| MORTUAIRE, adj. A. − [En parlant de cérémonies, de rites] Qui concerne la mort. Le père d'Amédée était marbrier, entrepreneur de monuments funéraires et marchand de couronnes mortuaires (Gide, Caves, 1914, p.760): 1. − Augustin, dit Christine, laisse-nous un instant. (...) − Il nous faut faire la toilette mortuaire. Va-t'en. Demande à la mère Rambaud de venir et prends sa place. La bonne soeur avait déjà retroussé ses manches sur des avant-bras très blancs et pleins de tendons.
Malègue, Augustin, t.2, 1933, p.364. SYNT. Caveau, cérémonie, chapelle, couche, cortège, fourgon, lit, messe, veillée mortuaire. − Locutions ♦ Chambre mortuaire. Chambre où repose un mort. Dans la chambre mortuaire les employés des pompes funèbres se préparent à descendre la bière (Proust, Temps retr., 1922, p.883). ♦ Dépôt mortuaire. Morgue; petit édifice dans les cimetières où les corps sont déposés avant leur sépulture. Les soldats rôdaient devant la porte ouverte des douches qui servaient de dépôt mortuaire (Nizan, Conspir., 1938, p.82). ♦ Drap mortuaire. Linceul; drap noir étendu sur le cercueil pendant la cérémonie des funérailles. Le manteau que le vainqueur d'autrefois portait aux vastes funérailles de Marengo servit de drap mortuaire au cercueil (Chateaubr., Mém., t.2, 1848, p.668): 2. Le corps avait été placé dans un char drapé comme le cercueil, et sur lequel étaient montées quatre jeunes filles qui tenaient les coins du drap mortuaire, et tendaient à leurs compagnes le bout des bandelettes d'argent dont le cercueil était entouré.
Jouy, Hermite, t.2, 1812, p.167. ♦ Lettre mortuaire. Faire-part de décès. Il se disposait à aller chez lui prendre de ses nouvelles, quand il reçut une lettre mortuaire. Elle annonçait, dans les formules ordinaires, la mort de Jean-Louis Feuillebois, instituteur (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p.218). ♦ Domicile, maison mortuaire. Domicile, maison dans laquelle une personne est décédée. On se rassemblait dans la maison mortuaire en attendant le départ pour l'église (Delécluze, Journal, 1824, p.62).Au retour du cimetière on se lave les mains (Guyenne, Brie) et la vie reprend au domicile mortuaire (Menon, Lecotté, Vill. Fr., 2, 1954, p.101).Vx et région. (Belgique), emploi subst. fém., p. ell. Voir M.Piron, Les Belgicismes lexicaux ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg 1973, p.302. ♦ Masque mortuaire (v. masque I B 3 a). Le moulage blanc de son masque mortuaire (Nizan, Chiens garde, 1932, p.34). − DROIT ♦ Acte, extrait mortuaire. Acte, copie d'un acte authentique certifiant un décès. Méphistophélès adoucit singulièrement sa douleur, en lui promettant un extrait mortuaire de son époux, bien en règle, qu'elle pourra, suivant la coutume, faire publier dans la gazette (Staël, Allemagne, t.3, 1810, p.96). ♦ Droits mortuaires (vx). Droits que percevait l'Église sur les successions (d'apr. Lep. 1948). ♦ Registre mortuaire. Registre des actes de décès d'une même localité. Cette ignorance universelle des autres hommes de l'art, est la première cause qui grossissait épouvantablement les registres mortuaires de cette colonie, et qui faisait qu'une fièvre de vingt-quatre heures inquiétait un malade et les siens (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p.317). B. − [En parlant d'une chose qui exerce un effet particulier sur les sens] Funèbre, triste, lugubre. Couleur mortuaire. Un peu de jour entrait encore par la fenêtre ouverte, se mêlait à la lumière des lampes pour composer un éclairage mortuaire (Mauriac, Chair et sang, 1920, p.101). REM. Mortuairement, adv.D'une manière mortuaire. Sous un ciel d'un bleu noir sans étoiles et où mortuairement brillent six ou huit flammes électriques dans de hauts lampadaires (Goncourt, Journal, 1863, p.349). Prononc. et Orth.: [mɔ
ʀtɥ
ε:ʀ]. Martinet-Walter 1973 (3/ 17) [-tyε:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Subst. 1. ca 1213 «mortalité» granz mortuaires de genz (Faits des Romains, éd. L. F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p.359, 5); 2. id. masc. «quantité, grand nombre de cadavres (ibid., p.544, 12); 1316 «cadavre» (Geffroi, Chron. métr., 951 ds T.-L.); 3. a) 1302 dr. eccl. agn. «droit prélevé par les curés sur l'héritage de leurs paroissiens décédés» (doc. Rer. brit. script. ds Gdf.); b) 1401 dr. eccl. «[dans l'Ordre de Malte] revenu d'une commanderie, échu depuis la mort du titulaire jusqu'à la nomination de son successeur» (Ordonnances des rois de France, t.8, éd. Secousse, p.479). B. Adj. 1. 1416-22 lit mortuaire (Jean de Courcy, La Bouquechardière, Ars. 3689 [xves.], fol. 221 d ds Gdf. Compl.); 1548 maison mortuaire (doc. A. de Tournai, ibid.); av. 1549 draps mortuaires (Marguerite de Navarre, Dernières poésies, Le Navire, éd. A. Lefranc, p.423); 2. 1657 registres mortuaires (Antoine Le Maistre, Plaidoyers et harangues, 7 ds Littré). A est empr. au subst. lat. mortuarium, att. une 1refois au sens fig. «receptaculum rerum mortuarum, obsoletarum» (Cat. Inc. libr. frg., 19 ds TLL s.v.) puis à l'époque médiév. comme terme de dr. au sens de «main-morte» (1090 ds Nierm.) et de «somme due à l'église sur l'héritage d'un mort» (xiiies. ds Blaise Latin. med. Aev.); mortuarium est issu par substantivation de l'adj. b. lat. mortuarius «funèbre [en parlant des jeux]» (Tertullien TLL) d'où B. Fréq. abs. littér.: 322. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 428, b) 428; xxes.: a) 466, b) 493. Bbg. Quem. DDL t.1. |