| MULTITUDE, subst. fém. A.− Multitude + compl. de nom.Très grand nombre (d'êtres ou de choses concrètes ou abstraites, de même espèce). Synon. armée, avalanche, essaim, floppée (fam.), flot, foule, infinité, légion, nuée, grande quantité, tas, troupeau.Une multitude d'êtres, d'hommes et de femmes; une multitude d'insectes; une multitude de livres, de nuages; la multitude des événements, des lois, des opinions. Je ravive une multitude de charmants souvenirs (M. de Guérin, Journal,1834, p. 208).La multitude infinie des combinaisons auxquelles a donné lieu le jeu continuel des forces de la nature (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 87): 1. ... je trompe surtout Marguerite avec Marguerite. Je trompe la Marguerite d'aujourd'hui avec la femme qu'elle était il y a huit jours, avec celle qu'elle était il y a dix ans, avec la Marguerite jeune fille que je ne possédais pas encore, je la trompe avec une multitude d'elle-même...
Duhamel, Journal Salav.,1927, p. 99. B.− Emploi abs. 1. Synon. de pluralité.La conciliation paradoxale de l'élément et du tout, de l'unité et de la multitude (Teilhard de Ch., Phénom. hum.,1955, p. 295). 2. Vieilli, littér. Rassemblement d'un grand nombre de personnes. Synon. affluence, cohue, foule.Au cœur, au sein de la multitude; être perdu dans la multitude. Quand vous vous assemblez, bruyante multitude, Pour aller le traquer jusqu'en sa solitude (Hugo, Rayons et ombres,1840, p. 1092).Une innombrable multitude avançant dans une lumière incertaine, une humanité humble et douloureuse à la fois cherchant sa route dans un grand pays obscur (Green, Journal,1941, p. 162): 2. ... des centaines de mille d'Égyptiens dont les costumes blancs ou bigarrés de couleurs vives papillotaient au soleil dans ce fourmillement perpétuel qui caractérise la multitude, même lorsqu'elle semble immobile...
Gautier, Rom. momie,1858, p. 214. − Rare. [En parlant d'animaux] Chacun [des halictes], profondément isolé dans la multitude, bâtit sa demeure pour soi seul, sans s'occuper de son voisin. « C'est, dit M. J. Perez, (...) une cohue de travailleurs rappelant l'essaim d'une ruche uniquement par le nombre et l'ardeur » (Maeterl., Vie abeilles,1901, p. 285). 3. Péj., littér. Ceux qui forment le plus grand nombre, la masse du peuple, le commun des hommes. Synon. foule, masse.La vile multitude; flagorner, flatter la multitude; suivre la multitude; s'élever au-dessus de la multitude. La multitude ne vaut rien. Sans chefs, la masse se désagrège et retourne vite à l'animalité (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 396).Le maître du discours musical, qui de la tribune semble haranguer les multitudes (Rolland, Beethoven,t. 1, 1937, p. 96): 3. Et le pauvre est toujours à la même place, à l'extrême pointe de la cime vertigineuse, en face du seigneur des abîmes qui lui répète inlassablement depuis vingt siècles, d'une voix d'ange, de sa voix sublime, de sa prodigieuse voix : « Tout cela est à vous, si vous prosternant, vous m'adorez...» Telle est peut-être l'explication surnaturelle de l'extraordinaire résignation des multitudes.
Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1104. Prononc. et Orth. : [multityd]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1remoitié xiies. multitudine « abondance de quelque chose » (Psautier Oxford, 30, 23, ds T.-L.); 2. a) 1155 multitude « grand nombre de personnes » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 7692); en partic. ca 1175 multitude de (Benoît de Ste-Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 12576); b) 1662 péj. la multitude « le commun des hommes » (Corneille, Sertorius, V, 6). Empr. au lat. class. multitudo « multitude, grand nombre » d'où « la foule, le vulgaire »; dans 1, l'accent porte sur l'antépénultième, dans 2, il y a eu réduction de la finale -udine en -ude, cf. virgine/virge, vierge*, angele/ange*, etc. Fréq. abs. littér. : 2 385. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 511, b) 2 595; xxes. : a) 3 201, b) 2 122. DÉR. Multitudinaire, adj.a) Multiple, qui forme une pluralité. Alors qu'aucun poème personnel de lyrisme ou de pensée ne songe à rassembler en lui l'unité multitudinaire de la cathédrale (Faure, Espr. formes,1927, p. 41).b) [Correspond à supra B 3] Qui forme une multitude. Tant que je n'aurai pas vu ces deux choses, les pèlerinages multitudinaires me dégoûteront (Bloy, Journal,1904, p. 232).Le communisme suscite et nourrit les réactions de défense de type fasciste ou raciste, et celles-ci suscitent et nourrissent à leur tour les réactions de défense communistes, de sorte que ces deux forces multitudinaires grandissent simultanément dressées l'une sur l'autre (Maritain, Human. intégr.,1936, p. 294).− [myltitydinε:ʀ]. − 1reattest. 1904 (Bloy, loc. cit.); formé sur le rad. du lat. multitudo, v. multitude, suff. -aire*, cf. l'angl. multitudinarious « nombreux, existant en grand nombre » dès 1810 (NED). BBG. − Dessaux (A.-M.). Déterm. nom. et paraphrases prép. Lang. fr. 1976, no30, pp. 44-62. − Dub. Pol. 1962, pp. 348-349. − Quem. DDL t. 11. − Vardar Soc. pol. 1973 [1970], p. 270. |