| MUNIR, verbe trans. A.− Vieilli ou littér. [Sans compl. d'obj. indir.; le suj. désigne une pers.] Munir qqn ou qqc. 1. [L'obj. désigne une ville, une place forte ou, plus rarement, une armée] Approvisionner en vivres et en armes. Quand on vit que les Anglais ne pouvaient se résoudre à la paix, (...) on avisa de ne pas être pris au dépourvu; des ordres furent donnés pour réparer et munir les cités ou forteresses des frontières (Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 2, 1821-24, p. 117).Au lieu de songer à la livrer, (...) [le duc de Savoie] fortifiait et munissait en toute hâte sa citadelle de Turin (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 8, 1864, p. 432).V. forfaiture ex. : 1. On les verra, peuple léger, peuple mobile, pendant quatre années éternelles (...), animer, susciter, raffermir leurs alliés, qu'ils confortent, qu'ils munissent, qu'ils instruisent, sans que l'on puisse concevoir d'où ils tirent eux-mêmes tant de ressources, tant d'esprit, tant de cœur, tant d'argent, tant de héros...
Valéry, Variété IV,1938, p. 74. 2. P. anal. Affermir; rendre fort, solide; pourvoir de moyens de défense. Huit jours et plus, (...) employés à soigner son cœur, à munir ses yeux, à se garder dans une pureté scrupuleuse (Sainte-Beuve, Volupté,t. 2, 1834, p. 41): 2. Vaincre, c'est avancer, disait-on. On eût pu dire : Vaincre, c'est convaincre. L'histoire, qui, par essence, contient des exemples de tout, qui permet de munir toute thèse et qui arme de faits tous les partis, fournissait largement les apôtres de cette tactique.
Valéry, Variété IV,1938p. 61. − [Avec compl. prép.] Munir qqn ou qqc. contre qqc.Donner des moyens de défense, de protection contre une agression, un danger possible. Synon. mod. prémunir.Ces plants acquièrent (...) tôt la force nécessaire pour résister aux froids de l'hiver, contre lesquels d'ailleurs on les munit, en les entourant de terre et en les recouvrant de feuillage et de ramilles (Baudrillart, Nouv. manuel forest.,t. 1, 1808, p. 243): 3. ... il n'avait jamais perdu de vue le clocher de Saint-Méry, sa paroisse (...). Aussi sa femme l'avait-elle muni, dans cette circonstance, contre tous les dangers (...). Il avait dans sa poche deux gros pistolets d'arçon (...), une canne à sabre et un couteau de chasse, un parapluie à canne dans son fourreau de toile verte, une houppelande et un bonnet de laine à coiffe...
Jouy, Hermite,t. 2, 1812, p. 273. ♦ Emploi pronom. réfl. Se munir contre/pour qqc.Se donner les moyens nécessaires pour obtenir quelque chose ou se défendre contre quelque chose. Synon. mod. se prémunir contre.Si j'avais connu M. de Mircourt, je l'aurais engagé à se munir contre ces louanges d'un certain charme dont parle Virgile (Jouy, Hermite,t. 2, 1812p. 252).Il n'a cessé, dans toute sa carrière et à chaque degré, de se préparer, de se munir, de s'aguerrir de plus en plus pour cette fonction et pour ce talent de professeur qui est de ceux qui s'acquièrent (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 12, 1868, p. 339). B.− Usuel. [Avec compl. d'obj. indir.] Munir qqn ou qqc. de qqc. 1. [Le suj. désigne une pers.] a) [L'obj. désigne une pers.] Fournir, procurer quelque chose à quelqu'un; doter, équiper quelqu'un de quelque chose. Je prendrai des informations à la questure, de manière à vous munir d'une procuration bien en règle (Gide, Caves,1914, p. 842).Billy a voulu me munir d'un litre de gin, d'un cake, d'un châle de Manille. J'ai refusé tout cet attirail étranger. Aussi j'ai soif, j'ai froid, et j'ai faim (Giraudoux, Suzanne,1921, p. 215).La prévoyance de son père l'avait muni d'un parapluie. Et lui avait donné l'ordre impérieux de s'en servir! (Jouve, Scène capit.,1935, p. 58). − Emploi pronom. réfl. Se munir de qqc.Se procurer, emporter quelque chose. Vous devriez bien aussi vous munir d'un matelas et d'une marmite pour vous coucher et faire la soupe (Gautier, Tra los montes,1843, p. 15).Je m'étais muni d'une carte et je méditais de gagner la Suisse par la trouée de Belfort (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 27).Il ne s'attarda guère à Lyon, juste le temps de vendre ses livres et de se munir de lettres de recommandation (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 152).V. geler II A 3 ex. de Flaubert : 4. Si l'on a la contrariante habitude de se laver tous les jours, et le vice impardonnable de boire de l'eau, il est prudent de se munir de ce liquide précieux, au moins pour la toilette.
T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 16. ♦ Au fig. Se munir de patience, de résignation. Synon. s'armer : 5. J'invite ceux qui auront la curiosité et le loisir de parcourir les légendes de ces héros du christianisme, à se munir de patience, et je les défie d'en citer un ou deux dont les vertus prétendues puissent soutenir l'examen...
Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 552. b) [L'obj. désigne une chose] Équiper, garnir, pourvoir de quelque chose. La reine (...) partit secrètement pour Melun avec ses enfans, puis commença à munir cette ville d'armes et de vivres (Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 3, 1821-24, p. 49).Maman partait tous les deux jours et rapportait un gros paquet de vêtements qu'il lui fallait coudre, doubler, munir de boutonnières et de boutons (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 211).Parfois les Indiens de la Guyane abattaient un arbre de taille adéquate en ayant soin qu'il tombât en travers de la rivière. Ils l'assujettissaient ensuite et le munissaient d'une rampe (Lowie, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p. 178): 6. Toute opinion meurt impuissante ou frénétique, si elle n'est logée dans une assemblée qui la rend pouvoir, la munit d'une volonté, lui attache une langue et des bras.
Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 192. 2. Au fig. [Le suj. désigne une entité abstr.] Il désirait acquérir cette ferveur qui munit les saints d'énergie, de puissance et de félicité (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 421). C.− Rare. [Le suj. désigne l'élém. surajouté à l'obj.] Synon. de garnir (v. ce mot B 2 b).Des parties insensibles (...) munissent les organes du toucher, et les préservent contre des impressions trop fortes (Cuvier, Anat. comp.,t. 2, 1805, p. 595). Prononc. et Orth. : [myni:ʀ], (il) munit [myni]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1330 « pourvoir d'une protection, protéger » munir des gantelès (Guillaume de Digulleville, Vie humaine, 4178 ds T.-L.); ca 1350 fig. (Gilles Li Muisis, Poésies, I, 41, ibid. : Qui n'iert par repentir munis, De Dieu serra ciertes punis); spéc. 1530 « fortifier (un château, une place) » (Lefèvre d'Etaples, Bible d'apr. FEW t. 6, 3, p. 222a); 1552 (Est., s.v. munitor : Qui fortifie et munit); 2. p. ext. 1588 « pourvoir de ce qui est nécessaire » (Montaigne, Essais, II, XII, éd. A. Thibaudet et M. Rat, p. 435). Du lat. munire « faire un travail de maçonnerie, construire; fortifier; protéger, abriter », se munire fig. « se fortifier contre quelque chose ». Fréq. abs. littér. : 802. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 324, b) 1 166; xxes. : a) 1 017, b) 1 041. |