| MOUSSER, verbe intrans. A.− Produire de la mousse (v. mousse2A 1). 1. a) [Correspond à mousse2A 1 a] L'étroite rivière qui moussait, grognait, bouillonnait et filait dans son lit d'herbes (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Pte Roque, 1885, p. 1018).Un lait épais qui va bouillir et mousse doucement (Giono, Gd troupeau,1931, p. 57). − En partic. [Correspond à mousse2A 1 a en partic.] Le champagne rosé moussait dans les carafes frappées (Goncourt, Ch. Demailly,1860, p. 137).Pour une monnaie de nickel, qui valait à peine un sou, on avait une pinte de bière fraîche, qui moussait doucement dans des pots de grès, sur les tables d'auberge (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 241): 1. ... Cornudet réclama de la bière. Il avait une façon particulière de déboucher la bouteille, de faire mousser le liquide, de le considérer en penchant le verre, qu'il élevait ensuite entre la lampe et son œil pour bien apprécier la couleur.
Maupass., Contes et nouv.,Boule de suif, 1880, p. 132. b) [Correspond à mousse2A 1 b] Eau de lessive qui mousse; faire mousser une eau savonneuse. Se raser... en faisant mousser le savon avec la belle eau claire de la fontaine (Giono, Colline,1929, p. 190). 2. P. anal. a) [Correspond à mousse2A 1] La crise se calma, et, au bout de quelques minutes, il reprit d'une voix apaisée, tandis qu'un peu de salive moussait au coin de ses lèvres (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 18).Les bûches mouillées moussent dans le poêle mêlant l'humidité à la chaleur (Morand, Homme pressé,1941, p. 53): 2. Elle donnait à boire à son oiseau sur ses lèvres. Quoique l'oiseau soit femelle, la chose était très provocante. Elle faisait mousser un peu de salive, que j'aurais voulu savourer. L'oiseau lui enfonçait le bec, à la Léda, dans la bouche. Mais elle pinçait le bec du pinson et le retenait.
Michelet, Journal,1860, p. 544. b) [Correspond à mousse2A 2] Elle se coiffait avec le chignon haut, selon la mode d'alors, et ses cheveux d'un blond sombre moussaient sur sa nuque (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 123).Elle tenait ses jupons relevés. Elle courait à pleines jambes. Ses cuisses nues faisaient mousser du linge blanc (Giono, Joie demeure,1935, p. 133): 3. Cette chambre (...) n'était qu'une garde-robe, un étroit passage entre deux massifs touffus de jupes, de corsages et de châles, suspendus à des crochets (...). Cela moussait de volants, de manches bouffantes, de rubans en coques, de mantilles froissées, et se gonflait d'anciennes présences, d'anciennes danses, de parfums encore frais...
T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 118. c) [Correspond à mousse2A 3 a] Une lumière blonde moussait dans le wagon, courant sur les corps étendus, frisant les couvertures, pâlissant les visages (Sartre, Sursis,1945, p. 187): 4. C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Rimbaud, Poés.,1871, p. 76. B.− Au fig., fam. 1. Faire mousser qqc./qqn.Vanter, mettre exagérément en valeur, donner une importance exagérée à. a) Faire mousser qqc. − [En parlant d'une chose] On donnera des dividendes superbes pris sur le capital, pour faire mousser les actions (Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 216).Les industriels qui veulent faire mousser leur industrie (Goncourt, Journal,1864, p. 106).Cet emmerdeur aurait voulu que Vinet marquât le rôle du parti à mobiliser les ouvriers ce soir... (...). C'est-à-dire que ces pauvres bougres voulaient faire mousser leurs initiatives (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 177). − [En parlant d'une idée, d'un affect] Personne ne connaissait mieux que Rivarol l'art de faire mousser une idée (Chênedollé, Journal,1807, p. 20).Ils possèdent au plus haut degré le secret de développer, de commenter, d'enfler une idée, de faire mousser un sentiment (Staël, Corinne,t. 1, 1807, p. 323).Tâche de faire mousser ma tendresse pour notre bon grand-père (...) il serait triste pour lui de croire que ma vénération a diminué (Stendhal, Corresp.,t. 1, 1813, p. 395). − Emploi abs. : 5. ... les reporters ont fait circuler le bruit que les Bulgares employaient des projectiles prohibés, ce qui est une fâcheuse preuve de sauvagerie. Eh bien! Monsieur, les faits sont, en même temps, beaucoup plus graves et beaucoup plus mystérieux. Écrivez, écrivez. − Il faudra souffler, amplifier un peu, faire mousser, disposer à l'entour un peu de littérature, de bonne littérature. Vous n'êtes pas en peine. C'est votre métier.
Duhamel, Cécile,1938, p. 32. b) Faire mousser qqn.Côté de la Parisienne de faire une réclame et de s'en faire une des gens connus qu'elle connaît, de faire mousser les hommes de lettres (Goncourt, Journal,1858, p. 547).L'homme de lettres promit son concours. Alors, elle lui demanda s'il ne pourrait pas, dans une des feuilles où il avait accès, faire mousser quelque peu son ami (Flaub., Éduc. sent.,t. 1, 1869, p. 154). − Emploi pronom. réfl. J'ai eu beaucoup de mal à lui persuader (...) que je n'avais jamais songé à me faire mousser ainsi sans en avoir l'air (Léautaud, Journal littér.,2, 1907, p. 106).La petite et moi, ici même, il nous était permis de tout faire, question mamours, et, dans ces moments-là... (...) vous savez comment ça se passe... L'homme commence. Il fait le coq. Il se lance. Il se fait mousser (Audiberti, Quoat,1946, 2etabl., p. 50). 2. Pop. Faire mousser qqn.Mettre en colère, faire rager. Un seul dessein, en son esprit, se formulait avec netteté : exaspérer le père Soupe (...), le faire mousser peu à peu, jusqu'à ce que, l'ayant poussé à bout, il eût enfin obtenu de lui la libre jouissance du bureau (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 4etabl., i, p. 123). Prononc. et Orth. : [muse], (il) mousse [mus]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1680 « produire de la mousse » (Rich.); 2. a) 1795 faire mousser qqc. « faire valoir au delà de sa valeur, exagérer » (G. de Staël, Lettre du 2 janv. à Ribbing ds Jasinski, Vocab. de G. de Staël ds Corresp. gén., t. 1, i, 1962, p. 55); b) 1856 se mousser « se montrer hautain, prendre le dessus » (Michel); c) 1866 mousser « avoir du succès » (Delvau); 3. a) 1843 mousser « écumer de rage » (Dupeuty et Cormon, Les Cuisines parisiennes, III, III ds Quem. DDL t. 6); b) 1844 faire mousser « mettre en colère » (Labiche, Deux papas, i, V, ibid.). Dér. de mousse2*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 103. DÉR. Moussage, subst. masc.a) Laiterie. Formation de mousse dans le lait fortement agité. À 30oC la tension superficielle diminuant, la tendance au moussage s'accroît (Luq.-Boud.Lait.1981).b) Pétrol. ,,Formation de mousses d'eau et d'hydrocarbures, qui perturbent les opérations de raffinage`` (Lar. encyclop.). − [musa:ʒ]. − 1reattest. 1878 « écumage, formation d'une mousse » (Wurtz, Dict. chim., t. 3, p. 276); de mousser, suff. -age*. BBG. − Quem. DDL t. 6. |