| MORALISER, verbe A. − Emploi trans. 1. Faire, donner une leçon de morale à quelqu'un dans le but de l'instruire ou de le réprimander. La Fontaine (...) moralisait ses contemporains sous couleur de les enchanter par des récits fabuleux (Arts et litt.,t. 2, 1936, p.40-1): 1. Tout à l'heure, je n'avais pas le courage de moraliser ces deux créatures, dit-il en montrant Euphrasie et Aquilina. N'étaient-elles pas mon histoire personnifiée, une image de ma vie! Je ne pouvais guère les accuser, elles m'apparaissaient comme des juges.
Balzac, Peau chagr.,1831, p.181. 2. a) Rendre l'homme moral ou plus moral; l'inciter à agir moralement, l'élever ou l'aider à s'élever dans l'ordre de la morale. Anton. démoraliser (vx), corrompre.Moraliser le peuple. Il y aurait à faire à ce sujet des remarques sur l'hygiène en rapport avec la procréation qui pourraient en même temps moraliser l'individu et améliorer l'espèce (Cl. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p.232): 2. On ne peut trop attaquer et censurer les sociétés pour tâcher de les moraliser, de les arracher aux intérêts matériels, de les spiritualiser, de les rendre susceptibles d'enthousiasme pour le beau, le bon et le vrai.
Vigny, Journ. poète,1837, p.1054. − Emploi abs. En fait, tous moyens sont bons qui guérissent, qui moralisent et sanctifient (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 3, 1848, p.256).Là où je voulais procurer le travail qui moralise, elles [ma femme et ma fille] jetaient à pleines mains l'argent qui avilit (Sand, M. Sylvestre,1866, p.165). − Emploi pronom. Devenir moral. En Occident, si ses moeurs s'adoucissaient, il [l'aristocrate] ne se moralisait pas toujours; se jugeant au-dessus du commun, il affichait trop souvent le libertinage et le gaspillage (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p.45). b) Rendre conforme à la morale; soumettre quelque chose à des règles morales. Moraliser le commerce, la publicité, les sondages. [Louvois] a rendu en somme un éminent service à l'État, et même, on l'ose dire, à l'humanité, en organisant cette chose sauvage, la guerre: il l'a, jusqu'à un certain point, moralisée (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 1, 1861, p.328).Il y a, messieurs, un fait prouvé qui tranche tout: la religion moralise le mariage (Zola, Pot-Bouille,1882, p.95): 3. ... cette suite d'entretiens représente toujours le coeur et l'esprit se concertant religieusement afin de moraliser la puissance matérielle à laquelle le monde réel est nécessairement soumis.
Comte, Catéch. posit.,1852, p.22. B. − Emploi intrans., vieilli, souvent péj. Se livrer à des considérations, des réflexions morales dans un but édifiant; tirer la leçon morale des choses, des faits, des événements. Moraliser à tout propos. Pour un personnage tout d'action et si homme de main, il est à remarquer comme il [Montluc] aime les préceptes, les sentences, et à moraliser sur la guerre (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 11, 1854, p.60).Ne nous scandalisons pas. Ne moralisons pas. Essayons de comprendre (J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p.120).V. agréable ex. 26: 4. Un homme de mauvaises moeurs méprise les femmes, un raisonneur épais blâme l'esprit, un sophiste moralise contre l'argent.
Senancour, Obermann,t. 1, 1840, p.129. REM. Moralisé, -ée, part. passé adj.Formé à la réflexion ou à la discipline morale. L'être moralisé, achevé, et l'être qui raisonne en toute rigueur sont mécanismes l'un et l'autre (Valéry, Tel quel II,1943, p.320).Il est bien vrai que les Mexicains d'avant la conquête, avec leurs sacrifices humains soigneusement ordonnés, font horreur à nos imaginations moralisées (Philos., Relig., 1957, p.34-13). Prononc. et Orth.: [mɔ
ʀalize]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1340 «interprété de façon allégorique» (Jean de Vignay, trad. de Jacques de Cessoles, Livre des esches moralizé en françois, B.N. 1172, fo185 ds Gdf. Compl.); 2. 1596 «rendre moral» (Hulsius); 3. 1611 «faire des réflexions morales» (Cotgr.); 4. 1756 «reprendre quelqu'un en lui faisant la morale» (P.-F.-G. Desfontaines, Dictionnaire néologique à l'usage des beaux esprits du siècle, cité par L.Undhagen, p.62); 5. 1796 «élever moralement» (Le Néologiste Français, cité par Th. Ranft ds Z. fr. Spr. Lit. t. 35, p.140: L'uniformité des poids et des mesures contribuera à moraliser les nations). Dér. de moral*; suff. -iser*. Fréq. abs. littér.: 98. DÉR. Moraliseur, adj. masc. et subst. masc.,vx, péj. (Celui) qui se plaît à moraliser, à donner des leçons de morale. Synon. moralisateur.C'est un grand moraliseur, un moraliseur éternel (Ac.). Quand on est moraliste, ne risque-t-on pas de devenir Moraliseur? L'homme âgé est naturellement Moraliseur. Il est à la fois grand économe et grand Moraliseur (MercierNéol.1801, p.131).− [mɔ
ʀalizoe:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1762. − 1resattest. a) 1375 «celui qui interprète allégoriquement quelque chose» (Raoul de Presles, Cité de Dieu, 4, 9, éd. 1531 ds Delb. Notes mss); b) 1611 «celui qui aime à faire des leçons de morale» (Cotgr.); de moraliser, suff. -eur2*. BBG. − Undhagen (L.). Morale et les autres lexèmes formés sur le rad. moral-. Lund, 1975, p.63. |