestation, de satisfaction. ♦ Au plur. Murmures (dans une assemblée, un auditoire). Bruits de voix marquant la désapprobation: 3. ... mon plaidoyer tronqué, défiguré... le contraire de ce que j'ai dit; et dans les endroits qui ont produit le plus d'effet... ceux où ont éclaté des applaudissements... on a mis entre parenthèses... «Murmures dans l'auditoire.»
Scribe, Camaraderie, 1837, I, 4, p.247. 2. Au fig. Expression non formulée (de sentiments, d'affects). Murmure intérieur, secret; murmure de l'amour-propre, de la conscience; les murmures de la chair, du coeur. Ils parlent tout bas avec le dieu qui les habite, ils écoutent le murmure ineffable de leurs pensées (Du Camp, Mém. suic., 1853, p.217).Ne plus (...) entendre que le murmure étouffé de mon être le plus profond (Du Bos, Journal, 1927, p.225). 3. En partic. a) Propos, généralement malveillant, qui circule à mots couverts. Synon. rumeur.Un murmure court; prêter l'oreille à un murmure. À quelques mois de là, le bruit de l'affaire, le murmure public, la ruine de son étude désertée, forçaient Nachette à quitter le pays (Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p.10).Nous sommes retombés tout de suite dans les murmures et les commérages (Duhamel, Maîtres, 1937, p.139): 4. Examinez de près l'origine de certaines actions, de certains cris héroïques qui s'enfantent on ne sait comment: vous les verrez sortir tout faits des on dit et des murmures de la foule...
Vigny, Vérité art, 1829, p.IX. b) Critique, plainte, protestation sourde. Violent murmure; étouffer, soulever, se permettre un murmure; un murmure s'élève. Le comte Douglas (...) fut créé duc de Touraine et lieutenant général de tout le royaume (...), au grand murmure des seigneurs de France (Barante, Hist. ducs Bourg., t.4, 1821-24, p.419).Sa confiance [de Moïse] avait fléchi devant les murmures de son peuple (Tharaud, An prochain, 1924, p.145). ♦ Sans murmure. Sans se plaindre. Elle obéissait sans murmure à ses fantaisies les plus saugrenues (Balzac, E. Grandet, 1834, p.31).Dieu était bien grand, bien bon; on devait sans murmure se soumettre à ses décrets, même le remercier (Flaub., MmeBovary, t.2, 1857, p.185). B. − Bruit continu, léger ou assourdi, plus ou moins confus. Le bruit léger de sa robe et le murmure de sa plume courant sur le papier (A. France, Pt Pierre, 1918, p.231).À travers la pièce où s'éveillait peu à peu le murmure de la vie (Bernanos, Imposture, 1927, p.522): 5. Lélia rêvait. Elle écoutait le murmure confus de la vallée, les cris des jeunes agneaux roux qui venaient s'agenouiller devant leurs mères brunes, le bruit de l'eau dont on commençait à ouvrir les écluses, la voix des grands pâtres bronzés...
Sand, Lélia, 1933, p.88. SYNT. Murmure général, indistinct, lointain, monotone, mystérieux; long, profond, sourd, vague murmure; le murmure de la ville. − [Dans un cont. métaph.] :
6. En Provence où tout est si doucement unifié, terre, murs et toitures, par la blondeur de la lumière, on voit tout à coup éclater sur le pignon d'un mas ou sur la tour d'un vieux moulin des lettres vermillon ou bleu de Prusse qui hurlent dans le murmure des couleurs.
T'Serstevens, Itinér. esp.,1933, p.30. 1. [À propos d'un instrument destiné à produire des sons ou à propos des sons eux-mêmes] Un murmure de musique. Le serein murmure des harpes (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p.88). 2. [À propos d'animés] Le murmure des abeilles. On n'entend ni le bruit de ses pas, ni le murmure de son haleine (Chateaubr., Natchez, 1826, p.298).L'écureuil, son murmure à bouche fermée (Renard, Journal, 1895, p.285). ♦ MÉD. Murmure respiratoire ou vésiculaire. Bruit pulmonaire doux, normal, perceptible à l'auscultation et dû à la vibration des alvéoles pulmonaires lors du passage de l'air. L'état général s'améliore (...) tandis que reparaissent successivement le râle crépitant et le murmure respiratoire (Nocard, Leclainche, Mal. microb. animaux, 1896, p.440).L'examen du poumon dénote (...) une diminution du murmure vésiculaire (Teissier dsNouv. Traité Méd.fasc. 2 1928, p.170). 3. [À propos de la nature] Le murmure de l'eau, du vent. Le jet d'eau fait toujours son murmure argentin (Verlaine, Poèmes saturn., 1866, p.62): 7. ... la rivière, presque sans courant dans cet endroit, se déroule comme un large ruban blanc moiré, entre la plaine des Gabillons et l'île de Croissy, éternellement bercée par le frémissement de ses hauts peupliers et le murmure de ses saules.
Dumas fils, Dame Cam., 1848, p.177. SYNT. Murmure charmant; faible, frais, léger, petit murmure; le murmure de la forêt, des arbres, des bois, des feuilles; le murmure d'une fontaine, de la mer, d'un ruisseau, d'une source, des flots, des torrents, des vagues; le murmure de la brise, de la pluie. 4. Vieilli, littér. Bruit d'une certaine intensité, grondement. Mes yeux saignent. J'entends un immense murmure Pareil aux hurlements de la mer ou des loups (Leconte de Lisle, Poèmes barb., 1878, p.78). Prononc. et Orth.: [myʀmy:ʀ]. Att. ds Ac. dep.1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1170 «expression indistincte par plusieurs personnes, de sentiments particuliers» (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 291, 6416); 2. ca 1200 «plainte sourde, récrimination» (Job, 343, 20 ds T.-L.); 3. a) ca 1230 «bruit sourd et confus (ici, d'une troupe qui attaque)» (Gaidon, 8005, p.241 ds T.-L.); b) 1555 en parlant du vent léger (Ronsard, Continuation des Amours, XXVII, éd. P. Laumonier, t.7, p.144). Déverbal de murmurer*. Fréq. abs. littér.: 2161. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3533, b) 3707; xxes.: a) 2876, b) 2454. Bbg. André (J.). De lat. murmur à fr. murmure. Romania. 1975, t.96, pp.265-268. _ Morin (Y. Ch.). The Phonology of echo-words in French. Language. Baltimore. 1972, t.48, p.106. _ Quem. DDL t.8. _ Söll (L.). Murmurare in der Romania: Bedeutungswandel durch Lautwandel? In: [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, t.2, p.290; pp.298-299. |