| MONTJOIE, subst. fém. A. − Vieux 1. [Cri de guerre proféré parfois par les Français dans les batailles au Moyen Âge] Les hommes d'armes avaient un cri servant à les rallier dans les combats ou à les animer dans les tournois. Ce cri était généralement le nom de leur souche originaire, le plus souvent on criait son propre nom (...). Souvent c'était une invocation à Dieu, à Notre-Dame, aux saints: «Montjoye, montjoie saint Denis» (L'Hist. et ses méth., 1961, p.742). Rem. Le cri usité en France était Montjoie-Saint-Denis; en Bourgogne on disait: Montjoie-Saint-André. 2. Subst. masc. [Titre affecté autrefois au premier roi d'armes de France] Le roi d'armes Mont-joie (d'apr. Littré). B. − Monticule de pierres placé au bord des chemins, surmonté ou non d'une croix ou d'une indication, et destiné à célébrer une victoire ou célébrer un événement important; croix ou indication surmontant ce monticule. Je sus enfin qu'on n'y voyait ni gibet seigneurial, ni moulin fortifié (...) ni aiguilles, chartes murales ou montjoies (Proust, Guermantes 2, 1921, p.28). − P. métaph. Pour ne rien dire de l'oncle de MmeB..., cette montjoie d'ignorance et d'erreurs (Toulet, Corresp. avec un ami, 1920, p.39). Prononc. et Orth.: [mɔ
̃
ʒwɑ], [-a]. Ac. 1694, 1718: mont-joye; 1740-1878: mont-joie; 1935: montjoie. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 Munjoie «cri de guerre des chevaliers» (Roland, éd. J. Bédier, 1234); 1135 Monjoie «id.» (Couronnement de Louis, Rédaction AB, éd. Y. G. Lepage, 1921); b) 1532 [éd.] «titre du roi d'armes de France, nommé par l'assemblée des hérauts d'armes et reconnu par le souverain» (J. Marot, Sur les deux heureux voyages de Genes et Venise, foXLI ro); 2. ca 1200 monjoie «monticule servant d'observatoire près d'une ville» (Jean Renart, L'Escoufle, éd. Fr. Sweetser, 4354). Étymol. discutée. Prob. et malgré le changement du genre masc. au fém. (v. Rohlfs, Munjoie ds Hommage à la mémoire de P. Gardette, p.445, note 1) emploi comme nom commun de Mons Gaudii, proprement «montagne de joie; paradis»; nom donné par les pèlerins à la montagne de Rama située au nord-ouest de Jérusalem (v. K. Löffel, Beiträge zur Geschichte von montjoie, 1934, pp.5-10 et 25-28). Mons Gaudii a dû exister préalablement dans la litt. relig., avec une valeur symbolique; cf. aussi les subst. mons et gaudium (parfois juxtaposés), hyperboles fréq. en lat. chrét. pour désigner le «royaume de Dieu» et la «félicité» (v. K. Heisig, Munjoie ds Rom. Jahrb., t.4, 1951, pp.292-314). Le nom propre s'est appliqué ensuite à diverses éminences dont on pouvait voir le lieu saint, puis à des points de vues quelconques (d'où le sens 2). Montjoie comme cri de joie des pèlerins apercevant la ville sainte a été adopté au Moy. Âge comme cri de guerre (d'où le sens 1 a). Voir Löffel, loc. cit., 68 p. et FEW t.6, 3, pp.90b-91a et 92b. Bbg. Arnould (Ch.). De Petromantalum à Montjoie. R. intern. Onom. 1971, t.23, pp.81-104. _ Bar (F.). Romania 1942, t.67, pp.240-243. _ Bugler (G.). À propos de Montjoie. R. intern. Onom. 1972, t.24, pp.1-6. _ Favière (J.). Romania 1946, t.69, pp.101-103. _ Gamillscheg (E.). Frz. montjoie «Wegweiser», «Malhügel». Z. fr. Spr. Lit. 1967, t.77, no4, pp.369-371. _ Herbillon (J.). Marcourt et Montjavoult (Montjoie). R. intern. Onom. 1977, t.29, p.130. _ Lew. 1968, p.57. _ Löffel (K.). [Montjoie]. Tübingen, 1932. _ Quentel (P.). Petromantalum et Montjoie. R. intern. Onom. 1972, t.24, no3, p.224. _ Rohlfs (G.). Munjoie, ço est l'enseigne carlun. Querelles d'une étymol. R. Ling. rom. 1974, t.38, no149-152, pp.444-452. _ Roques (M.). Romania. 1936, p.138. |