| MUGIR, verbe I.− Emploi intrans. A.− [Le suj. désigne un animal de l'espèce bovine] Pousser le cri prolongé, vibrant, grave et sonore qui lui est propre. Synon. beugler, meugler.L'onagre a-t-il crié, le bœuf a-t-il mugi quand ils ont eu de l'herbe? (Hugo, Fin Satan,1885, p. 906): 1. Aux champs, au fond des terres même, l'absence de bruits n'est jamais entière. Un chien aboie, un taureau mugit de désir en rôdant, une bête maraudeuse jette son cri de chasse...
Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 182. B.− P. anal. Émettre un cri ou un bruit comparable à un mugissement. Synon. hurler, gronder, rugir; crier, brailler. 1. [Le suj. désigne un animal autre qu'un bovin] Ils reverront le fleuve échappé des grands monts, Où nage en mugissant l'hippopotame énorme (Leconte de Lisle, Poèmes barb.,1878, p. 184).Dans les soirs d'Amsterdam, lorsque la brume arrive Sur le fauve jardin, plein d'exaltations, Et qu'on entend mugir vers leur lointaine rive La panthère alanguie et les tristes lions (Noailles, Éblouiss.,1907, p. 23). 2. [Le suj. désigne une chose] Faire entendre un bruit ou un son puissant et prolongé. J'entendis un torrent mugir et rouler une vocifération patoise, sonore, caillouteuse (Arnoux, Paris,1939, p. 175).J'étais comme le passager attardé qui entend mugir la sirène (Gracq, Syrtes,1951, p. 199): 2. ... après une pause, l'orgue assisté de deux contrebasses mugissait, emportant dans son torrent toutes les voix, les barytons, les ténors et les basses...
Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 5. − Au fig. [Le suj. désigne un élément de la vie intellectuelle ou morale] S'exprimer, se manifester avec violence. Qu'est-ce que ce drame? Une première pierre peut-être de l'édifice dramatique qui mugit dans ma tête (Villiers de L'I.-A., Corresp.,1855-56, p. 30).Nous nous connaissons sans doute un peu plus clairement qu'autrui, mais chacun doit descendre en soi-même et à mesure qu'il descend les ténèbres s'épaississent jusqu'au tuf obscur, au moi profond, où s'agitent les ombres des ancêtres, où mugit l'instinct ainsi qu'une eau sous la terre (Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 188). 3. [Le suj. désigne une pers.] Pousser des cris violents; parler ou chanter avec une force excessive. Mugir de joie. On (...) voyait remuer des mourants à demi calcinés et mugissant de douleur (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 476).Et le train filait toujours (...). Nous approchions de la nuée [Paris]. Des noms s'illuminaient (...). Les doux bêlaient, les aigres miaulaient, les gras mugissaient, les maigres rugissaient (Valéry, Soirée avec M. Teste,1895, p. 85). II.− Emploi trans., rare. Exprimer, dire, chanter quelque chose, en criant avec une force excessive. Si, malheureusement, une servante venait à passer, il reprenait sa voix de stentor et mugissait : « Allez-vous-en! Allez-vous-en! Fermez la porte! » (Chateaubr., Mém.,t. 2, 1848, p. 78).Chez Colonne, la lénitive madame de Granval (...) nous a servi son Chant du Reître, mugi par le pauvre Auguez (Willy, Bains de sons,1893, p. 74).Mais Ladourd retombe lourdement sur sa chaise, secoue la tête comme le taureau qui compte ses banderilles, mugit son indignation (H. Bazin, Mort pt cheval,1949, p. 105). Prononc. et Orth. : [myʒi:ʀ], (il) mugit [myʒi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin xiiies. (Gautier de Bibbesworth, Traité, éd. A. Owen, 250); 2. 1507 « produire un bruit comparable à un mugissement » (O. de St-Gelais, Eneide, fo140b, éd. 1529 ds Gdf. Compl.); 3. 1744 verbe trans. je mugis des vers (Favart, Acajou, I, 4 ds Littré). Réfection d'apr. le lat. mugire « mugir, beugler; retentir, crier avec violence », de l'a. fr. muir, muire, même sens (xiie-xives. ds Gdf., T.-L.). Fréq. abs. littér. : 342. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 796, b) 515; xxes. : a) 459, b) 220. |