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MOUTONNER, verbe
A.− Emploi trans., vx
1. Friser ou anneler une chevelure, une barbe pour la rendre semblable à une toison de mouton. Les merveilleuses font moutonner leurs cheveux courts et leur coiffure est toute enjolivée des ornements que nous venons de citer (Stéphane, Art coiff. fém.,1932, p. 156).
2. Arg. Faire parler quelqu'un pour le dénoncer en lui inspirant confiance (d'apr. France 1907, Delvau 1883, Esn. 1966). Pendant trois berges, je me suis laissé moutonner par cette canaille (Riv.-Car.1969).
B.− Emploi intrans.
1. Onduler, friser comme la toison d'un mouton. Tandis que, moutonnant à ses tempes brûlées, Les cheveux, du zéphyr pour toujours oubliés, Rappelaient, à les voir, la toison des béliers (Bouilhet, Dern. chans.,1869, p. 1153).
2. Faire des moutons.
a) [Correspond à mouton I C 1 a; le suj. désigne la mer, la crête des vagues] En bas, à plus de cent toises, les vagues moutonnaient, couronnées d'une écume blanche, et ces vagues pouvaient servir de cercueil (Ponson du Terr., Rocambole,t. 1, 1859, p. 27).Ils s'assirent en ligne sur le parapet de granit et regardèrent moutonner les flots (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Mais. Tellier, 1881, p. 1182).Au loin, la clameur des vagues avait grandi, des crêtes énormes moutonnaient, et un crépuscule de mort pesait, au pied des falaises, sur Bonneville désert (Zola, Joie de vivre,1884, p. 816).
b) [Correspond à mouton I C 1 b; le suj. désigne les nuages] Ce sont les derniers de la dynastie Van de Velde qui (...) ont vu les gros bateaux de commerce reprendre la mer, et leurs pavillons qui volent, et la houle, et la brise et les nuages moutonnant dans les grands espaces des cieux (Faure, Hist. art,1921, p. 60).La ville grossissait dans le trou gris, toute seule parmi les nuages qui moutonnaient jusqu'à l'horizon (Malraux, Espoir,1937, p. 816).
3. P. anal. [Le suj. désigne un groupe, une foule d'animés ou un ensemble d'inanimés]
a) Avoir l'aspect d'un troupeau de moutons. Quasimodo vit alors distinctement moutonner dans le parvis un effrayant troupeau d'hommes et de femmes en haillons (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 466).On quittait les eaux de Séphorie pour la zone de collines caillouteuses, arides et nues qui moutonnent au sud et à l'est du Djébel Tourân (Grousset, Croisades,1939, p. 243).
b) Remuer comme des vagues qui moutonnent. Soudain, au loin, par-dessus l'océan de blé mûr qui moutonnait à l'infini, je distinguai le tricorne en bataille du gendarme Labourbourax (Courteline, Gend. sans pitié,1899, 2, p. 161).Un type est en train de coller un papillon sur la porte, c'est la ruée, la foule moutonne autour du perron (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 253).Elle imaginait, derrière les murs, une mer de palmiers droits et flexibles, moutonnant dans la tempête (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1563):
Alban s'était placé à l'arrière; l'épaule gauche de son cheval touchait la croupe du cheval le précédant. Il voyait moutonner les gros dos que l'épine dorsale creusait à cause de la saillie des muscles, et que dominaient les cornes à pointes noires des taureaux noirs... Montherl., Bestiaires,1926, p. 499.
4. Au fig. ou p. métaph. Rendre instable, susciter des remous. Synon. fam. faire des vagues*.Avez-vous lu les journaux de théâtre? (...) Cela commence à moutonner autour de votre exercice, comme on dit aux commissaires-priseurs (E. de Goncourt, Zemganno,1879, p. 216).L'esprit humain, avec ses attitudes diverses, tout autour de lui moutonnait à de telles profondeurs, qu'un vertige et des cercles oiseux l'incommodèrent (Barrès, Barbares,1888, p. 113).
Prononc. et Orth. : [mutɔne], (il) moutonne [mutɔn]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Intrans. 1. 1560 [éd.] « s'agiter comme des vagues (en parlant de chevaux) » (Aneau, Alector, fo67 ro); 2. 1678 « faire des moutons » (Guillet t. 3, p. 240 : la mer moutonne); 3. 1832 p. anal. « avoir l'aspect d'un troupeau de moutons » (Hugo, loc. cit.). B. Trans. 1. 1694 « rendre frisé » (Ac.); 2. 1797 « faire parler un inculpé en captant sa confiance » (d'apr. Esn.). Dér. de mouton*; dés. -er. On note également en 1502 le hapax moultoner « enfoncer des pieux avec le mouton » (Doc. ds Comptes de dépenses de la construction du château de Gaillon, éd. A. Deville, p. 48); dér. de mouton « gros billot dont on se sert pour enfoncer des pieux ». Fréq. abs. littér. : 73.