| MULTIPLIER, verbe I.− Emploi intrans., vx. [P. réf. à la Bible, Gen. I, 22/ 28] Accroître sa descendance. Croissez et multipliez. Après avoir prié Dieu de bénir les époux, afin qu'ils voient croître et multiplier leurs enfants, jusqu'à la troisième et la quatrième génération (Zola, Rêve,1888, p. 206): 1. ... que ceux qui possèdent un talent dont le prix conventionnel est supérieur au nécessaire absolu, jouissent, prospèrent, et par suite multiplient...
Destutt de Tr., Comment. sur Espr. des lois,1807, p. 264. − P. anal. Se développer. Et cette maladie qu'était l'amour de Swann avait tellement multiplié, il était si étroitement mêlé à toutes les habitudes de Swann, à tous ses actes, à sa pensée, à sa santé, à son sommeil, à sa vie, même à ce qu'il désirait pour après sa mort, il ne faisait tellement plus qu'un avec lui, qu'on n'aurait pas pu l'arracher de lui sans le détruire lui-même à peu près tout entier (Proust, Swann,1913, p. 308). II.− Emploi trans. A.− Accroître, augmenter quantitativement. 1. [Le compl. d'obj. est au plur. ou bien désigne un nombre, une quantité] Augmenter le nombre, la quantité de. a) [L'obj. désigne un inanimé concr.] Ces grosses poulies qu'on avait multipliées partout pour remplacer les bras des hommes (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 319). − Multiplier les pains. [P. allus. au N. T., v. multiplication] Tu feras l'aumône quand ton amour saura multiplier les pains (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 218). b) [L'obj. désigne un animé] Multiplier les personnages, les victimes, le nombre des infortunés. Il vaut mieux multiplier les fonctionnaires publics, que de confier à quelques-uns une autorité trop redoutable (Robesp., Discours,Constit., t. 9, 1793, p. 500). − En partic. [L'obj. désigne un organisme vivant dont le nombre augmente par la reproduction] Faire croître. C'est une maxime de la raison qu'il ne faut point multiplier les êtres sans nécessité (Alain, Propos,1933, p. 1161). ♦ [P. méton.] La dangereuse bête [une vipère] m'apparaissait comme une preuve de l'indifférence de cette nature, qui n'a d'autre souci que de multiplier la vie, bienfaisante ou meurtrière (Bourget, Disciple,1889, p. 99). ♦ P. métaph. Sa parole [du Christ] enfante et multiplie la vie de l'âme (Lamart., Voy. Orient,t. 1, 1835, p. 331). 2. [L'obj. est un subst. abstr. au plur., notamment un subst. d'action] Accumuler, répéter. Multiplier (à l'infini, indéfiniment) les attaques, les besoins, les chances, les citations, les conseils, les contacts, les démarches, les erreurs, les exemples, les expériences, les forces, les jouissances, les moyens, les observations, les occasions, les questions, les recommandations, les signes, les témoignages, les visites. Les projets attachants se pressaient sur nos lèvres et multipliaient nos discours (Sainte-Beuve, Volupté, t. 1, 1834, p. 238).Le curé multipliait les avertissements (Aymé, Jument,1933, p. 66): 2. ... pour réaliser cette « mise en scènes », il m'avait fallu multiplier les détails, inventer toutes sortes d'ingénieux détours, dont la plupart n'ajoutaient rien qui fût bien nécessaire au développement du sujet.
Martin du G., Souv. autobiogr.,1955, p. LXI − Avec une nuance péj. Accumuler inutilement. La thèse enfin, pour ne pas multiplier les noms, que Turgot formulait (P. Leroux, Humanité,1840, p. 150). 3. Rare. [Le suj. désigne un inanimé concr.] Un prestigieux palais multipliait de frêles colonnettes (Lorrain, Sens. et souv.,1895, p. 87). 4. ARITHM. Faire une multiplication. Multiplier par (+ indication de nombre). En renversant la proportion, j'aurais eu encore à multiplier par cent le nombre des coupables (Proust, Prisonn.,1922, p. 298): 3. ... si l'on multiplie le nombre des célibataires par le nombre des bonnes fortunes, on obtiendra neuf millions d'aventures, et, pour y faire face, nous n'avons qu'un million de femmes honnêtes!...
Balzac, Physiol. mar.,1826, p. 79. − P. anal. ou au fig. Multiplier son ennui par celui des autres (Renard, Journal,1894, p. 214).Kiki-La-Doucette : (...) j'ai multiplié mes vingt griffes par cent, mes dents par mille, et j'ai fui, comme par magie (Colette, Dialog. bêtes,1905, p. 16). B.− [Le compl. d'obj. est au sing.] Augmenter, accroître l'intensité, la valeur de. Les larges pavés blancs de Naples, ces pavés de lave, et placés là comme pour multiplier l'effet de la chaleur et de la lumière, brûlaient ses pieds (Staël, Corinne, t. 3, 1807, p. 4).C'est pourquoi il [le directeur d'un grand port] (...) invente quelque appareil élévatoire qui multiplie la vitesse au lieu de la diviser (Alain, Propos,1932, p. 1081): 4. ... le but est de vivifier, c'est-à-dire d'augmenter la somme de joie, de vie, d'espérance, de vertu, de bonté autour de moi, de multiplier l'être, d'améliorer, d'élever, de transformer ce qui dépend de moi, et de verser par mon fait plus de bonheur dans le monde, que si je n'y étais pas.
Amiel, Journal,1866, p. 41. III.− Emploi pronom. réfl. A.− 1. Devenir plus nombreux, plus abondant. Je jouis vivement à voir défiler les beaux villages qui se succèdent et se multiplient en approchant de Londres (Michelet, Chemins Europe,1874, p. 165).L'industrie moderne a facilité considérablement cet amortissement de la possession, en développant la richesse mécanique qui se multiplie à la portée de la main (Mounier, Traité caract.,1946, p. 532): 5. Si les célibataires se multipliaient dans la classe ouvrière, non-seulement ils ne contribueraient point à recruter la classe, mais ils empêcheraient que d'autres pussent la recruter.
Say, Écon. pol.,1832, p. 373. 2. [Le suj. désigne un animé hum.] Manifester une activité intense; donner l'impression d'être plusieurs personnages à la fois. Synon. se dédoubler, se couper* en quatre (fam.).Elle se multiplia pour le distraire et l'amuser, en l'instruisant de sa flamme (Radiguet, Bal,1923, p. 47): 6. Aucun des grands poëtes romantiques français ne savait l'allemand (...) je ne vois que (...) Gérard de Nerval, qui de bonne heure se multipliait et était comme le commis-voyageur littéraire de Paris à Munich.
Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 4, 1863, p. 454. B.− Se reproduire : 7. « Après que les hommes eurent commencé à se multiplier sur la terre, et qu'ils eurent engendré des filles. » Il est bien sûr qu'ils ne pouvaient se multiplier sans engendrer des filles. Le texte hébreu exprime positivement qu'il s'agit d'une multiplication abondante et disproportionnée du sexe féminin par rapport à l'autre sexe.
P. Leroux, Humanité,1840, p. 627. Rem. Pour l'emploi vx abs. sans pron., v. supra I et v. croître A 2 a. − Rare. [En parlant de l'image d'un objet placé entre deux miroirs] Se reproduire indéfiniment : 8. ... l'image de la maison grise cessa de flotter dans sa pensée, se dessina tout à coup avec une extraordinaire netteté, puis parut s'y multiplier ainsi qu'entre deux miroirs.
Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 979. REM. 1. Multipliant, -ante, part. prés. et adj.Le double effet multipliant et diversifiant obtenu d'abord par la reproduction asexuée, telle que celle-ci fonctionne encore chez tant d'organismes inférieurs (Teilhard de Ch., Phénom. hum.,1955, p. 111). 2. Multiplié, -ée, part. passé et adj.Des besoins aussi multipliés et aussi compliqués à satisfaire (Say, Écon. pol.,1832, p. 18). Prononc. et Orth. : [myltiplije], (il) multiplie [myltipli]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Verbe intrans. 1. 1remoitié xiies. « augmenter, croître » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, 48, 17 : Ne criemes cum riche serat faiz huem, e cume multipliede serat la glorie de sa maisun); 2. 1155 « augmenter en nombre par la reproduction » (Wace, Roman de Brut, éd. I. Arnold, 5198 : Par la terre se herbergierent, Tost crurent e multiplierent); 3. 1269-78 « faire une multiplication » monteplier (Jean de Meun, Roman de la Rose, éd. F. Lecoy, 12766). II. Verbe trans. 1. début xiies. « augmenter le nombre de » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, 3, 1); d'où ca 1200 « faire croître en nombre » (Dialogue Grégoire, 33, 5 ds T.-L.); 2. 1172-74 « faire la multiplication d'un nombre » (Guernes de Pont-Sainte-Maxence, Vie de St Thomas, éd. E. Walberg, 3432). III. Verbe pronom. 1. début xiiies. « devenir plus nombreux » moutepleer (Chastoiement d'un pere à son fils, éd. A. Hilka et W. Söderhjelm, 1496); 2. 1269-78 « se reproduire en parlant des êtres vivants » monteplier (Jean de Meun, Roman de la Rose, éd. F. Lecoy, 19771); 3. 1580 « se propager, s'étendre » (Montaigne, Essais II, 15, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, I, 617); 4. 1687 « faire preuve d'une activité extrême » (Bossuet, Louis de Bourbon ds Littré). Empr. au lat. multiplicare « multiplier, augmenter, accroître ». En a. fr. la forme monteplier (cf. I 3, III 2), monteplier (III 1) est largement att.; son orig. se trouve en partie dans la forme mont pour mout (lat. multum), en partie dans le subst. mont « monceau, tas » (FEW t. 6, 3, p. 205, note 1). Fréq. abs. littér. Multiplier : 1 781. Multiplié : 821. Multipliant : 210. Fréq. abs. littér. Multiplier : xixes. : a) 3 528, b) 1 675; xxes. : a) 1 830, b) 2 565. Multiplié : xixes. : a) 2 197, b) 817; xxes. : a) 657, b) 782. Multipliant : xixes. : a) 403, b) 206; xxes. : a) 240, b) 293. Bbg. Pohl (J.). Contribution à l'hist. de qq. mots. Arch. St. n. Spr. 1969, t. 205, p. 367 (s.v. multipliant). |