| MONTRE1, subst. fém. A. − Vx ou littér. Action d'exhiber, de faire étalage (de), de montrer avec ostentation. Synon. démonstration, étalage, exhibition.Cette vaine montre, cette manie des beaux dehors n'est ignorée que des sots, et pourtant presque tous les hommes en sont dupes (Senancour,Obermann,t.2, 1840, p.208).Alors les deux amants affichèrent leurs amours au Bois (...) en firent la montre un peu ostentatoire dans tous les lieux du Plaisir cher (E. de Goncourt, Faustin,1882, p.229): 1. Que le critique exigeât de l'auteur une libération, un dégagement, soit (...). Mais dégagement de quelle contrainte? Mais libération de quelles chaînes? Nous répondions un peu vite: des idées courantes, de la montre et de la convention.
Paulhan,Fleurs Tarbes,1941, p.203. − Loc. littér. Pour la montre. Pour l'aspect, l'apparence extérieur(e); pour l'apparat, la parade. Bah! tenez, vos poignards en nacre et en ivoire, c'est bon pour la montre; mais parlez-moi (...) d'un bon gros outil comme celui-ci. (Il tire un grand couteau) (Mérimée,Mosaïque,Les Mécontents, 1833, p.235).Égoïste et dur, il a jusqu'à la fin vécu pour la montre, gonflant son plastron tout en surface d'une enflure de vanité (A. Daudet, Nabab,1877, p.199): 2. Si mon père vivait, je connaîtrais mes droits et mes devoirs; il est mort et je les ignore (...). Un seul mandat: plaire; tout pour la montre.
Sartre,Mots,1964, p.22. − Loc. verb. usuelle. Faire montre de (qqc.) ♦ Manifester, faire preuve (de). Synon. montrer.J'ai pensé que, par la brusquerie dont il avait fait montre au premier abord, Saint-Avit avait voulu prendre barre sur nous (Benoît,Atlant.,1919, p.32).Les «ouvrières» n'en continuent pas moins leur besogne, faisant montre d'un automatisme stupide (J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p.281). ♦ Montrer avec ostentation. Synon. afficher, étaler, exhiber.Des curieux se pressaient (...). Et l'agent, se voyant observé, ne songea plus qu'à faire montre de son autorité (A. France,Crainquebille,1904, p.18).Vous ne pourrez pas faire montre de votre habileté d'observateur aujourd'hui (Peisson,Parti Liverpool,1932, p.141). Rem. Faire montre de tend à perdre son sens péj. et à reprendre son sens premier (faire preuve de): Ils ont fait montre de courage (Hanse Nouv. 1983, p.595). − En partic., vx. [Correspond à montreur] Spectacle, exhibition. Regardez ce molosse, ce chien énorme qui étrangle un lion. Alexandre (ou François Ier) est dans le cirque, froid, calme, nullement ému de ces montres (Michelet,Journal,1857, p.367).Chacun veut s'emparer de lui comme d'un animal de montre (Druon,Louve Fr.,1959, p.105). B. − COMMERCE 1. Vx. Étalage, exposition des marchandises pour attirer les acheteurs ; p. méton. lieu d'exhibition. Synon. étalage.Oh! la belle chaîne! s'écria la jeune fille (...) vous avez joliment bon goût (...) mais avouez que je suis bonne fille de vous servir ainsi de montre à bijoux (Sue,Juif errant,1844-45, p.165).Ces agitées de choix traversent la brasserie, mais n'y demeurent pas. C'est un refuge, c'est une montre où elles rentrent après chaque amant quitté (Barrès,Déracinés,1897, p.154). 2. Vieilli. Boîte d'étalage fermée par une vitre. Synon. mod. vitrine.La montre d'un antiquaire, d'un bijoutier, d'un charcutier. Lorsqu'en vous promenant vous verrez une figure arrêtée pendant un instant devant la glace d'une montre, examinez-la bien (Balzac,Fille Ève,1839, p.35).Les vitrines d'aujourd'hui sont devenues des expositions d'images. (...) le livre d'art envahit la montre avec sa «jaquette» illustrée (Huyghe,Dialog. avec visible,1955, p.11). − En montre. En exposition. Il y a qqc./qqc. (est/reste) en montre. Dans la vitrine (...) des chemises d'homme restaient en montre, des bonnets de femme pendaient (Zola,Assommoir,1877, p.497).Les courtisanes étaient en montre dans leurs «chambres exposées», comme des fleurs à l'étalage (Louys,Aphrodite,1896, p.79).Il y avait en montre une étoile faite de pelotons de laine et deux premiers communiants de bois (Vercel,Cap. Conan,1934, p.250). − En partic. Boîte vitrée où sont exposés des objets précieux. Entre les massives bibliothèques [de la maison de Goethe] (...) sont placées des montres vitrées consacrées à une collection de médailles (Nerval,Lorely,1852, p.95). C. − Domaine milit., vx 1. Faire la montre. Passer en revue, faire le recensement des troupes. Le maître de Saint-Jacques et celui d'Alcantara, venus d'un cantonnement voisin, allaient faire la montre de leurs cavaliers (Mérimée,Don Pèdre Ier,1848, p.287). 2. Recensement, contrôle des troupes en vue du paiement de la solde; p. méton. la solde elle-même. Les fausses montres étoient défendues sous des peines rigoureuses: les chevaux devoient être marqués pour être reconnus dans les revues et à fin que la solde ne fût pas payée à un homme d'armes deux ou trois fois pour le même cheval (Chateaubr.,Ét. ou Disc. hist.,t.4,1831, p.127).Tous les mois Rosny fait sa visite à l'armée à la tête de son convoi: il fait voiturer avec lui cent cinquante mille écus pour la montre ou solde (Sainte-Beuve,Caus. lundi,t.8,1853, p.172). D. − CHIM., CÉRAM., POT. Dispositif, ou poterie d'essai, dont le point de ramollissement renseigne à quelques degrés près sur la température atteinte dans un four (d'apr. Duval 1959). Céramique. − Les pyroscopes (...) sont de petites pièces de poterie qu'on nomme montres et qu'on a mises dans des places de l'intérieur du four d'où on peut aisément les retirer (Al. Brongniart, Arts céram.,t.1, 1844, p.231). Prononc. et Orth.: [mɔ
̃:tʀ]. Ac. 1694: monstre; dep. 1740: montre. Étymol. et Hist. 1. Ca 1210 «exemple, modèle» (Dolopathos, 48 ds T.-L.); spéc. comm. a) 1350 «partie de la marchandise que l'on montre pour faire juger du reste; échantillon» (Ordonnances des rois de France, t.2, éd. E. de Laurière et D. F. Secousse, p.354, 30 janv.); b) 1397 «tasse pour faire l'essai des vins» (Arch. JJ 153, pièce 167 ds Gdf.); 2. a) comm. «inspection des marchandises» (doc. Arch. mun. Châlons, ibid.); b) ca 1260 dr. médiév. «descente sur les lieux faite en vertu d'un jugement de la Cour, pour procéder à la visite et à la description d'un fief» (Livre de Jean d'Ibelin ds Assises de Jérusalem, éd. A. Beugnot, t.1, p.62); c)
α) 1376 milit. «inspection, revue d'une armée» (Modus et Ratio, 217, 44 ds T.-L.: Et quant il fet moustre de ses gens armés);
β) 1570 «solde» (Blaise de Monluc, Lettres, 257 ds Commentaires et Lettres de Blaise de Monluc, éd. A. de Ruble, t.5, p.268, 13 févr.); 3. a) 1267 comm. «exposition de marchandises destinées à la vente; foire» jour de monstre (Livre Roisin, éd. A. Monier, §211, p.138); b) 1530 monstre a marchandise «entrepôt, magasin où l'on expose les marchandises» (Palsgr., p.286b); 4. 3equart du xiiies. «action de se montrer, de paraître, exhibition» (Chansons et dits artésiens, éd. A. Jeanroy et H. Guy, XII, 38: Feme qui fait de sen cors mostre, C'est la periere por caïr); 1549 faire monstre de (Est.). Déverbal de montrer*. Fréq. V. montre2. Bbg. Gohin 1903, p.337, 374. |