| MOUTARD, subst. masc. Familier A.− Petit garçon. Il accéléra la cadence de ses béquilles et il voulait rattraper le moutard qui trottait devant lui. De son seul pied, il essaya de l'atteindre, mais le môme se remit à rire et lui fit la nique (Benjamin, Gaspard,1915, p. 157).Il s'était peu à peu dégoûté de la vie scolaire, de sa monotonie, de ses astreintes, de la situation de moutard où elle vous maintient à l'égard des grandes personnes (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 240).V. caca ex. de Cros. − [Par mépris ou dérision, en parlant d'un homme] Cora (...) avait le verbe haut, et rudoyait son mari. Elle le traitait en petit garçon, en moutard, en homme de peu d'importance (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Hérit., 1884, p. 498): ... les autres femmes (...) se passionnent pour de petits jeunes gens à barbe de bouc, des drôles qui fument, et grossiers comme des laquais! Car leur jeunesse leur donne une insolence!... (...) Moi, que tu soupçonnes de coquetterie, je préfère à ces moutards les gens de cinquante ans...
Balzac, Cous. Bette,1846, p. 190. B.− Au plur. Enfants (sans distinction de sexe). Des familles entières se regardaient avec des airs dolents, buvaient sans enthousiasme, ne retrouvaient un peu de vie que pour calotter des moutards qui dansaient en rond et tombaient, les pieds en l'air, au milieu des couples (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 233).Avec les femmes, il y a toujours des histoires, et puis les moutards qui veulent pisser (Anouilh, Antig.,1946, p. 168). Rem. On relève qq. emplois de moutard au sing. pour désigner un enfant sans distinction de sexe, notamment lorsqu'il s'agit d'un enfant à naître ou qui vient de naître. Louise a été prise de douleurs et (...) il a bien fallu avouer que le moutard demandait à voir le jour (Flaub., Corresp., 1845, p. 47). Il alla chercher la petite et il la présentait comme s'il eût tenu le pain bénit, quand la porte s'ouvrit et Isidore Vallin parut. (...) le mari, les larmes aux yeux, fit un pas, prit le frêle moutard que lui tendait l'autre, l'embrassa (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Martine, 1883, p. 116). Prononc. et Orth. : [muta:ʀ]. Att. ds Ac. 1878, 1935. Étymol. et Hist. 1. 1827 « enfant » (Monsieur comme il faut, p. 23 : Moutard. Enfant); 2. 1834 « petit garçon » (Boiste). Orig. incertaine. Se rattache peut-être, de même que le fr.-comtois et le fr.-prov. mottet « petit garçon, jeune homme » (dep. 1633 dans le Dauphiné d'apr. FEW t. 6, 3, p. 298a), au fr.-comtois et au fr.-prov. moutte, mote « (chèvre) sans cornes » (de même orig. que le fr. motte*), les chèvres sans cornes étant aussi les plus jeunes; de plus, les aires géogr. de mottet « petit garçon » et de moutte « (chèvre) sans cornes » sont identiques (FEW t. 6, 3, p. 300a, note 30). Pour d'autres hyp. intéressantes, v. Michel 1856 et Littré Suppl. Fréq. abs. littér. : 101. Bbg. Alessio (G.). Saggio di etimologie francesi. R. Ling. rom. 1950, t. 17, pp. 188-189. − Gebhardt (K.). Les Francoprovençalismes de la lang. fr. R. Ling. rom. 1974, t. 38, p. 195. − Sain. Sources t. 2 1972 [1925], p. 268, 349. |