| MORS, subst. masc. A. − Pièce métallique du harnais, qui passe dans la bouche du cheval et qui, par l'intermédiaire des rênes, permet de le conduire. Mors anglais, arabe; mors de bride; mors de filet; ôter le mors; tirer sur le mors. Il arrêta court son cheval sous la brusque pression du mors (Sandeau,Mllede La Seiglière,1848, p.104).Gondran accompagne le docteur jusqu'au cabriolet. Il tient le cheval par le mors (Giono,Colline,1929, p.25).Une bonne partie du pays vivait de la confection des brides, du polissage des mors, du matelassage des selles (P. Rousseau,Hist. transp.,1961, p.85). − Au fig. Ce qui réfrène, contraint. Flore absente, le vieillard était sans frein ni mors, et la situation devenait alors excessivement critique (Balzac,Rabouill.,1842, p.518).Il faut qu'il [Baudelaire] sente un mors qui le retient en arrière, alors qu'il va s'abandonner à la jouissance (Sartre,Baudelaire,1947, p.217). − Locutions ♦ Prendre le mors aux dents. Prendre et serrer les branches du frein avec les incisives, ce qui annule l'action du mors; p. méton., s'emballer. Ce cheval a le diable au corps (...). Il a pris le mors aux dents. − Vous l'avez donc éperonné? − Sans doute (Ponson du Terr.,Rocambole,t.1, 1859, p.602): 1. − Maurice, où cela nous mènera-t-il? − C'est ce que vous me demandiez, Louise, un jour, en voiture (...) tandis que notre cheval, qui avait pris le mors aux dents, nous emportait d'un galop furieux.
A. France,Dieux ont soif,1912, p.144. Au fig. Prendre, avoir le mors aux dents. Se mettre soudainement et avec énergie à une tâche, une activité; en partic., se laisser aller à la colère. Voilà que tu t'emballes, ne prends pas la mouche, on dirait que tu as le mors aux dents! (Proust,Guermantes 1,1920, p.182):2. Ne travaillez pas trop; quand on s'y laisse aller cela devient fièvre: je l'ai senti déjà depuis mon retour ici: j'avais pris le mors aux dents, et il me faut déjà enrayer.
Sainte-Beuve,Corresp.,t.3, 1839, p.152. ♦ Mettre le, un mors à. Réfréner. Enfin notre ami [Liszt] lui a mis [à la presse] le mors et la bride (Sand,Corresp.,t.2, 1837, p.72).Callias (...) ne pouvait jamais mettre un mors à sa raillerie (Baudel.,J. enchant.,1846, p.505). B. − 1. Mâchoires d'un étau, de tenailles, de pinces. Pince à larges mors, à mors coupants. Replacer la canule. Les mors recourbés de la pince à anneau facilitent et dirigent sûrement son introduction (Bretonneau,Inflamm. tissu muqueux,1826, p.319).[Le serrage d'un étau de machine-outil] est obtenu par une vis commandant le rapprochement du mors mobile (Gorgeu,Machines-outils,1928, p.63). 2. BOT. Mors du diable. Scabieuse des bois. Il lui arrivait de leur dire [aux laboureurs et aux jardiniers] des paroles mystérieuses: − Quand le mors du diable fleurit, moissonnez le seigle d'hiver. (Parenthèse: le mors du diable, c'est la scabieuse) (Hugo,Travaill. mer,1866, p.69). 3. INDUSTR. VESTIMENTAIRE. Mors de chape. Agrafe composée de deux plaques fixées sur les bords de la chape, qui les mord et les retient (d'apr. Vogüé-Neufville 1971). 4. RELIURE. ,,Saillie placée de chaque côté du dos d'un volume, destinée à recevoir la couverture en carton`` (Comte-Pern. 1963); partie de la couverture faisant charnière entre le dos et les plats. (Dict. xxes.). Prononc.: [mɔ:ʀ]. Homon. maure, more, mort. Étymol. et Hist. 1. Ca 1120 «morsure» (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 945) − 1636, Monet, s.v. morsure; 2. a) ca 1160 «agrafe qui retenait la chape sur la poitrine» (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 750); b) 1680 mords d'etau (Rich.); c) 1765 reliure mords des livres (Encyclop. t.10); 3. 1176 «morceau» (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 4) − fin xve-début xvies., v. Hug., ne subsiste que dans le dimin. morsel, morceau*; 4. a) 1370 «levier de la bride qui passe dans la bouche du cheval et sert à le gouverner» (A.N. KK 1336, fol. 64b ds La Curne); b) 1547 prendre son mors aux dents (d'un cheval) (Mellin de St Gelais,
Œuv. poét., p.176, éd. 1719 ds Gdf. Compl.); c) 1694 (Ac.: On dit fig. prendre le mors aux dents, pour dire, prendre une bonne resolution et l'effectuer). Du lat. morsus «morsure (au propre et au fig.)» subst. verbal de mordere «mordre»; au sens 4 c cf. a. fr. prendre le frein as dens «prendre une décision énergique» (ca 1225-30, Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 3051). Fréq. abs. littér.: 190. Bbg. Autheville (P. d'). Termes techn. empl. en sellerie. Banque Mots. 1977, no14, p.158. |